Autre facteur de risque majeur – mais souvent laissé dans l’ombre – : les violences psychologiques telles que récemment dénoncées par le Dr Valérie Auslender dans son ouvrage Omerta à l'hôpital (Voir notre article). Plus de la moitié des internes (51,5%) et surtout des externes (62,7%) y sont confrontés, s’accompagnant, cause ou conséquence, d’un défaut de soutien des supérieurs hiérarchiques chez près de la moitié des répondants. Ces maltraitances s’inscrivent dans un « parcours de l’étudiant » où la vulnérabilité n’a pas sa place, ni la plainte, et où la demande d’aide est mal vue. En témoigne ce commentaire du Pr Eric Galam , Professeur Associé Médecine Générale (Université Paris Diderot) et Coordonnateur de l’Association Aide aux Professionnels de santé et Médecins Libéraux (AAPML) que nous interrogions il y a quelques mois sur le burn-out des internes : « Le « devenir médecin » est certes une chance méritée mais c’est aussi un parcours quasi initiatique et toujours plus ou moins violent, nous expliquait-il alors. C’est ce qu’on appelle le « hidden curriculum », le parcours implicite qui « convertit » un profane en médecin. Cette acculturation est fondée sur des règles dont on ne parle pas, tant elles sont évidentes et contraignantes : pas de place pour l’émotion, pour le doute, pour la contradiction, l’échec, l’erreur, la critique… Pas de place non plus pour la fragilité ou la demande d’aide même si tous savent qu’elles existent ».
Les études de médecine sont-elles un facteur de risque de suicide ? C’est la question à laquelle le Dr Rebecca Zivanovic (University of British Columbia, Vancouver) a tenté de répondre en comparant le taux de suicide chez les étudiants en médecine par rapport à la population générale dans 7 études menées aux Etats-Unis, en Autriche et au Brésil. Son travail a été présenté lors du dernier congrès annuel de l’American Psychiatric Association et rapporté par nos confrères de Medscape [2]. Au final, difficile de conclure car les résultats divergent et comme le souligne le principal auteur, il est quasiment impossible de trouver un « vrai » groupe contrôle pour ce type d’études. Pour autant, « bien que les données actuellement disponibles ne permettent pas d’établir un « consensus » indiquant que les étudiants en médecine soient plus ou moins à risque de suicide que la population générale, il y a une prise de conscience du fait que les jeunes médecins puissent être plus exposés ». Pour preuve de cette prise de conscience, plusieurs études – regroupant des cohortes non françaises - se sont penchées sur la question au cours des toutes dernières années. En 2015, une revue de la littérature de 37 études menée par 2 chercheurs lisboètes retrouvait des taux de dépression chez les étudiants en médecine allant de 2,9% à 38,2%, des taux de pensées suicidaires de 4,4% à 23,1% et de tentatives de suicide entre 0,0% to 6,4% chez des étudiants en médecine [3]. Fin 2015, une méta-analyse portant sur 31 études transversales établissait ce taux de dépression des internes à 28,8%. Un an après, le JAMA publiait une revue de 199 études (n = 122 356) regroupant 43 pays – dont 1 seule française – retrouvant un taux similaire d’un quart d’étudiants dépressifs (27,2%) et de 11,1% de pensées suicidaires [4]. |
Contrôle du temps de travail et visite médicale
Pour prévenir les risques psycho-sociaux et favoriser cette demande d’aide, les syndicats font des propositions comme une formation des futurs médecins au management – ce n’est pas inné –, des temps d’échanges spécifiques (notamment au décours d’un événement comme la mort inattendu d’un patient) ou encore un accompagnement personnalisé. Les organisations syndicales insistent, également, sur la nécessité de « renforcer les contrôles et les sanctions en cas de non-respect du temps de travail » et recommandent la mise en place d’une visite d'aptitude en service santé au travail « obligatoire et systématique » pour tous les jeunes médecins à chaque changement de statut (externe, interne, assistant). Ce qui est actuellement loin d’être le cas : dans l’enquête, seuls 45,3% des répondants en avaient déjà vu un. Une façon aussi d’inciter les jeunes médecins à consulter quand ils ont un problème et à choisir un médecin traitant plutôt que privilégier « autodiagnostic et automédication » comme le rappelait encore récemment le Dr Max-André Doppia lors du lancement de la campagne "Dis doc, t’as ton doc?".
En attendant une véritable prise de conscience du problème et des changements en profondeur, les syndicats étudiants signalent l’existence de plusieurs dispositifs d’écoute et d’assistance à destination des professionnels médicaux, qu’ils soient spécifiques aux jeunes et futurs médecins ou pas (voir encadré ci-dessous).
RESEAUX NATIONAUX AAPML (Association d’aide aux professionnels de santé et médecins libéraux) N° Indigo : 0826 004 580 - http://www.aapml.fr/ APSS (Association pour les soins aux soignants) : http://www.apss-sante.org/ Collège français d'anesthésie-réanimation (CFAR) : N° Vert : 0800 00 69 62 - e-chat http://cfar.org/sante-au-travail-smart/ MOTS (Médecin Organisation Travail Santé) : N°: 0608 282 589- http://www.association-mots.org/ SPS (Soins aux professionnels de santé) : N° Vert : 0805 23 23 36 http://www.asso-sps.fr/ |
*Intersyndicat national des internes (Isni), Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-MG), Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), Intersyndicat national des chefs de clinique et assistants (ISNCCA).
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Citer cet article: Dépression : un quart des étudiants en médecine laissés en souffrance - Medscape - 28 juin 2017.
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