Le blog du Dr Boris Hansel - Diabétologue et nutritionniste
Très en vogue dans les médias grand-public, le régime « sans gluten » suscite quelques questions. Indépendamment des multiples raisons qui peuvent pousser à adopter ce régime, le Dr Boris Hansel discute des effets du gluten sur le système cardio-vasculaire.
« On peut supposer une relation entre consommation de gluten et risque cardiaque, et en particulier coronarien, à partir d’observations réalisées dans la maladie coeliaque », explique-t-il.
On observe en effet que la maladie coeliaque est associée à un risque accru de coronaropathie, tandis que l’épidémiologie « donne l’impression que le risque de ces patients rejoint celui de la population générale lorsqu’ils suivent un régime sans gluten ».
En outre, des effets pro-inflammatoires du gluten ont été décrits, qui pourraient favoriser l’athérosclérose.
Il n’existe en fait qu’une seule étude prospective sur la question, publiée dernièrement dans le British Medical Journal[1].
Cette étude porte sur deux cohortes : quelques 65.000 femmes enrôlées en 1976 dans la Nurses’ Health Study, et 45.000 hommes enrôlés en 1986 dans la Health Professionals Follow-up Study. A partir de questionnaires sur l’alimentation, la consommation de gluten a été évaluée, et rapportée à l’incidence des maladies coronaires.
« Le résultat principal est l’absence de sur-risque de coronaropathie chez les sujets ayant la plus forte consommation de gluten, après ajustements pour les principaux facteurs de confusion », indique le Dr Hansel. Mais l’étude aboutit à un autre résultat, « encore plus intéressant ».
Lorsqu’on procède à un ajustement sur l’apport en céréales raffinées – et non sur les céréales brutes – le risque de coronaropathie apparait réduit de 15% chez les sujets qui consomment le plus de gluten, par rapport à ceux qui n’en consomment pas, ou peu.
Inversement, si l’on ajuste sur les céréales brutes, cet effet protecteur apparent du gluten, disparait.
L’explication proposée par le Dr Hansel est la suivante. « Il faut se rappeler que la réduction du gluten est le plus souvent le témoin d’une baisse de consommation de fibres et de micronutriments, puisque le gluten est souvent apporté par des céréales complètes, riches en fibres et micronutriments », lesquels « jouent un rôle important dans la protection vis-à-vis de l’athérosclérose ».
« Ce n’est pas parce qu’on mange du gluten qu’on est protégé de la coronaropathie, mais parce qu’on mange les fibres et les micronutriments qui lui sont associés », résume le Dr Hansel.
En pratique, la conclusion est triple.
Premièrement, « il n’y a pas de preuve scientifique d’un effet délétère du gluten sur l’appareil CV chez l’homme, et encore moins en l’absence de maladie coeliaque », souligne le Dr Hansel. « La nouvelle étude confirme l’absence d’effet dans la population générale. L’idée d’un effet pro-athérogène est une hypothèse de laboratoire, et rien qu’une hypothèse ».
Deuxièmement, « on ne peut pas davantage évoquer un effet protecteur du gluten, malgré certains résultats de l’étude observationnelle », puisque « lorsqu’on ajuste sur les bons paramètres, le gluten lui-même n’a pas d’effet protecteur ».
Enfin, s’agissant maintenant des patients qui veulent manger sans gluten, « pourquoi pas ? », estime le Dr Hansel. « Mais il faut mettre des conditions ».
Il faut d’une part être vigilant quant à l’apport en fibres et micronutriments, et pousser à la consommation de fruits et légumes, de fruits secs et d’oléagineux.
Et il faut d’autre part être vigilant sur les produits industriels sans gluten.
« Plusieurs évaluations ont montré que ces produits sont souvent riches en graisses saturées, et surtout, que leur index glycémique est élevé, voire très élevé, ce qui est certainement défavorable chez les patients diabétiques, mais aussi dans la population générale ».
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Citer cet article: Gluten et risque CV : info ou intox? - Medscape - 6 juin 2017.
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