Dépression : un quart des étudiants en médecine laissés en souffrance

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

28 juin 2017

Paris, France – On commence tout juste à se pencher sur ce sujet – ô combien tabou et longtemps ignoré – de la santé psychique des étudiants en médecine. En témoigne l’enquête nationale inédite que quatre structures représentatives des jeunes et futurs médecins (ANEMF, ISNAR-IMG, ISNCCA, ISNI)* ont réalisé auprès des externes, internes, chefs de clinique-assistants (CCA), assistants hospitalo-universitaires (AHU) et assistants spécialistes (AS) [1]. Le résultat est sans appel : avec 27,7 % de dépression et surtout 23,7 % d’idées suicidaires, nos futurs soignants sont en grande souffrance et il est temps d’agir.

Lire aussi notre interview du Dr Valérie Auslender, auteur de l’ouvrage « Omerta à l’hôpital », où le médecin commente ces résultats et évoque les causes du mal-être.

23,7% ont des idées suicidaires et un quart souffrent de dépression

Burn-out, dépression, suicides… On l’entrevoit, on le pressent depuis quelques temps déjà, la redondance de ces termes quand il s’agit de parler des internes montre que les jeunes étudiants en médecine ne vont pas bien. Le constat ne se limite d’ailleurs pas à l’Hexagone (voir encadré) où les chiffres sont d’ailleurs encore peu nombreux mais éloquents. En 2016, alors qu’il s’agissait de sonder leur état de santé en général, 14 % des 8000 étudiants et jeunes médecins interrogés par le Conseil national de l’Ordre des médecins, en collaboration avec l’ANEMF, l’ISNI, l’ISNAR-IMG et l’ISNCC, avait déclaré avoir eu des pensées suicidaires (à titre de comparaison entre 3,7 et 4% des femmes et 2,6% à 3,7% des hommes âgés de 20 à 34 ans font la même réponse dans la population générale). De quoi alarmer ces mêmes syndicats qui ont décidé de consacrer une nouvelle enquête à la seule thématique de la santé mentale des jeunes étudiants en médecine. Contactés via les associations (notamment de spécialités), les syndicats, ou les réseaux sociaux, ce sont 21 768 étudiants qui ont répondu, dont 4255 en 1er cycle, 8725 en 2ème cycle et 1157 CCA-AHA-AS.

Résultat : les études de médecine sont, pour le moins, extrêmement stressantes. Chiffres du score HADS à l’appui : 66,2% des répondeurs souffrent d’anxiété, 27,7% de dépression et 23,7% ont indiqué avoir eu des idées suicidaires dont 5,8% dans le mois précédent l’enquête. Si l’on ne peut exclure des biais – comme le fait que les étudiants les plus concernés aient répondu préférentiellement –, les pourcentages donnent une idée de l’ampleur du problème. Un quart d’étudiants déprimés, c’est aussi l’ordre de grandeur retrouvé dans les enquêtes internationales (voir encadré), sans oublier les situations dramatiques « depuis novembre 2016, cinq internes se sont donné la mort ! Ces situations témoignent du malaise profond qui règne aujourd’hui chez une partie de nos confrères », commentent les organisations d’étudiants ayant mené cette enquête.

Violences psychiques chez plus de la moitié des étudiants

Quels sont les facteurs de risque ? Sans surprise, la fatigue, d'abord : 73% des quelques 8 800 internes et CCA répondants travaillent au-delà du seuil légal, fixé à 48 heures hebdomadaires. S’y ajoutent les nouvelles organisations du travail et le fameux « tournant gestionnaire » qui conduit, au nom d’incontournables économies, ceux qui travaillent à travailler encore plus. «Probablement que les conditions de travail sont de plus en plus difficiles. Il y a encore des internes qui travaillent plus de 24h d’affilée, malgré les dangers que cela comporte pour eux et ceux que cela comporte pour le patient» témoigne Leslie Grichy, vice-présidente de l’ISNI au micro de France Inter. «Les obligations réglementaires de repos mises en place en 2015 – qui font qu’en théorie, un interne qui sort de garde après 24 heures de travail doit observer un repos de 11 heures d’affilée – ne sont souvent pas respectées. Le temps de travail moyen est plutôt de 60 heures par semaine ».

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