Stockholm, Danemark –Le patient cancéreux n’est pas un patient comme les autres. Confronté au spectre d’une maladie qui génère moult inquiétudes à l’égard du pronostic, la qualité de l’échange va conditionner, ne serait-ce que partiellement, l’attitude ultérieure à l’égard du thérapeute et des symptômes. Telles sont les conclusions des travaux du psychiatre Luca Ostacoli (Université deTurin, Italie) qui présentait dans une session dédiées « Les dix choses à ne dire quand on parle avec un patient cancéreux » lors du dernier congrès européen de cancérologie (ESMO 2016).
« Cela fait 20 ans que je vois les répercussions d’une mauvaise communication entre les médecins et les patients cancéreux. J’encourage tous les oncologues à se former pour mieux communiquer avec les patients » a dit le Pr Ostacoli tout en reconnaissant que parmi les 200 médecins qu’il a déjà formé figuraient seulement 5 oncologues.
Le corps physique et le monde interne des émotions
Avant de rentrer dans le vif du sujet, le psychiatre a rappelé que la communication avec le patient se situe à deux niveaux. Il ne faudrait pas s’arrêter à la partie visible, palpable, quantifiable du corps physique car la consultation d’oncologie va aussi toucher le « monde » interne du patient et notamment ses peurs. Ne pas s’occuper du monde des émotions est une erreur. Demandez-lui de quoi il a peur ou plutôt, de quoi il a le plus peur, ce qui lui rendra la tâche plus aisée. On est souvent surpris pas les réponses. La peur de ne pas faire face aux difficultés avec lucidité, de perdre sa dignité, de rester seul et d’être abandonné par l’oncologue (car l’oncologue suit les patients tant qu’il peut les traiter) et la peur de la souffrance plus que de la mort, sont souvent citées.
Par conséquent, l’autre question à se poser en consultation d’oncologie est « Que soignons-nous ? ». Une partie du soin va consister à soigner les angoisses. « Calmez l’imagination du patient de sorte qu’il ne souffre pas plus de ses pensées que de la maladie elle-même » recommandait Friedrich Nietzsche.
1. Ne manifestez pas un manque d’attention
Les conditions de la rencontre entre l’oncologue et le patient sont déterminantes. Le Dr Ostacoli parle de « la minute consacrée ou minute sacrée », la première minute de consultation où le patient doit avoir l’impression qu’il est le centre du monde. Il faut bannir les appels téléphoniques, les visites de collaborateurs, les coups d’œil sur l’écran d’ordinateur etc… L’idéal est de donner au patient le temps dont il a besoin. Si le patient a le sentiment qu’il n’obtient pas l’attention qu’il nécessite, il répétera les demandes sur les symptômes et les effets secondaires. Il multipliera les consultations. Ce n’est pas une question de durée, c’est une question de qualité car l’oncologue devrait entrer en communication avec le monde extérieur et intérieur du patient qui s’interroge sur son avenir. Etre dans la même bulle, le même champ d’échange, ce qui importe c’est la qualité de l’échange de la rencontre entre le patient et son oncologue. On peut passer une heure avec un patient qui ne servira à rien si on ne touche pas son temps intérieur.
Schématiquement, les médecins peuvent être classés en 3 catégories, a résumé le Dr Ostacoli. Ceux qui prennent soin des malades (care), ceux qui ne prennent pas soin (carelessness) et ceux qui bottent en touche « j’aimerais mais je ne peux pas ».
2. Ne croyez pas que le message a été bien transmis
Réfléchissez, il y a une différence entre ce que vous pensiez dire, ce que vous avez réellement dit, ce que les autres ont compris, ce que les autres ont retenu et ce que les autres vont transmettre aux autres.
Il faut uniquement dire ce que la personne peut comprendre. 50 % des patients à la sortie d’une consultation d’oncologie disent qu’ils n’ont pas eu d’infos, c’est important de vérifier à la consultation suivante ce que le patient a retenu. En communication émotionnelle, c’est votre attitude que le patient va retenir (55%), votre voix (38%) et seulement après le contenu de vos parole (7%). Mais il ne faut pas croire pour autant que les patients sont dans le déni. Durant toutes ces années, je n’ai jamais croisé un patient cancéreux dans le déni, peut-être qu’il parle avec d’autres mots mais il n’est pas dans le déni, il a compris.
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Citer cet article: Dr Catherine Desmoulins. Cancérologie : 10 choses à ne pas faire quand on parle avec un patient - Medscape - 2 févr 2017.
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