Des questionnements sur la validité des données
A la lecture de cette méta-analyse, on peut s’interroger sur plusieurs biais possibles.
Les chercheurs soulignent en premier lieu que dans toutes les études analysées les événements neurocognitifs ont été auto-rapportés par les patients et qu’aucune évaluation cognitive n’a été réalisée à l’entrée dans l’étude.
Aussi, la baisse de LDL cholestérol n’étant pas similaire entre les différentes populations des études, il n’est pas évident de tirer des conclusions globales sur le plan neurocognitif.
En parallèle, on peut s’interroger sur l’impact des statines sur ces résultats car la rosuvastatine ou l’atorvastatine sont associées au traitement par anti-PCSK9 dans la plupart des études.
Enfin, la durée des études incluses dans la méta-analyse est comprise entre 6 mois et un peu plus de deux ans : un recul suffisant ?
Quels seuils, quelle toxicité ? Quels patients ?
D’après les chercheurs, trois principales questions restent en suspens : y-a-t-il un seuil de LDLc en dessous duquel il existe un sur-risque de toxicité neurogognitive ? Existe-t-il un sous groupe de patients avec une susceptibilité particulière ? Quels sont les effets neurocognitifs observés ?
Il est notamment essentiel de vérifier si un seuil de LDLc très bas (< 25 mg/dL) présente un danger sur le plan neurocognitif.
Jusqu’ici, seul l’essai OSLER s’est penché sur cette question et n’a pas retrouvé d’association entre les troubles neurocognitifs et les taux de LDLc, même en-deçà de 25 mg/dL.
Concernant les effets neurocognitifs rapportés, il est important de savoir s’il s’agit d’événements réversibles et légers (confusion, délire temporaire…) ou d’événements relativement sévères et persistants (démence…).
Or, « en raison de l’incidence relativement faible des troubles neurocognitifs, nous n’avons pas pu évaluer les différents types de troubles neurocognitifs ou les sous-groupes de patients qui sont à haut risque pour ces événements », indiquent les chercheurs.
Pour Bolli et coll., les études de grande taille en cours et la demande spécifique de la FDA aux laboratoires fabricants d’évaluer l’impact des anti-PCSK9 sur la cognition devraient permettre de mieux évaluer le risque neurocognitif.
« A mon sens, nous devrions partager les résultats de cette méta-analyse avec les patients et informer leurs aidants de ces effets secondaires potentiels. Mais, en même temps, il faut qu’ils soient conscients que ces données ne sont pas concluantes et que les études en cours apporteront des réponses », a conclu le Dr Bolli pour l’édition internationale de Medscape.
Pour rappel, à ce jour, les anti-PCSK9 ont démontré une capacité impressionnante à faire baisser le cholestérol LDL et les premières données concernant leur intérêt en termes de prévention cardiovasculaire sont encourageantes [6].
Aux Etats-Unis et en Europe, deux anti-PCSK9 ont obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) , l'alirocumab (Praluent®, Sanofi/Regeneron) et l’evolocumab (Repatha®, Amgen). Aucun des deux médicaments n’est encore commercialisé en France.
Les auteurs n’ont pas de liens d’intérêts en rapport avec le sujet.
REFERENCES:
1.Khan AR, Bavishi C, Riaz H, et al. Increased risk of adverse neurocognitive outcomes with proprotein convertase subtilisin-kexin type 9 inhibitors. Circ Cardiovasc Qual Outcomes 2017; published online January 10. Article
2.Vecka M, Tvrzická E, Stanková B, Novák F, Nováková O, Zák A. Hypolipidemic drugs can change the composition of rat brain lipids.Tohoku J Exp Med. 2004;204:299–308.
3.Ott BR, Daiello LA, Dahabreh IJ, Springate BA, Bixby K, Murali M, Trikalinos TA. Do statins impair cognition? A systematic review and metaanalysis of randomized controlled trials. J Gen Intern Med. 2015;30:348–358. doi: 10.1007/s11606-014-3115-3.
4.Robinson JG, Farnier M, Krempf M, Bergeron J, Luc G, Averna M, Stroes ES, Langslet G, Raal FJ, El Shahawy M, Koren MJ, Lepor NE, Lorenzato C, Pordy R, Chaudhari U, Kastelein JJ; ODYSSEY LONG TERM Investigators. Efficacy and safety of alirocumab in reducing lipids and cardiovascular events. N Engl J Med. 2015;372:1489–1499. doi: 10.1056/NEJMoa1501031.
5.Sabatine MS, Giugliano RP, Wiviott SD, Raal FJ, Blom DJ, Robinson J, Ballantyne CM, Somaratne R, Legg J, Wasserman SM, Scott R, Koren MJ, Stein EA; Open-Label Study of Long-Term Evaluation against LDL Cholesterol (OSLER) Investigators. Efficacy and safety of evolocumab in reducing lipids and cardiovascular events. N Engl J Med. 2015;372:1500–1509. doi: 10.1056/NEJMoa1500858.
6.Navarese EP, Kolodziejczak M, Schulze V, Gurbel PA, Tantry U, Lin Y, Brockmeyer M, Kandzari DE, Kubica JM, D’Agostino RB Sr, Kubica J, Volpe M, Agewall S, Kereiakes DJ, Kelm M. Effects of proprotein convertase subtilisin/kexin type 9 antibodies in adults with hypercholesterolemia: a systematic review and meta-analysis. Ann Intern Med. 2015;163:40–51.
LIENS
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Citer cet article: Aude Lecrubier. Effets neurocognitifs des anti-PCSK9 : une première méta-analyse - Medscape - 10 févr 2017.
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