Etats-Unis — Les requins nous fascinent mais souvent pour de mauvaises raisons – les morsures impressionnantes et parfois mortelles qu’ils infligent aux nageurs. Pourtant, des médicaments et des technologies d’avenir révolutionnaires pour notre santé pourraient bien émerger de l’étude de ces animaux marins présents sur Terre depuis 500 millions d'années. En effet, ils possèdent la particularité de se remettre très vite de leurs blessures, sont peu souvent sujets au cancer et résistent aux infections.
Jusqu’ici la peur des requins n’a pas empêché les hommes d’utiliser leur cartilage pour soigner, entre autres, le cancer, l’arthrose, le psoriasis ou encore le diabète. Et aujourd’hui encore, les chercheurs continuent d’étudier ces animaux marins dans l’espoir de trouver de nouveaux remèdes pour l’homme.
« Toute une série de découvertes sur le système immunitaire des requins et certaines de leurs substances sont prometteuses en termes d’applications médicales humaines » explique Mahmood Shivji, docteur en génétique et directeur du centre de recherche « Save Our Seas Shark » (Nova Southeastern University à Fort Lauderdale, Floride) à nos confrères américains. « Il y a encore tellement de choses que nous pouvons apprendre de ces très anciens vertébrés».
Bien qu’elles en soient à leurs débuts, les recherches sur les requins sont en plein essor et ont un fort potentiel, acquiesce Jennifer Schmidt, chercheur en biologie moléculaire, généticienne et directrice de la recherche au Shark Research Institute.
Les requins ne font pas de cancer : info ou intox ? Popularisée dans les années 90 par le livre de I. William Lane, Sharks Don’t Get Cancer, cette croyance a la vie dure et est aujourd’hui contestée. La parution du livre, relayée à grand renfort par une émission sur la chaine CBS News « 60 minutes », a eu pour conséquence de faire monter en flèche la vente d’extraits de cartilage de requin – dans laquelle W Lane, chercheur en nutrition, avait peut-être quelque intérêt. Dans un article publié en 2004 et intitulé « Shark Cartilage Cancer 'Cure' Shows Danger Of Pseudoscience » , Gary K. Ostrander, chercheur dans le département de Biologie et de médecine comparative de l’Université Johns Hopkins, a vivement dénoncé la « victoire de la pseudo-science et du marketing » lié à un tel message et à sa publicité auprès du grand public qui a conduit des milliers de personnes à se ruer sur des compléments alimentaires à base de cartilage de requin pour prévenir et/ou guérir du cancer. Outre le fait que les requins font des cancers (bien que plus rarement), Gary K. Ostrander souligne que si le requin possède des substances potentiellement anti-cancéreuses, ce n’est pas en consommant des extraits de cartilage par voie orale que l’on peut escompter obtenir un effet. Les dernières études scientifiques, dont certaines présentées à l’ASCO, n’ont d’ailleurs pas fait la preuve de l’efficacité de ces compléments. |
Leçon de cicatrisation
Les requins baleines présentent souvent des blessures sur leur dos quand les hélices des bateaux les heurtent, explique Jennifer Schmidt. Mais « il n’est pas rare de voir des requins qui ont souffert d’une large échancrure avoir cicatrisé 6 mois plus tard, affirme-t-elle. Un an après, la blessure est même devenue quasiment invisible ». Cette capacité de régénération rapide, de même que leur résistance aux infections, est du plus grand intérêt pour les chercheurs.
L’équipe de Mahmood Shivji séquence actuellement la totalité du génome du requin. « Nous sommes en train d’essayer de comprendre ce qui fait du requin un requin, explique-t-il, et notamment pourquoi il cicatrise aussi vite ». En regardant quels gènes ils mettent en œuvre pour se réparer aussi vite, les scientifiques seront peut-être capables de trouver et de développer des médicaments capables d’activer des gènes de guérison ou d’inhiber ceux qui ralentissent le processus, ajoute Jennifer Schmidt.
Aux Etats-Unis, il existe déjà au moins un produit aidant à la guérison et issu de la recherche sur les requins. Il s’agit d’une matrice de régénération des tissus contienant du cartilage de requin, ainsi que de la chondroïtine 6 sulfate et du collagène bovin. Dénommé Omnigraft™, ce produit a d’ailleurs été approuvé par la FDA pour traiter certains ulcères du pied diabétique.
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Citer cet article: Cicatrisation accélérée, résistance aux infections, aux cancers : ce que nous pouvons apprendre des requins - Medscape - 7 août 2017.
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