Paris, France— Le congrès EuroPCR 2017 célébrait le quarantième anniversaire de la première angioplastie coronaire avec une exposition mettant en avant l’esprit pionnier de l’allemand Andreas Grüntzig, son inventeur et de ses disciples. Quatre décennies plus tard, le congrès EuroPCR rassemblait plus de 12.000 cardiologues interventionnels, infirmiers et scientifiques du monde entier. La discipline élargie au remplacement valvulaire percutanée (TAVI) souhaitait cette année revenir à ses fondamentaux, à savoir le stenting coronaire. Difficile de s’y retrouver dans ce foisonnement technologique. Nous avons interrogé le Pr Martine Gilard (CHU Brest), l’une des très (et trop) rares femmes cardiologues interventionnels en France.
Medscape édition française - La recherche sur les stents coronaires semble toujours aussi active, n’a-t-on pas atteint un plateau ? Peut-on encore progresser ?

Pr Martine Gilard
Pr Martine Gilard - Je pense qu’on peut en effet s’améliorer d’abord parce qu’on devient de plus en plus exigeant et qu’ensuite on traite des patients et des lésions qui sont de plus en plus difficiles. Donc, il faut des stents qui nous permettent d’aller sur des lésions complexes, de traiter des patients à haut risques et de réduire au maximum la bithérapie antiplaquettaire (DAPT). Là est l’un des enjeux principal : tous les nouveaux stents en développement essayent de voir comment on pourrait diminuer cette DAPT, d’abord chez les patients tout venants puis chez les patients à haut risque hémorragique et à très haut risque thrombotique comme dans le syndrome coronarien aigu. Une durée d’1 à 3 mois serait l’idéal.
On est parti du rationnel, sur des études autopsiques (Dr Renu Virmani et autres) que les stents enrobés de produit actif (DES) validaient leur promesse en matière de réduction de la resténose mais le polymère que l’on met pour libérer la drogue est à l’origine d’une inflammation qui pose le problème des thromboses tardives.
Depuis lors, les industriels n’ont eu de cesse de résoudre ce problème. Le fabriquant du stent Xience à l’évérolimus (Abbott Vascular) a eu l’immense chance (intuition ?) de concevoir un stent actif de seconde génération qui limite à la fois le risque de resténose et de thrombose tardive du fait de la composition particulière du polymère (qui pourtant ne se dégrade pas). Mais cela n’a pas été le cas pour les autres fabricants, d’où la conception de stents à polymère biodégradable et de stents entièrement biodégradables. C’est compliqué car les qualités de la plateforme et notamment l’épaisseur de la maille rentrent aussi en jeu. Ainsi, lorsque l’on compare 2 stents avec le même polymère biodégradable, on note plus d’évènements avec celui dont l’épaisseur de maille est plus grande.
Si diminuer la DAPT est un objectif prioritaire, comment expliquer le grand nombre de patients sous DAPT à 2 ans, 3 ans dans les registres ?
Pr M. Gilard - Pour plusieurs raisons. D’abord un effet de balancier avant que les recommandations n’arrivent dans la communauté des médecins. Ensuite, chez le patient jeune, rentré dans la maladie coronaire par un infarctus et qui tolère bien la DAPT, personne n’a envie d’arrêter le traitement même s’il existe des recommandations très claires. Dans l’essai EVOLVE II que je viens de présenter, nous avons demandé aux cardiologues d’arrêter la DAPT mais à 3 ans, 50% des patients était toujours sous traitement. Je crois que beaucoup de médecins sous-estiment l’impact des hémorragies. L’essai DAPT a bien montré et alors que c’était avec le clopidogrel qui fait peu saigner que la prolongation de la bithérapie tue. Mais ce n’est pas le cas pour les patients à très haut risque thrombotique qui eux, tirent bénéfice de la prolongation de la DAPT. On voit que si les recommandations indiquent 6 mois de DAPT pour le patient stable stenté et 12 mois après un SCA, il existe aussi des situations où la durée de la DAPT se fait à la carte en fonction de l’évaluation du risque du patient.
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Citer cet article: Cardiologie interventionnelle : 5 questions au Pr Martine Gilard - Medscape - 29 mai 2017.
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