Paris, France — Le sans gluten est sur toutes les lèvres. Pourtant derrière le phénomène de mode, se cache une vraie pathologie, la maladie cœliaque (MC) dont la physiopathologie est désormais relativement bien connue et à laquelle il faut penser devant une symptomatologie digestive caractéristique mais aussi face à des formes atypiques, y compris chez des patients âgés ou corpulents. Comment la diagnostiquer en évitant les pièges ? La traiter ? Peut-on en guérir ? Le Pr Christophe Cellier, gastroentérologue, spécialiste de la MC (HEGP, Paris) a répondu à ses questions lors du congrès de la Société Francophone d’Allergologie qui s’est déroulé à Paris fin avril et a fait un point sur cette entité aux contours beaucoup plus flous qu’est l’hypersensibilité au gluten [1].
Entéropathie auto-immune
La maladie cœliaque (MC) est une pathologie digestive due à une intolérance vraie au gluten du blé – lequel est composé de deux protéines, les gliadines et les gluténines, qui confèrent des propriétés viscoélastiques et du moelleux au pain et à de nombreux autres produits issus de l’agro-alimentaires. Immunogènes, ces protéines sont capables de déclencher une réaction immunitaire inappropriée, entraînant une inflammation chronique au niveau de l’intestin grêle qui se traduit par une atrophie villositaire, et une prolifération de lymphocytes T intra-épithéliaux.
« La physiopathogénie de cette entéropathie auto-immune est relativement bien connue; avec un antigène identifié – la gliadine – et un terrain génétique de prédisposition très marqué avec un profil HLA de type DQ2/DQ8 retrouvé dans 95% et 5% des cas respectivement », a indiqué le Pr Cellier. Cela ne suffit pas puisque les vrais jumeaux ne développent la maladie de façon concomitante que dans 70% des cas. « Il existe donc très probablement des facteurs exogènes associés qui favorisent la survenue de cette maladie, comme par exemple les réovirus [2]».
Formes atypiques ou frustres dans plus de 80% des cas
Aujourd’hui, c’est une maladie planétaire – seul le Japon semble avoir peu de cas – avec une prévalence entre 0,5 et 2%, suivant les études épidémiologiques. Si les symptômes digestifs caractéristiques de la maladie comme les diarrhées, des douleurs abdominales, un amaigrissement orientent le diagnostic, il faut aussi savoir y penser devant les formes atypiques ou frustres qui représentent plus de 80% des cas [3,4,5], rappelle le gastroentérologue.
Maladie cœliaque, y penser devant : - une anémie isolée, avec une carence en fer, en vitamine B12 (20-30% des cas), - des anomalies du bilan hépatique inexpliquées (hypertransaminasémie, et exceptionnellement des hépatopathies sévères), - des aphtes buccaux récidivants, - des symptômes mimant un trouble fonctionnel intestinal (diarrhées, ballonnements, douleurs abdominales). |
Au chapitre des pièges diagnostics, « il ne faut pas croire que la maladie cœliaque est toujours associée à un amaigrissement, car dans 20 à 30% des cas, on la retrouve chez des adultes en surpoids. De même, contrairement à ce que l’on voyait dans les années 1950/60, la MC n’est pas limitée à la population infantile, puisque dans 20% des cas, le diagnostic est porté après 60 ans ».
En outre, pour une même atrophie villositaire, les symptômes peuvent être très différents d’un patient à l’autre, sans que l’on sache vraiment pourquoi, précise le Pr Cellier. Il y a d’ailleurs des cas associés à la maladie cœliaque sans pathologie digestive prédominante [5,6], avec :
des complications de type neurologique (ataxie, épilepsie, migraine),
des complications de type rhumatologique (polyarthralgie, ostéoporose),
des troubles de la reproduction (stérilité, aménorrhées, avortements),
des troubles cardiologiques : cardiomyopathie dilatée idiopahique.
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Citer cet article: Intolérance ou hypersensibilité au gluten ? Les pièges diagnostiques - Medscape - 15 mai 2017.
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