Paris, France – Jusqu’à 20% des passages en service d’accueil des urgences (SAU) sont dus à des alcoolisations aiguës. La fréquence du problème des conduites addictives n’est plus à démontrer. « A Bordeaux, nous avons les alcoolisations chroniques en début de semaine et les ivresses aiguës des jeunes tous les week-ends qui débutent le jeudi soir, ce qui représente 10% des passages aux urgences » déplore le Dr Isabelle Faure lors d’une session du congrès Urgences 2017 consacré aux conduites addictives. « Nous aimerions qu’il existe un poste avancé pour distinguer les patients qui relèvent d’une prise en charge médicale de ceux qui nécessitent uniquement un dégrisement. Malheureusement, hormis à l’issue de quelques réunions festives, ce tri en amont n’est pas fait. »
En amont, à la régulation
En amont du service d’urgence, force est de constater qu’il n’existe pas de consignes spécifiques pour les conduites addictives à la régulation des centres 15 et les appels sont d’ailleurs peu nombreux. Une enquête menée au CHU de Besançon en 2016 cite le chiffre de 1,47% des appels de la régulation avec une notion d’addictologie (3463 cas sur 234 377 dossiers régulés).
« Que peut néanmoins faire le médecin régulateur pour s’améliorer ? » S’interroge le Dr Damien Viglino (CHU Grenoble). Voici ses 3 propositions :
1 – Bien connaitre son territoire addictologique (antennes d’addictologie, CMP, CAARUD…). Il est essentiel d’orienter correctement les patients. Il ne faudrait pas adresser une personne qui aurait juste un problème d’addiction dans un milieu psychiatrique inapproprié.
2 – Connaitre son Equipe de liaison en addictologie (ELSA) et lui demander des conseils. Rappelons que les ELSA sont dédiées à la prise en charge des toxicomanes et de l’alcool. On peut se demander s’il ne faudrait pas les intégrer à la régulation.
3 – Connaitre les signes de gravité « psychologique » pour orienter dans l’urgence (rupture de conduite addictive, situation de fragilité anormale, problème de l’environnement nécessitant une extraction du milieu).
Aux urgences : un patient comme les autres
Aux urgences, la présentation des conduites addictives est souvent aiguë. Devant une alcoolisation aiguë, il faut, bien sûr, faire un examen clinique, rechercher des signes de gravité et évoquer des diagnostics différentiels car un patient agité n’est pas forcement alcoolisé. Il faut penser à une hypoglycémie, à un état post-critique après une crise convulsive, à l’évolution d’un traumatisme crânien ou à une intoxication autre. On estime que 25 à 40% des traumatismes se feraient sous l’effet de l’alcool. Le bilan des lésions est difficile car le patient est peu coopérant et le risque de sous-diagnostic est d’autant plus important que les sujets ont une moindre sensation de douleur.
Jusqu’à preuve du contraire, on peut considérer que le patient en ivresse aiguë est un traumatisé du rachis, ce qui est néanmoins rare (<1% de fractures cervicales). Mais il n’est pas réaliste de vouloir mettre les patients ivres en matelas coquille avec une minerve puis sur un plan dur... Même chose pour la suspicion de traumatisme crânien : beaucoup de ces patients présentent des symptômes justifiant la réalisation d’un scanner cérébral (score de Glasgow < 15, amnésie antérograde, …)., selon les dernières recommandations SFMU. Mais là encore, il n’est pas possible d’adresser 100% des ivresses aiguës au scanner. « A Bordeaux nous avons opté pour la surveillance active en unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD) mais cela a un coût hospitalier. »
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Citer cet article: Prise en charge des ivresses alcooliques aiguës - Medscape - 21 juin 2017.
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