TRANSCRIPTION
Dr Walid Amara — Bonjour, je suis le Dr Walid Amara, cardiologue à Montfermeil. J’ai le plaisir de vous accueillir sur Medscape avec le Dr Loïc Belle, cardiologue interventionnel à Annecy. Le sujet d’aujourd’hui porte sur les formes inhabituelles d’infarctus.
Dans les formes inhabituelles, la première chose à laquelle je pense en général ce sont tous ces infarctus pour lesquels on fait une coronarographie que l’on trouve « normale ». De mémoire, j’ai l’impression que cette situation n’est pas si rare chez les patients reçus en urgence. Que peux-tu nous dire ? Est-ce que c’est, finalement, une situation relativement fréquente ? Quels sont les points clés de la prise en charge de ces infarctus ?
Dr Loïc Belle — C’est vrai. On en a pas mal parlé aux Journées Européennes de la Société Française de cardiologie 2017, et en particulier des limites de l’angiographie pour faire le diagnostic étiologique de ces infarctus, qui sont bien des infarctus compte tenu du tableau clinique, électrique et enzymatique.
Nouvelles méthode diagnostiques : IRM et OCT
Dr Loïc Belle — On connaît les infarctus de type 2 — l’embolie pulmonaire, la fibrillation auriculaire, tous les sepsis qui peuvent faire augmenter la troponine. Mais, au-delà de ces infarctus de type 2, il y a des vrais infarctus de type 1 avec des troubles acinétiques du ventricule gauche, qui ont des coronaires strictement normales ou, en tout cas sans lésions significatives à l’angiographie. Dès lors qu’on a fait cette constatation, le test au Méthergin peut être utile pour faire le diagnostic d’un spasme coronaire à l’origine de l’infarctus. Deux secteurs se développent de façon très importante : l’OCT et l’IRM. Dans les prochaines années, l’IRM va probablement nous aider énormément à gérer ces patients et à faire des diagnostics.
Dr Walid Amara — Tu veux dire que par exemple l’IRM te permet de différencier un infarctus d’une myocardite ?
Dr Loïc Belle — Oui. C’est maintenant un élément essentiel et indispensable pour faire le diagnostic de ces 7 à 8 % d’infarctus qui n’ont pas de lésions coronaires à l’angiographie. L’IRM est étudiée dans une étude observationnelle menée par le CNCH et grâce à AstraZeneca. Cette étude CRIMINAL tente de faire le diagnostic de l’apport étiologique de l’IRM pour les infarctus à coronaire normale ou sans lésions significatives. On sait déjà, à mi-course, avec 230 patients inclus qu’en gros l’infarctus concerne la moitié des patients et la myocardite l’autre moitié. Et lorsqu’on fait un diagnostic de myocardite initialement, une fois sur deux, cela va être un infarctus et, inversement, lorsqu’on va dire que c’est un infarctus avant l’IRM, une fois sur quatre, ça sera une réelle myocardite.
Dr Walid Amara — Donc c’est l’IRM qui permet de bien séparer les deux diagnostics.
Dr Loïc Belle — Voilà. L’IRM devient indispensable pour faire des diagnostics d’infarctus et de myocardite qu’on avait du mal à faire cliniquement.
Dr Walid Amara — Tu as parlé d’OCT. Est-ce que tu peux expliquer aux cardiologues ce qu’est l’OCT ?
Dr Loïc Belle — L’OCT [Optical Coherence Tomography] est une sorte d’échographie endocoronaire à résolution bien meilleure, qui examine la lumière de l’artère et la surface de la paroi et permet de faire le diagnostic de thrombus, de lésions extrêmement fines et de plaques décollées et aussi de dissection coronaire. C’est donc une analyse en phase aigüe, qui nous permet de mieux comprendre ce qui se passe. Lorsqu’on a une angiographie strictement normale après un infarctus et que l’OCT montre une dissection coronaire ou une plaque ulcérée associée à du thrombus, on a notre diagnostic.
Infarctus à coronaire saine de la femme
Dr Walid Amara — Quand je pense aux formes inhabituelles d’infarctus, je pense souvent à une femme, — on parle souvent du cœur de femme – à une patiente qui fait une douleur thoracique. On a tendance à ne pas y croire, parce qu’elle n’a pas de facteurs de risque, sa douleur thoracique est peut-être atypique, peut-être a-t-elle d’autres symptômes. Cette situation, qui fait même l’objet de thématiques dans différents congrès, est relativement fréquente. Est-ce que c’est plus fréquent qu’avant ?
Dr Loïc Belle — C’est vrai. Le registre FAST-MI nous le montre, là aussi : plus de femmes atteintes, probablement parce que plus à risque, moins bien prises en charge, avec un pronostic plus sombre. On a des progrès à faire sur la prévention, sur la prise en charge de la femme qui fait un infarctus du myocarde. Souvent, on met l’accent sur les dissections coronaires à l’origine des infarctus de la femme. C’est quelque chose qui existe, qu’il faut qu’on comprenne mieux, qu’on arrive à mieux soigner — et c’est tout le mérite de l’étude observationnelle DISCO lancée par l’équipe de Clermont-Ferrand. Ces dissections coronaires ou ces hématomes disséquants des infarctus des femmes plutôt jeunes sont une entité qu’on arrive de plus en plus à comprendre et de mieux en mieux à traiter en angioplastie coronaire et avec le traitement adjuvant antiagrégant plaquettaire/anticoagulant.
Dr Walid Amara — Oui, parce que maintenant vous identifiez une nouvelle entité. Grâce à vous outils d’écho endocoronaire, de CT, vous voyez des hématomes à l’intérieur de la paroi, qui ne vont pas obligatoirement se voir à la coronarographie.
Dr Loïc Belle — Voilà, c’est cela d’une part et, ensuite, ce sont des lésions non athéromateuses, c’est une fragilité de la paroi, un petit peu comme une dissection carotidienne ou aortique. Ce sont des maladies de la paroi qui vont créer ces hématomes disséquants qu’on arrive à mieux comprendre en angiographie et qu’on arrive à appréhender encore mieux en OCT, c’est vrai.
Traitement
Dr Walid Amara — Et on les traite classiquement, c’est-à-dire avec le même traitement antiagrégant ? Est-ce qu’on « stente » ces hématomes des parois ?
Dr Loïc Belle — On est toujours embêtés pour prendre en charge ces dissections coronaires. La cardiologie interventionnelle n’est pas à même de bien les traiter et, bien sûr, le temps fera son œuvre. L’idée maintenant, c’est que la phase thrombotique est probablement en arrière-plan derrière la phase hémorragique et que c’est l’hématome qu’il faut bien traiter. C’est dans ces formes-là qu’on limitera le traitement anticoagulant et le traitement antiagrégant plaquettaire.
Dr Walid Amara — On a parlé de l’infarctus à coronaire saine de la femme. Est-ce qu’il y a des formes particulières inhabituelles auxquelles vous pensez et sur lesquelles vous voudriez aujourd’hui passer un message ?
Dr Loïc Belle — Oui. On parlait de l’infarctus de la femme jeune, on parle de la dissection coronaire, on parle du traitement anticoagulant — il y a des femmes jeunes qui vont faire des infarctus à distance de la table de coronarographie. Actuellement, compte tenu de la prévalence de la dissection coronaire, qui est quand même relativement faible, les consensus sont de poursuivre le traitement thrombolytique et de proposer le traitement thrombolytique à ces patientes-là. La perspective, le spectre d’une dissection coronaire ne doit pas contre-indiquer la thrombolyse lorsqu’on est loin de la salle de « cathé ».
Dr Walid Amara — Merci Dr Belle et merci à tous pour votre attention.
Enregistré le 13 janvier 2017, à Paris, France
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Citer cet article: Formes inhabituelles d’infarctus: quelle prise en charge? - Medscape - 5 juin 2017.
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