Maladie de Lyme chronique : la polémique sur l’antibiothérapie hors AMM s'accentue

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

4 juillet 2017

Aurora, Etats-Unis — Depuis plusieurs mois, la polémique enfle autour du diagnostic et des traitements de la maladie de Lyme transmise par les tiques. Selon certains médecins aux Etats-Unis comme en Europe, la maladie est en pleine expansion et sous-diagnostiquée, notamment en raison de la diversité des agents infectieux impliqués et de tests diagnostiques peu performants. Ces experts s’alarment du nombre grandissant de patients atteints de maladies de Lyme chroniques particulièrement invalidantes et militent pour obtenir l’autorisation de proposer d’autres traitements et en particulier des antibiothérapies plus longues que celles actuellement recommandées.

Cependant, face à ce courant de pensée alternatif mené, en France, par le Pr Luc Montagnier (Professeur émérite à l'institut Pasteur, prix Nobel de médecine, co-découvreur du VIH) et le Pr Christian Perronne (CHU de Garches) et aux Etats-Unis par l’association International Lyme and Associated Diseases Society (ILADS), d’autres voix s’élèvent qui questionnent l’existence même d’une forme chronique de maladie de Lyme et qui s’inquiètent des effets secondaires graves qui peuvent être associés à l’antibiothérapie prolongée.

Mi-juin, aux Etats-Unis, dans un article du Morbidity and Mortality Weekly Report des CDC [1], les Centers for Disease Control (CDC) ont voulu marquer les esprits en publiant 5 cas cliniques de complications sévères associées à des injections d'antibiothérapies et d’immunoglobulines en intraveineuse chez des patients considérés comme souffrant de maladie de Lyme chronique.

« Les médecins et les patients devraient savoir que les traitements de la maladie de Lyme chronique ne reposent pas sur des bases scientifiques solides et qu’ils peuvent induire des complications sévères », écrivent les auteurs, le Dr Natalie S. Marzec et coll. (médecine préventive, Université du Colorado, Aurora, Etats-Unis).

Interrogé par Medscape édition française, le Pr Perronne a réagi à cette publication. Pour lui, il s’agit « d’exemples exceptionnels de complication d’une voie veineuse centrale pour discréditer l’antibiothérapie du Lyme chronique. »

« Ces quelques cas isolés n’ont rien à voir avec la prise en charge habituelle du Lyme chronique qui ne nécessite pas, sauf exception, de traitement IV prolongé. C’est le résultat de quelques médecins qui font un peu n’importe quoi, jusqu’à monter des cathéters centraux ou mettre en place des chambres implantables. Autant ces pratiques peuvent se justifier pour la chimiothérapie d’un cancer ou le traitement d’un état de choc en réanimation, autant ce type de traitement n’a pas sa place pour le Lyme (sauf intolérance digestive absolue, ce qui est exceptionnel) », commente l’infectiologue.

Cas clinique 1

Le premier cas décrit par les CDC est celui d’une femme trentenaire souffrant de fatigue et de douleurs articulaires qui a été diagnostiquée avec une maladie de Lyme chronique (infection par Babesia et Bartonella). En dépit de plusieurs cures d'antibiotiques oraux, ses symptômes se sont aggravés. Après trois semaines de ceftriaxone et de cefotaxime en intraveineuse, la douleur articulaire n’a pas cessé et la patiente a développé de la fièvre et des démangeaisons. Elle a été hospitalisée en soins intensifs où elle a reçu des antibiotiques à large spectre en IV. En dépit des soins intensifs, son état s'est aggravé et elle est décédée. Le décès de la patiente a été attribué à un choc septique du à une bactériémie induite par le cathéter veineux central.

Les traitements de la maladie de Lyme chronique ne reposent pas sur des bases scientifiques solides et ils peuvent induire des complications sévères Dr Natalie S. Marzec

Cas clinique 2

Le deuxième cas est celui d’une adolescente souffrant depuis des années de douleurs musculaires, articulaires, dorsales, de maux de tête et de léthargie d’abord diagnostiqués comme un syndrome de fatigue chronique puis comme une maladie de Lyme chronique. La patiente a été traitée avec des antibiotiques oraux puis en intraveineuse (rifampine, trimethoprime-sulfamethoxazole, doxycycline, cefiraxone) pendant 5 mois sans amélioration. Les antibiotiques ont été arrêtés, mais elle a développé un choc septique. Elle s’est révélée positive à Acinetobacter spp, et a été traitée avec succès avec des antibiotiques à large spectre en unité de soins intensifs.

Cas clinique 3

Le troisième cas est celui d’une femme dans la quarantaine testée positive à la maladie de Lyme. Elle a reçu 4 semaines de doxycycline orale. Et, deux ans plus tard, la fatigue, les troubles cognitifs et sa faible endurance à l’effort ont conduit à poser un diagnostic de maladie de Lyme chronique. Après une cure prolongée d’antibiotiques par intraveineuse, des cultures réalisées au niveau du cathéter et dans le sang se sont révélées positives pour Pseudomonas aeruginosa pour laquelle. Une douleur dorsale continue, un scanner et une biopsie osseuse ont permis de poser un diagnostic d’ostéodiscite (infection du disque intervertébral et de vertèbres), traitée avec succès.

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