Actualisation -- Suite aux résultats de l’étude Cnamts-INSERM portant sur les données de sécurité clinique du baclofène de 2009 à 2015 évoquée ci-dessous, l’ANSM est sur le point de limiter la posologie maximale de prescription « autour de 75-80 mg/jour ». La décision de réviser la RTU en urgence a été prise « en raison de l’apparition de risques par rapport aux autres traitements des problèmes d’alcool. Les Autorités de santé ont pris une responsabilité en accordant cette autorisation sur la base d’une présomption d’un bénéfice/risque positif, a expliqué l’ANSM à Medscape. Il est normal qu’elles la modifient, au vu des nouvelles informations de sécurité, pour ne pas faire courir de risques aux patients. La RTU sera révisée dans les jours qui viennent et les médecins en seront officiellement informés pendant l’été ». Dévoilée à certains médecins prescripteurs, l’information a d’ores et déjà provoqué l’agacement de Fédération Addiction, qui, dans un communiqué, s’indigne de l’absence de concertation, s’inquiète des conséquences d’une réduction de dose pour les patients et prévoit de futures prescriptions hors RTU et hors AMM. Enfin, la Fédération souligne enfin que l’étude de sécurité Cnamts-INSERM comporte des biais méthodologiques : elle a possiblement exclu les patients de la RTU (non compatibles avec les critères d'inclusion dans l'étude). De plus, ce travail fait « l’impasse sur l’efficacité du médicament baclofène dans les troubles de l’usage de l’alcool ». SL |
Baclofène en vie réelle : plus hospitalisations et de mortalité à fortes doses
Saint-Denis, France / 11 juillet 2017 – Au cours des dernières années, des signaux suggérant un risque accru de décès chez les patients traités par baclofène à fortes doses ont conduit l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), en lien avec l’Inserm et l’Assurance Maladie à comparer sa sécurité avec les traitements des problèmes d’alcool ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché. Et, de fait, leur analyse révèle que le taux d’hospitalisations et de décès augmente de façon nette à doses supérieures à 75 mg/j [1]. Au vu de ce travail, les Autorités envisagent de réviser la RTU du baclofène, « notamment en ce qui concerne les doses administrées », et, à terme, d’en tenir compte pour la demande d’AMM en cours d’évaluation à l’ANSM [2].
Doses actuellement recommandées par le RTU Le baclofène a deux indications : diminution de la consommation d’alcool et, après sevrage, maintien de l’abstinence. Il a un effet sédatif et sa posologie de départ est « assez faible », soit 15 mg/jour, avec augmentation progressive (+5 mg par jour, puis +10 mg par jour par paliers de 2-3 jours) jusqu’à 300 mg/jour, afin d’obtenir une éventuelle réponse clinique. A partir de la posologie de 120 mg/jour, un deuxième avis par un collègue expérimenté dans la prise en charge de l’alcoolo-dépendance doit être sollicité. Pour toute posologie supérieure à 180 mg/j, un avis collégial au sein d’un CSAPA (Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) ou d’un service hospitalier spécialisé en addictologie est requis. |
Interrogé par Medscape, le Pr Bernard Granger, professeur de psychiatrie à l'université Paris Descartes et responsable de l’unité de psychiatrie et d’addictologie de l'hôpital Tarnier (Paris), considère que « ces résultats ne doivent pas être minimisés, mais interprétés avec les précautions qui s’imposent en se rappelant de l’apport indéniable du baclofène dans la prise en charge de l’addiction à l’alcool ».
Lire aussi l’interview du Pr Bernard Granger et son analyse détaillée de l’étude (Baclofène : efficace, mais à manier avec précaution). |
Victime de la mode ?
Victime de son efficacité dans l’alcoolo-dépendance – et peut-être aussi d’une certaine effervescence médiatique – le baclofène l’est assurément. En décembre 2014, plus de 120 000 personnes étaient traitées par cette molécule et on en comptait plus de 100 000 début 2017. Si une Recommandation temporaire d’utilisation (RTU) a été mise en place en 2014 pour encadrer cet engouement chez les personnes dépendantes de l’alcool, le baclofène n’en reste pas moins une molécule très particulière. « Sa large gamme de dosages possibles (patient-dépendant) et ses effets indésirables quasi incontournables (et d’autant plus fréquents que la dose est élevée) en font un médicament dont le maniement est délicat et qui demande une certaine expertise de la part du prescripteur » rappelle le psychiatre parisien.
En vie réelle
Conduite en vie réelle à partir des bases de données du Sniiram et du PMSI reliées à celle du Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc), l’étude a colligé – grâce à un algorithme établi à partir des informations médicales présentes dans les bases de données – la totalité des patients affiliés au Régime Général stricto sensu de la sécurité sociale ayant débuté un traitement par baclofène (n = 277 790) en distinguant les utilisateurs de baclofène atteints d’une affection neurologique en lien avec l’indication ayant obtenu l’AMM (n = 64 475), de ceux (les 2/3, soit 213 315 patients) qui ont reçu le baclofène pour un autre motif « hors neurologie », principalement dans le traitement de la dépendance à l’alcool. Elle a, par ailleurs, recensé 418 683 patients qui ont démarré un des traitements des problèmes d’alcool ayant obtenu l’AMM (acamprosate, naltrexone, nalméfène, disulfiram) sur cette même période.
Répartition des doses Les patients sous baclofène « hors neurologie » qui reçoivent des doses quotidiennes élevées sont minoritaires, mais leur proportion a cependant triplé entre 2009 et 2015 (environ 3% des patients avec une dose quotidienne en fin de traitement supérieure à 75 mg/jour en 2009, contre 9% en 2015). Un peu plus de 1 400 patients ont reçu des doses entre 180 et 300 mg/jour et 935 des doses supérieures à 300 mg/jour, soit un peu plus de 1% des patients. « Dans la pratique d’un médecin qui prescrit et qui connait bien le baclofène, la proportion de patients à des doses égales ou supérieures à 180 mg par jour, est plutôt de l’ordre de 40 à 50%, sans que cela pose de problèmes majeurs car les médecins maitrisent la prescription » commente le psychiatre. |
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Citer cet article: RTU baclofène : l’ANSM va limiter les doses à 75 ou 80 mg/j - Medscape - 12 juil 2017.
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