Enregistré le 13 janvier 2017, à Paris
Quelle est la place de l’antibioprophylaxie et de la gestion des anticoagulants chez le patient valvulaire avant des soins bucco-dentaires? Quid de la pose d’implants? Les dernières mises à jour avec François Delahaye et Walid Amara, en direct des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie.
TRANSCRIPTION
Dr Walid Amara — Bonjour et bienvenue sur Medscape, en direct des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie. Je suis Walid Amara, cardiologue à Montfermeil. J’ai le plaisir d’accueillir François Delahaye de Lyon pour parler de soins buccodentaires chez les patients valvulaires.
Antibioprophylaxie chez le patient valvulaire
Dr Walid Amara — Quand j’étais étudiant, on parlait beaucoup d’antibioprophylaxie chez le valvulaire, on donnait de l’amoxicilline quasiment à tout le monde et puis, aujourd’hui, quand je lis les recommandations, j’ai l’impression qu’il n’y a quasiment plus de place pour l’antibioprophylaxie. Est-ce que vous pourriez aujourd’hui, en 2017, donner des messages clairs? À qui fait-on de l’antibioprophylaxie aujourd’hui?
Dr François Delahaye — Effectivement, avant, il y avait un dogme qui était qu’on doit donner des antibiotiques avant des soins dentaires, gastro-intestinaux et génito-urinaires. Et puis en 2002, les Français ont dit « on va revoir notre conférence de consensus de 1992, parce qu’il y a des nouveautés en littérature, peut-être faut-il limiter l’antibioprophylaxie ». Rappelez-vous, il y avait le groupe A, où il y avait les porteurs de prothèses valvulaires, les antécédents d’endocardite, les cardiopathies congénitales cyanogènes : chez ceux-là on continuait de faire une antibioprophylaxie, parce que l’endocardite est très grave chez ces patients. Mais chez tous les autres, qui étaient les valvulopathies natives, on a dit : « l’antibioprophylaxie peut être optionnelle ». Ensuite, les Américains et les Européens ont fait un peu comme les Français et ont annulé l’antibioprophylaxie chez ces patients. Cela date d’entre 2002 et 2009. Et les Britanniques, en 2008, avec ce qu’on appelle le NICE, sont eux allés jusqu’à arrêter toute antibioprophylaxie chez tout le monde − donc le porteur de prothèse valvulaire anglais n’a plus de prophylaxie en cas de soins dentaires.
Dr Walid Amara — Donc aujourd’hui, [l’antibioprophylaxie] est pour celui qui a une valve artificielle, une cardiopathie valvulaire cyanogène, ou, bien sûr, un patient qui a un antécédent d’endocardite…
Dr François Delahaye — Tout à fait. Et [seulement pour] des soins dentaires, avec 2 g d’amoxicilline dans l’heure qui précède le geste.
La pose d’implants n’est plus contre-indiquée
Dr Walid Amara — Vous étiez à une session qui parlait de soins buccodentaires chez les valvulaires. Jusqu’à présent, il me semblait qu’on ne pouvait quasiment rien faire. Mais les lignes sont en train de bouger…
Dr François Delahaye — C’était une session très intéressante. Il y avait beaucoup de monde et elle a été très interactive. Il y avait deux cardiologues (Bernard Jung et moi-même), et deux odontologistes [Sarah Millot et Marie-Laure Colombier], dont la première a passé en revue les soins dentaires chez le valvulaire à risque. Elle a insisté sur le fait qu’il va y avoir des recommandations, mais aussi sur l’implant dentaire - qui était la grande question et qui était formellement contre-indiqué chez le cardiaque à risque dans les recommandations européennes sur l’endocardite infectieuse en 2015. Et bien, il n’y a plus de contre-indication formelle à la pose d’un implant. Au cas par cas, en fonction des désirs du patient, de l’avis du cardiologue, de l’avis de l’odontologiste ou du stomatologue, on peut, maintenant, mettre des implants. Ce que j’ai appris, c’est qu’on peut mettre des implants aux porteurs de prothèses valvulaires, à celui qui a une cardiopathie congénitale cyanogène, mais, en revanche, chez quelqu’un qui a eu une endocardite infectieuse, l’implant reste formellement contre-indiqué.
Il va y avoir des recommandations qui paraîtront bientôt, rédigées à la fois par la Société Française de Cardiologie et la Société Française de Chirurgie Orale, sur l’ensemble des soins dentaires chez les cardiaques à risque.
Gestion des anticoagulants chez le porteur de prothèse valvulaire
Dr François Delahaye — La dernière communication, présentée par Bernard Jung, parlait de la gestion des anticoagulants. Le porteur de prothèse valvulaire il a…
Dr Walid Amara — Effectivement, aujourd’hui, on a beaucoup de patients qui nous sont renvoyés à l’hôpital en nous disant « on ne peut pas », « il faut faire des relais » etc. Je suis vraiment impatient que vous me disiez s’il faut encore faire des relais ?
Dr François Delahaye — Ce que beaucoup de gens ne savaient pas, c’est que les stomatos et les odontologistes, maintenant, font des soins dentaires, y compris des extractions et des extractions multiples, sans toucher au traitement anticoagulant, et ils acceptent des INR jusqu’à 4. Donc, une plus grande liberté. C’est dangereux, vous savez, le relais à l’hôpital où on arrête l’AVK et on met de l’héparine. Maintenant non, les stomatos acceptent de faire des gestes — pas de très gros gestes —, mais ils acceptent de les faire avec un traitement anticoagulant poursuivi.
Dr Walid Amara — Et est-ce globalement le même principe pour les nouveaux anticoagulants?
Dr François Delahaye — Oui, c’est le même principe, sauf que les nouveaux anticoagulants (les anticoagulants oraux directs) n’ont pas d’AMM chez les porteurs de prothèses valvulaires, donc, en principe, on n’a pas ce problème. Mais, effectivement, on se comporte comme avec les AVK, c’est-à-dire qu’ils acceptent de faire les soins dentaires avec la poursuite de l’anticoagulant oral direct.
De nouvelles recommandations à paraître
Dr Walid Amara — Est-ce qu’il y a un message-clé à passer aux cardiologues aujourd’hui concernant la gestion des soins dentaires de son patient valvulaire ?
Dr François Delahaye — Le message-clé que je passerais, après avoir assisté à cette session, c’est : surveillez la littérature, parce que dans quelques semaines, il paraît un texte de recommandations et on a tellement de questions de la part de nos patients que c’est important de lire ce texte de recommandations. Il va paraître dans les Archives of Cardiovascular Disease, l’organe d’expression de la Société Française de Cardiologie dans quelques semaines, voilà.
Dr Walid Amara — Docteur Delahaye, merci beaucoup. Merci à tous de votre attention. À bientôt.
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Citer cet article: Soins bucco-dentaires chez le patient cardiaque: quelles nouveautés? - Medscape - 2 févr 2017.
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