Le premier essai clinique sur le sujet
L’essai prospectif du Dr Szmulewitz et coll. a inclus 72 patients de 52 à 89 ans (âge moyen 74 ans) atteints de cancers de la prostate avancés qui avaient progressé après une hormonothérapie classique. Les patients avaient un score de performance ECOG (qui mesure la limitation des activités) ≤ 2 et une fonction hépatique, une pression artérielle et une kaliémie normales. Les participants ont reçu :
-soit 250 mg d’abiratérone au cours d’un petit déjeuner pauvre en graisse (n=36),
-soit 1000 mg avec l’estomac vide (n=36) en plus des 5mg de prednisone 2x/j classiques.
Les patients du groupe « pauvre en graisse » pouvaient consommer des céréales, du lait écrémé ou des œufs et devaient éviter, notamment, les saucisses et le bacon.
Non infériorité du bras 250 mg/j versus 1000 mg/j
Il ressort de l’analyse des chercheurs que les variations moyennes des taux de PSA mesurés mensuellement (critère principal) étaient plus importantes à 3 mois dans le groupe 250 mg (-1,59 vs -1,19) mais le temps moyen de progression du PSA à 14 mois est identique dans les deux groupes, satisfaisant la non-infériorité. Enfin, à trois mois, les taux de testostérone et de DHEA-S (déhydroépiandrostérone) avaient diminué de façon similaire dans les deux groupes.
Les auteurs ont donc conclu à la non-infériorité de l’administration quotidienne de 250 mg d’abiratérone avec un petit déjeuner pauvre en graisse vs 1000 mg à jeun.
En parallèle, une analyse pharmacocinétique préliminaire (J1, J8, M2, M3, M4) a montré qu’il n’y avait pas de différence significative du pic de concentration (Cmax) après le premier cycle de traitement et ce, avec une moindre variabilité dans le bras 250 mg.
Un meilleur confort digestif
Concernant la tolérance et les effets secondaires, aucune différence significative n’a été observée entre les deux groupes. Toutefois, les patients qui ont pris le traitement avec leur petit déjeuner avaient moins d’inconfort intestinal que ceux qui avaient suivi les recommandations.
Autre avantage cité par les auteurs, la baisse de 75 % du coût élevé de ce traitement aux Etats-Unis (8463 euros/mois). Aux Etats-Unis, ce point est fondamental car certains patients ne peuvent pas se payer les traitements.
« Il s’agit d’une information importante pour la pratique dans la vraie vie car certaines hommes ne peuvent pas payer. Soit, ils ne prennent pas leurs prescriptions, soit ils sautent ou réduisent les doses pour espacer les réapprovisionnements », a précisé le Dr Matthew Cooperberg (Université de Californie, San Fransisco) à Medscape international .
« L’étude est pragmatique et importante dans un contexte où le prix des anticancéreux est exorbitant », explique-t-il.
Cet essai peut-il changer les pratiques ?
Le DrSzmulewitz souligne que l’étude comporte plusieurs limites : sa petite taille, son suivi court et le critère primaire (dosage du PSA) qui n’est pas un critère clinique « dur ».
Aujourd’hui, il ne pense donc pas « que cet essai puisse changer globalement la pratique. » Pour autant, il indique que « ces données méritent d’être prises en considération par les prescripteurs et les payeurs ».
« Les interactions médicaments-médicaments sont connues (ex cyclosporine) mais, les interactions médicaments-bol alimentaire sont peu étudiées et peu utilisées. La chronopharmacologie et les interactions avec l’alimentation sont les parents pauvres de la pharmacologie », regrette, de son côté, le Dr Pathak.
« Espérons que d’autres essais de plus grande taille suivent », conclut le Dr Cooperberg.
*Le prix d’une boite de 120 cp en France est de 3 071,39 € (30 jours)
Les Drs Szmulewitz et Cooperberg n’ont pas de liens d’intérêt avec le sujet. Le Pr Atul Pathak a des liens d’intérêts avec plusieurs laboratoires pharmaceutiques. |
REFERENCE :
1. Genitourinary Cancers Symposium. Résumé 176. 16 février 2017.
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Citer cet article: Aude Lecrubier. Cancer de la prostate : faut-il vraiment prendre l'abiratérone à jeun? - Medscape - 17 mars 2017.
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