Leiden, Pays-Bas – De par son action sur l’hématocrite, l’érythropoïètine (EPO) est classiquement considérée comme un produit dopant. Elle figure, à ce titre, sur la liste noire de l’Agence mondiale anti-dopage –qui en compte plus de 300. Mais quid de son action réelle sur les performances sportives ? Pour le savoir, une équipe de chercheurs néerlandais l’a testée en double aveugle chez des cyclistes amateurs de bon niveau, en laboratoire et sur les flancs du Mont Ventoux. Et contre toute attente, sur des exercices d’endurance et lors d’une course en montagne, l’EPO arrive ex-aequo avec le placebo. De quoi remettre en cause sa réputation de dopant ? Ce travail a été publié dans le The Lancet Haematology[1].
Effet dopant : présomption ou réalité ?
Alors que l’édition 2017 de la Grande Boucle est sur le point s’élancer sur les routes de France, voici une étude qui pourrait agiter le Landernau du Tour tant elle va à l’encontre des idées reçus sur l’une des substances dopantes les plus connues, l’érythropoïètine (EPO). Les chercheurs néerlandais y expliquent en effet que pour figurer sur la liste des produits bannis, nul n’est besoin d’avoir fait la preuve de l’effet dopant d’une substance, « avoir le potentiel d’améliorer les performances » suffit. Un principe que les auteurs imaginent avoir été établi de façon pragmatique pour faire face à l’impossibilité d’obtenir des preuves scientifiques pour nombre de ces produits sans dépenser beaucoup de temps et d’argent. Si l’on ajoute qu’il est impossible de tester des substances interdites chez des sportifs professionnels sujets aux contrôles anti-dopage lors des compétitions, alors les présomptions qui pèsent sur l’EPO reposent peut-être plus sur la base de ses effets biologiques que sur la démonstration de son impact réel sur les performances des sportifs.
La rHuEPO, véritable « bol d’oxygène » Le dopage sanguin a été introduit dans les années 1970 par l’utilisation courante de transfusions sanguines après séjour en altitude afin d’accroître la capacité maximale aérobie et la performance des sports endurants. L’utilisation dès 1987 de l’érythropoietine humaine recombinante (rHuEPO), véritable « bol d’oxygène », allait bouleverser le mode sportif. Le traitement avec rHuEPO augmente le niveau de l'hématocrite et de l'hémoglobine au prix d’un risque accru d’événements thrombo-emboliques. |
L’ascension du Mont Ventoux en prime
Pour évaluer sur la base de l’evidence based medicine l’effet dopant de la rHuEPO sur les performances intensives et d’endurance des sportifs, les chercheurs ont mené une étude en double aveugle chez des cyclistes amateurs et mesuré tout un ensemble de paramètres en laboratoire et en condition réelle, c’est-à-dire lors d’une course sur route, ici l’ascension du Mont Ventoux.
Quarante-huit cyclistes amateurs très entrainés et dispatché en deux tranches d’âge (18-34 ans et 35-50 ans) ont reçu pour moitié des injections hebdomadaires de rHuEPO ou une solution saline (à des doses cohérentes avec celles utilisées dans le cyclisme professionnel) pendant 8 semaines de façon à élever le taux d’hémoglobine de 10 à 15% par rapport au taux basal. Les participants ont aussi été supplémentés en fer et en acide ascorbique.
Les tests comprenaient plusieurs épreuves pour évaluer les paramètres biologiques et physiologiques sur différents types de performance. La première s’est déroulée en laboratoire et était destinée à évaluer les cyclistes dans un travail de haute intensité, à savoir une montée en tension (ramp test). Après un échauffement à la puissance de 175 W, la résistance de pédalage était augmentée de 25 W toutes les 5 minutes. La cadence devait alors être comprise entre 70 et 90 rpm. Le non-maintien dans cette fourchette ou l’arrêt signait l’épuisement du participant. La deuxième épreuve en laboratoire était similaire si ce n’est que les cyclistes pédalaient pendant 45 min à une puissance de charge correspondant à 80% de leur maximum. Les 2 protocoles prévoyaient la réalisation d’une prise de sang et d’un électrocardiogramme après 3 minutes de récupération à 50 W. Enfin, environ 12 jours après les dernières injections, les participants se sont vus proposés une épreuve sur route de 100 km suivie d’une ascension du Mont Ventoux (pente de 7,5% en moyenne), souvent au programme du Tour de France. |
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Citer cet article: L’EPO booste-t-elle réellement les cyclistes ? Résultats d’une étude randomisée - Medscape - 30 juin 2017.
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