Paris, France — En France, 80% des médecins n’ont pas de médecin traitant personnel, à en croire le Collège français des anesthésistes (CFAR). Au prétexte, qu’on pourrait penser légitime, qu’ils seraient les mieux placés pour leur propre suivi, ils privilégient autodiagnostic et automédication ou recherchent trop souvent un conseil rapide auprès d’un confrère, parfois trop tard ! Ce constat alarmant a conduit la Commission SMART du CFAR à initier, avec 30 partenaires, une campagne de sensibilisation pour que les médecins choisissent leur propre médecin traitant [1]. Baptisée "Dis doc, t’as ton doc ?", cette campagne, agrémentée de 12 visuels à télécharger, est une nécessité car « il est prouvé qu’un médecin qui ne se soigne pas ne soigne pas bien ses patients » explique le Dr Max-André Doppia, coordinateur de cet événement. Il explique à Medscape édition française pourquoi il faut faire évoluer le modèle culturel des médecins en faveur de leur santé.

Dr Max-André Doppia
Medscape édition française : D’où viennent le chiffre de 80% utilisé dans cette campagne ?
Dr Max-André Doppia : C’est une étude que j’avais conduite il y a une dizaine d’années maintenant, avec Madeleine Estryn-Behar, qui s’intéressait à la santé et à la satisfaction des médecins au travail (Sesmat) [2]. Dans cette enquête, on se servait du questionnaire de Copenhague, bien connu pour mesurer le burn-out. Il y avait aussi des questions relatives à la santé. On demandait aux médecins s’ils pratiquaient un sport, avaient un médecin traitant, prenaient des substances psychotropes, etc. La réponse avait été claire : 20% seulement avouaient avoir un médecin traitant. C’est de là que vient ce chiffre de 80% des médecins qui n’ont pas de médecins traitant. Nous avons comparé ce chiffre avec ceux que l’on peut trouver dans la littérature internationale, et nous avons constaté qu’il coïncidait. Sauf dans les pays où il y a une obligation à avoir un médecin traitant pour pouvoir exercer, comme en Tchéquie ou en Angleterre.
Ne craignez-vous pas que l’étude sur laquelle vous basez votre campagne soit datée, et que les pratiques aient évolué depuis ?
Dr Doppia : Quand on regarde les récentes thèses de médecine, les taux n'ont pas varié depuis dix ans [2]. L’idée, c’est que les médecins se soignent majoritairement tout seuls et ont recours plus tardivement que les autres à un diagnostic. On le sait tous : quand on a mal au dos, on va voir un ami confrère pour lui réclamer un scanner, ou quand on a un mal dans la poitrine, on demande à une connaissance un électrocardiogramme. Mais nous n’avons pas de suivi régulier avec un médecin traitant qui nous connait, avec qui on peu échanger, adapter ses traitements, etc.
Quelles sont les conséquences de cette absence de médecin traitant ?
Dr Doppia : Les médecins ne sont pas globalement en plus mauvaise santé mais ils se soignent plus tard. Chez les médecins, leur santé n'est pas analysée par un regard tiers, c’est pourtant le principe même de la médecine.
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Citer cet article: Une campagne pour inciter les médecins à prendre un médecin traitant - Medscape - 12 avr 2017.
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