Fibromyalgie : quel rôle pour le psychiatre ?

Vincent Bargoin

Auteurs et déclarations

25 janvier 2017

Paris, France — Quel est le rôle du psychiatre dans la fibromyalgie ? La question a été posée lors du congrès de l’Encéphale 2017 [1]. La réponse n’est pas simple, comme tout ce qui touche à cette affection. Mais il est au moins clair que le psychiatre peut avoir un rôle à jouer dans la prise en charge d’un certain nombre comorbidités.

Ainsi, parmi les sujets diagnostiqués comme fibromyalgiques, la prévalence des troubles dépressifs irait de 20 à 80% des cas selon les études.

 
Parmi les sujets diagnostiqués comme fibromyalgiques, la prévalence des troubles dépressifs irait de 20 à 80% des cas selon les études.
 

On constate également des troubles anxieux (13 à 64%), des états de stress post-traumatique (20 à 50%), avec des antécédents de maltraitance physique dans l’enfance 2,5 fois plus fréquents que dans la population générale, et de maltraitance sexuelle, deux fois plus fréquents, des TOC (10 à 20%), des troubles bipolaires (20%), des troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité (32% dans une seule étude), des addictions (30% aux morphiniques, et des interrogations sur l’alcool et le cannabis), ainsi que divers troubles de la personnalité (10 à 40% : hyperactivité, alexithymie, intolérance, incertitude, faible estime de soi).

Enfin, les conduites suicidaires sont 10 fois plus fréquentes que dans la population générale, et la mortalité par suicide, trois fois plus élevée.

Il ne s’agit toutefois que de comorbidités. Les symptômes de la fibromyalgie rentrent dans la catégorie « des syndromes médicalement inexpliqués », selon l’expression du Dr Serge Perrot (Rhumatologue, centre de la douleur, Hôpital Cochin, Paris), au même titre que la colopathie fonctionnelle en gastro-entérologie, ou les cystalgies à urines claires en urologie. Mais « selon les conceptions actuelles, il ne s’agit pas d’une maladie psychiatrique ».

On trouve d’ailleurs également des prévalences accrues d’anxiété et de dépression dans les autres syndromes douloureux chroniques (comparativement aux contrôles sains), et il n’y a pas de trait psychopathologique spécifiquement associé à la fibromyalgie.

Ce que la fibromyalgie n’est pas…

La conception de l’affection se construit peu à peu, mais on en reste encore essentiellement à des définitions négatives.

La fibromyalgie n’est pas une maladie musculaire, puisqu’elle ne comporte pas d’atteinte musculaire spécifique, mais un dysfonctionnement lié à un contrôle inadapté.

La fibromyalgie n’est pas non plus une maladie endocrinienne, même si l’on trouve des anomalies de l’activation de l’axe cortico-hypothalamo hypophysaire. Ces anomalies signent simplement une mauvaise réponse au stress. Quant à la prédominance féminine, et le déclenchement volontiers préménopausique, ils suggèrent seulement une influence hormonale.

S’agit-il d’une neuropathie ? L’an dernier, la question a été soulevée, lorsqu’une neuropathie des petites fibres périphériques a été signalée. En fait, cette anomalie ne concernerait que 10 à 15% des patients. Elle soulève au passage la question de sous-groupes de patients.

On pourrait d’ailleurs poser la même question à propos des taux élevés de substance P au niveau central, et des taux diminués de sérotonine, qui ont également été signalés. Mais encore une fois, ces anomalies ne sont pas spécifiques de la fibromyalgie, laquelle n’est pas une maladie rattachée à une lésion neurologique.

… et ce qu’elle pourrait être

 
Les conceptions actuelles font voir la fibromyalgie comme une « perte du dialogue entre le corps et le cerveau -- Dr Serge Perrot
 

Les conceptions actuelles font voir la fibromyalgie comme une « perte du dialogue entre le corps et le cerveau », aboutissant à « un dysfonctionnement de la modulation de la douleur par le cerveau », poursuit le Dr Perrot. Pour qualifier cette sorte de surinterprétation de la douleur au niveau central, on parle de « syndrome d’hypersensibilité centrale ».

Et le psychiatre est un élément très important pour rétablir le dialogue corps/cerveau », souligne le Dr Perrot, même s’il estime la collaboration avec les psychiatres parfois « difficile ».

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