Le blog du Dr Dominique Savary –urgentiste, réanimateur

Les douleurs abdominales non traumatiques du sujet âgé sont un motif fréquent de consultation aux urgences, évalué selon les études, entre 3 et 13 % des passages aux urgences.
Les sujets âgés ont une épidémiologie particulière, un examen clinico-biologique souvent atypique et une morbi-mortalité non négligeable.
L’examen clinique est sensible mais très peu spécifique. Quand on calcule l’exactitude clinique (rapport vrais positifs/vrais négatifs sur l‘ensemble des patients testés), elle n’est que de 50%.
Ainsi, en cas de syndrome infectieux, on sait que l’examen clinique peut être différent : le sujet âgé est parfois non tachycarde, sans polynucléose et parfois apyrétique.
L’interrogatoire est aussi souvent difficile chez le sujet âgé avec éventuellement une impossibilité de connaitre les antécédents et l’évolution de la douleur abdominale.
Quelle imagerie choisir ?
Il faut bien sûr s’aider d’examens complémentaires et d’imageries en particulier.
L’échographie est opérateur dépendant et pas toujours très discriminative.
L’ASP est peu contributif. Une étude comparant l’ASP au scanner a montré le peu d’efficacité de l’ASP pour arriver au diagnostic.
Le scanner est certainement l’examen d’imagerie le plus adapté pour faire le diagnostic de douleur abdominale aiguë du sujet âgé.
Ces douleurs sont bien différentes du sujet jeune. Il faut penser au fécalome, au globe urinaire, à l’anévrysme de l’aorte abdominale qui sont des étiologies beaucoup plus fréquentes chez le sujet âgé.
Ce mois-ci, Le Dr Savary s’est penché sur une étude française menée par l’équipe d’urgentistes de Montpellier et qui vient d’être publiée dans European Radiology (février 2017). Elle s’est intéressée aux douleurs abdominales du sujet de plus de 75 ans non traumatiques et de l’intérêt de proposer un scanner non injecté à ces patients.
Cette étude prospective dans un seul service d’urgence de CHU entre mai 2012 et avril 2014, a recruté 401 patients consécutifs de plus de 75 ans.
Le recrutement portait sur des sujets non traumatiques qui n’avaient pas eu de scanner la semaine précédente et sans trouble cognitif évolué.
Comparaison de 3 stratégies
Trois stratégies ont été comparées :
le diagnostic et thérapeutique préétablis avant le scanner,
un diagnostic et une thérapeutique découlant du scanner demandé par l’urgentiste, sans ou avec injection de produit de contraste,
un diagnostic et thérapeutique après un scanner systématique.
Le tout avec une évaluation à 3 mois.
Les résultats montrent que le scanner systématique améliore en premier lieu le diagnostic : diagnostic autour de 85% comparé à une pratique courante de 76,8% et un diagnostic et traitement pré-établis avant le scanner qui tombe à 43,6%.
De plus, le scanner systématique améliore la prise en charge avec des taux à 95,8% vs une stratégie habituelle 88,5% et un diagnostic et traitement pré-établis autour de 70,6%
Dans le groupe scanner systématique, dans 30% des cas, le diagnostic précis a pu être posé grâce au scanner avec une adaptation de la prise en charge dans 37% des cas.
Pour 54% des patients qui ont eu une injection de produit de contraste, le diagnostic fut concordant dans 89% des cas et diffèrent pour 11%. Parmi ces 11%, 6,4% ont eu leur diagnostic modifié et certains patients qui devaient sortir sont restés hospitalisés.
On notera également que parmi ces scanners, 6,7% ont révélé un néoplasie jusque-là inconnue.
Les résultats de cette étude montrent donc une amélioration des diagnostics et une meilleure prise en charge des patients avec en plus un recul de 3 mois, ce qui est satisfaisant.
Les limites
Bien sûr on pourra critiquer le caractère monocentrique de l’étude, discuter la place de l’échographe dans la douleur abdominale du sujet âgé et on pourrait s’interroger sur la prise en compte de l’expérience de l’urgentiste dans cette stratégie diagnostique.
De plus, il est vrai que le taux de scanner réalisés dans cette équipe montpelliéraine est probablement supérieure au taux moyen des services d’urgence français.
Il est tout de même intéressant de voir que cette étude permet d’optimiser les hospitalisations des patients et en particulier de permettre un retour à domicile de beaucoup de sujets âgés.
De plus, elle nous rappelle que l’injection de produit de contraste n’est pas nécessaire. Dans l’essai cela apporte quelque chose dans 6% des cas et modifie la prise en charge que dans 1% des cas.
Ce que je retiens : La douleur du sujet âgé non traumatique devrait dès l’accueil aller au scanner non injecté pour améliorer la filière de prise en charge. |
REFERENCES :
Millet I, Sebbane M, Molinari N, Systematic unenhanced CT for acute abdominal symptoms in the elderly patients improves both emergency departmentdiagnosis and prompt clinical management; Eur Radiol (2017) 27:868–877, DOI 10.1007/s00330-016-4425-0.r
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Citer cet article: Douleur abdominale du sujet âgé aux urgences - Medscape - 13 févr 2017.
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