
Dr Valérie Auslender
Paris, France – Environ un quart des étudiants en médecine sont déprimés, et la même proportion mentionne des idées suicidaires, selon une toute récente enquête menée par quatre structures représentatives des jeunes et futurs médecins (ANEMF, ISNAR-IMG, ISNCCA, ISNI). Parmi les principaux facteurs de risque retrouvés, juste derrière la fatigue, figurent les violences psychologiques subies par 51,5% des internes et 62,7% des externes. Ces maltraitances sont justement au cœur de l’ouvrage du Dr Valérie Auslender « Omerta à l’hôpital »*, sorti tout récemment (voir encadré). Nous lui avons demandé sa réaction aux résultats de l’enquête.
Medscape édition Française : L’enquête retrouve 66,2% d’étudiants souffrant d’anxiété 27,7 % de dépression et surtout 23,7 % d’idées suicidaires. Avez-vous été surprise par ces résultats ?
Dr Valérie Auslender : Malheureusement non, mais je suis toujours étonnée et scandalisée par l’écart entre ces chiffres et ceux de la population générale. (A titre d’exemple, les 23,7% d’idées suicidaires chez les futurs médecins sont à mettre en relation avec les 3,7 à 4% de femmes et 2,6% à 3,7% des hommes âgés de 20 à 34 ans qui font la même réponse dans la population générale - NDLR). La souffrance est beaucoup plus prégnante chez les étudiants en médecine et correspond à ce que j’ai observé lors de la centaine – et désormais milliers – de témoignages que j’ai recueillis auprès des étudiants en profession de santé et colligés dans mon ouvrage (voir encadré ci-dessous).
« Omerta à l’hôpital » « Je suis interne de pédiatrie, et je finis mon sixième semestre. Dans un an, je serai thésée et officiellement pédiatre. Quelle fierté ! Mais si c’était à refaire, certainement pas. Ça n’en vaut pas le coup. Le coup, ou plutôt les coups. » La préface signée Charlotte Bailly donne le ton du livre de Valérie Auslender. Dans « Omerta à l’hôpital »*, l’auteur a recueilli des centaines de témoignages (rendus anonymes) après un appel lancé via les réseaux sociaux. Médecin généraliste elle-même, aujourd’hui attachée à Sciences Po, la jeune femme a tenu à mettre en lumière les maltraitances (pressions psychologiques, propos sexistes, racistes, violences physiques et harcèlement sexuel) dont sont victimes les étudiants en profession de santé (futurs médecins, infirmières, aide-soignantes, sages-femmes, kinésithérapeutes, pharmaciens, etc. ). Épisodes d’acharnement, d’humiliation, d’abus de pouvoir, de sexisme sous couvert d’omerta se succèdent : les insultes pleuvent « T'es qu’une merde », le harcèlement est banalisé (« C'est très bien...est-ce que vous sucez ? » répond -sans la regarder- le médecin en service à l’étudiante infirmière venue se présenter le premier jour de stage), les agressions physiques (tirage de cheveux, jets de compresses ensanglantées,..) sont monnaie courante, et les agressions sexuelles (une externe rapporte une tentative de viol de la part de son « patron ») passées sous silence et, bien sûr, impunies. Tout ça parce que les violences, ça fait partie du «pack études de médecine»... A la fin de l'ouvrage, neuf experts (Christophe Dejours, Didier Sicard, Cynthia Fleury,…) réagissent à ces témoignages et proposent des pistes de réflexion. Sa lecture est nécessaire – à éviter tout de même les jours de déprime – car comme le fait remarquer l’un d’entre eux, le Dr Gilles Lazimi, nous ne pourrons pas dire que « nous ne savions pas ». |
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Citer cet article: Etudiants victimes de violences psychologiques à l’hôpital : cette réalité « tue » - Medscape - 28 juin 2017.
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