Paris, France – Selon une étude-pilote publiée dans le Journal of Alzheimer’s Disease, écouter de la musique ou méditer selon la méthode Kirtan Kriya pourrait réduire le déclin cognitif de sujets à risque d’Alzheimer.
Dans cet essai prometteur, 60 personnes âgées présentant des troubles de la mémoire en phase préclinique, ayant pratiqué quotidiennement pendant 3 mois l’une ou l’autre de ces techniques psychocorporelles simples, ont vu une amélioration importante et significative de leurs performances cognitives (mémoire et cognition) à 3 mois. L’effet était maintenu à 6 mois, voire même amélioré (voir notre article ).

Hervé Platel
Que faut-il penser de ces résultats préliminaires ? Sont-ils cohérents avec ce que l’on sait sur la capacité de la musique à améliorer la plasticité neuronale ? Pourquoi ce type de méditation a-t-il eu des effets si positifs ? Les réponses d’Hervé Platel (professeur de neuropsychologie, Unité Inserm 1077, Université de Caen), spécialiste des liens entre musique et cerveau.
Medscape édition française : On a identifié les bienfaits de la musique sur les maladies neurodégénératives, et en particulier la maladie d’Alzheimer, mais que pensez de ces résultats obtenus très en amont, à un stade préclinique ?
Hervé Platel : Ces résultats sont tout-à-fait cohérents avec ce que l’on sait des effets bénéfiques de la musique, après écoute passive ou encore la participation à des chorales, dans les études publiées chez des patients atteints de la maladie d’Alzheimer (MA). Mais ce qui est intéressant dans cet essai, c’est qu’il s’agit de personnes qui se plaignent de leur mémoire, mais n’ont pas de diagnostic. Elles vont peut-être malheureusement évoluer vers une MA, mais à ce stade, on peut les considérer quasiment comme des sujets sains.
C’est vrai qu’aujourd’hui, on manque de données sur le début de la maladie, d’une part, et chez des personnes à risque, d’autre part. Chez ces sujets, on ne sait pas vraiment si des pratiques comme la méditation et la musique peuvent avoir un effet de neuroplasticité susceptible d’augmenter la réserve cognitive cérébrale, laquelle permet un vieillissement (plus) réussi. Ici, la chercheuse et son équipe font d’une pierre deux coups en recherchant à la fois l’effet de ces techniques sur des sujets âgés et en émettant l’hypothèse d’une éventuelle prévention d’une maladie neurodégénérative.
A Caen, on étudie aussi l’impact de la méditation sur le vieillissement La France se lance, elle aussi, dans l’étude de l’impact de la méditation sur le bien vieillir. Intitulé Silver Santé Study, le projet européen lancé en janvier 2016, coordonné par Gaël Chételat à l’Inserm de Caen, vise, pendant les cinq prochaines années, à identifier les facteurs déterminants de la santé mentale et du bien-être des seniors. Un premier essai clinique sera mené dans quatre pays (France, Royaume-Uni, Belgique, Espagne, Suisse et Allemagne) pour étudier les effets de la méditation chez des patients qui présentent un risque important de développer la maladie d’Alzheimer [1]. Dans un second essai, limité à Caen et à sa région, les participants se verront proposer différentes interventions, comme par exemple l’apprentissage de l’anglais ou la pratique régulière de la méditation. Les résultats seront évalués via des mesures du sommeil, des mesures comportementales et en comparant des examens réalisés en amont de l’étude et après les 18 mois de suivi. Les premiers résultats de l’étude seront connus fin 2019. En parallèle, un groupe de méditants experts de plus de 65 ans et ayant plus de 10 000 heures de pratique, sera constitué afin de déterminer les mécanismes d’action par lesquels la méditation pourrait prévenir le vieillissement, à l’instar des études d’imagerie menées chez le moine bouddhiste Matthieu Ricard, qui a d’ailleurs été choisi comme ambassadeur du projet (voir sa vidéo de présentation ici). |
Est-ce que l’effet positif de cette méditation particulière, Kirtan Kriya , sur le plan cognitif vient du fait qu’il s’agit d’une méditation " chantée" ?
Hervé Platel : En soi, la pratique de la méditation avec un mantra n’est pas tellement originale (c’est ce que faisaient les Beatles pendant leurs séjours en Inde), mais je n’avais pas connaissance de son utilisation dans ce cadre d’expérimentations cliniques. Il existe cependant un risque que l’on confonde éventuellement plusieurs types de facteurs bénéfiques : la pratique de pensée dirigée, mais aussi l’aspect sensoriel et actif de la technique. Cet aspect multimodal n’est pas neutre sur l’impact de la pratique. Ce qui m’a le plus étonné, c’est l’effet de l’écoute passive de la musique à 6 mois. D’abord, les participants ont été très nombreux (88%) à avoir complété la totalité de l’étude (alors que les 3 derniers mois étaient facultatifs) pour une pratique, qui, au regard de la méditation, pouvait paraitre peu motivante. Par ailleurs, les résultats ont été équivalents dans les 2 groupes (méditation et musique), ce qui confère un impact encore plus grand à l’écoute passive de la musique. C’est très impressionnant, même si écouter passivement de la musique, est aussi un mode de relaxation, proche d’une pratique de méditation, car il s’agit aussi, d’une certaine façon, de pensée dirigée.
Actualités Medscape © 2017 WebMD, LLC
Citer cet article: Stéphanie Lavaud. Musique et cerveau : le point de vue d’Hervé Platel - Medscape - 28 févr 2017.
Commenter