POINT DE VUE

Spécial arthrose à EULAR 2017 : les commentaires du Pr Berenbaum

Pr Francis Berenbaum

Auteurs et déclarations

4 juillet 2017

Enregistré le 17 juin 2017, à Madrid, Espagne

Trois essais thérapeutiques dans l’arthrose, présentés au congrès européen de rhumatologie (European League Against Rheumatism - EULAR 2017), ont retenu l’attention du Pr Francis Berenbaum : des résultats avec un anticorps anti-L1, la trans-capsaïcine et un inhibiteur de la voie Wnt.

TRANCRIPTION

Bonjour, je suis Francis Berenbaum, rhumatologue à l’Hôpital Saint-Antoine à Paris et je vais vous parler de ce que j’ai retenu de ce congrès de l’, à Madrid. C’est toujours très compliqué de choisir les présentations que l’on considère comme les meilleures parce qu’il y en a tellement, des milliers. Donc, évidemment, je vais aller plutôt vers mes propres domaines d’intérêt, en particulier l’arthrose, mais on parlera également de rhumatisme inflammatoire [dans la 2e partie de cette présentation].

Concernant l’arthrose, cela fait maintenant longtemps qu’on attend des nouveaux traitements, que ce soit des traitements symptomatiques ou de fond. On reste toujours sur les antalgiques et éventuellement les injections intra-articulaires, mais on aimerait bien avoir autre chose. Il est intéressant de voir qu’enfin on commence à voir arriver des traitements beaucoup plus ciblés, même si on est encore parfois un peu déçu. Mais il y a des pistes prometteuses.

Biothérapie par anticorps anti-IL-1 (ABT-981)

D’abord un essai anti-cytokine, une biothérapie [1]: un anticorps anti-IL-1 qui a la particularité d’être à la fois anti-IL-1α et anti-IL-1β. Toujours est-il qu’on attendait les résultats de cette étude de phase 2 qui a randomisé plus de 150 patients en deux groupes : un groupe avec le traitement anticorps anti-IL-1 et l’autre avec un placebo. L’intérêt de cette étude était surtout que les patients étaient sélectionnés uniquement s’ils avaient de l’inflammation dans leurs mains arthrosiques, donc dans leurs articulations arthrosiques. Cela veut dire que pour une fois, on n’a pas traité toutes les arthroses des mains, on a traité uniquement celles pour lesquelles on considérait que le médicament pouvait avoir un effet. Il s’agit d’un traitement qui s’injecte par voie sous-cutanée avec une évaluation qui s’est faite au bout de six mois, mais également au bout de trois mois, pour voir l’effet symptomatique. Le résultat, malheureusement, est — je peux vous l’annoncer tout de suite — négatif. Il n’y avait pas de différence dans les deux groupes, que ce soit pour les symptômes ou pour l’effet structural, puisqu’il y avait également des IRM qui étaient réalisées. Donc, malheureusement, une piste qui était prometteuse, même si on avait déjà des indications sur des essais pilote précédents qui n’étaient pas très positifs. En tout cas je pense que l’intérêt principal de cette étude, même si elle était négative, c’est qu’on voit apparaître des essais cliniques s’appuyant vraiment sur des phénotypes particuliers d’arthrose.

Forme synthétique de la trans-capsaicine (CNTX-4975)

Deux autres essais cliniques avec cette fois-ci des molécules injectées en intra-articulaire. C’est aussi une vraie tendance qui est d’essayer de trouver des nouveaux traitements qui se font plutôt par injection dans les articulations.

Donc un premier essai avec un équivalent de la capsaïcine [2]. Peut-être avez-vous déjà entendu parler de cette molécule : c’est quelque chose qui se met parfois en topique sur les articulations douloureuses. Cela ne se fait pas beaucoup en France, mais dans certains pays anglo-saxons cela se fait avec un effet antalgique intéressant. Mais là, l’intérêt était de voir l’effet en injectant en intra-articulaire cette molécule, qui est en fait un inhibiteur des voies de la douleur impliquées lorsqu’il y a une activation par du piment (donc, quand on mange du piment cela fait très mal, cela brûle – dans les articulations il y a des terminaisons nerveuses qui sont sensibles à ce type d’influx). Et bien cette molécule vient inhiber ces nerfs sensitifs de la douleur. Deux doses ont été testées : deux injections, à 0,5 mg et 1 mg sur plus de 400 patients. Le résultat est intéressant pour l’un des deux dosages, la dose la plus forte de 1 mg, puisqu’après quelques semaines, une injection unique a montré un effet sur la douleur qui était statistiquement significatif. Alors bien sûr, c’est préliminaire. C’était surtout une étude de recherche de dose. Donc là, visiblement, la dose a été trouvée. Maintenant, il y a aussi la tolérance qu’il va falloir évaluer, surtout si on doit être amené à faire plusieurs injections de façon répétitive dans ce but antalgique.

Inhibiteur de la voie Wnt (SM04690)

L’autre molécule qui a été présentée est intéressante parce que, cette fois-ci, le but n’est pas les symptômes (la douleur), mais réellement la structure [3]. C’est-à-dire, de voir si avec cette molécule, on est capable de retarder la dégradation du cartilage lié à l’arthrose. Cette molécule vient inhiber une voie très complexe de signalisation à l’intérieur des cellules cartilagineuses ou osseuses, qu’on appelle la voie Wnt, qui est une voie nocive quand elle est trop activée. Le nom de code de cette molécule est [SM04690]. Elle peut potentiellement ralentir la dégradation et la destruction. Il y a eu une présentation orale sur l’effet en imagerie, sur les radiographies, et également une présentation en poster sur les symptômes. C’est intéressant parce qu’il y a eu un effet structural — en tout cas, tel que peuvent le rapporter les radiographies standard — dans le sens où il y avait à six mois un interligne qui était moins altéré dans le groupe traité par rapport au groupe placebo. En revanche, d’un point de vue statistique, il n’y avait pas d’effet sur les symptômes. Alors, évidemment, on préférerait avoir une molécule qui puisse agir sur les deux, mais ce n’est pas non plus inintéressant de voir que, peut-être, certaines molécules pourraient avoir uniquement un effet sur la structure, peut-être d’autres uniquement sur les symptômes et puis, en espérant avoir éventuellement une molécule qui puisse agir sur les deux. L’aventure continue donc pour cette molécule puisque c’était une phase 2, essentiellement avec une recherche de dose, et on espère voir prochainement des résultats plus précis sur une phase plus avancée.

Voilà ce que j’ai retenu sur l’arthrose. Il y a d’autres présentations qui étaient intéressantes, mais je crois que celles-ci, plus à objectif thérapeutique, montrent qu’on a maintenant des pistes nouvelles. D’autres vont arriver et on attend avec impatience les résultats de ces différentes études à venir.

Voir la 2e partie en direct de EULAR 2017 consacrée à la tolérance des biomédicaments et des nouveaux traitements dans le rhumatisme psoriasique.

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