Le débat sur les statines alimente les passions depuis plusieurs années. A l’occasion d’un Dossier Medscape, retour sur les articles consacrés au rapport bénéfice/risque de ces molécules en prévention primaire et aux dernières recommandations en date, divergentes des deux côtés de l’Atlantique, témoignant de la difficulté à distinguer le bénéfice lié à la baisse du cholestérol de celui dû aux effets pléiotropes des statines. Ce dossier est une sélection d’articles de theheart et Medscape publiés au cours des dernières années sur l’efficacité, la sécurité et plus largement l’ensemble des effets des statines. |
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Paris, France –Le terme « post truth » vient d’être désigné « mot de l’année 2016 » par l’Oxford Dictionary, qui le définit comme « se rapportant ou décrivant des circonstances dans lesquelles les faits objectifs sont moins importants pour la formation de l’opinion publique que les appels à l’émotion et les croyances personnelles ». Est-ce dans cette voie que s’est engagé le débat public sur les statines, et au-delà, sur le cholestérol ?
Grand bluff, surdité, amnésie ?
On pourrait le penser au vu de l’émission « Cholestérol : le grand bluff ? » diffusée le 18 octobre sur ARTE, et suivie par près d’un million et demi de téléspectateurs. Ce documentaire explore la façon dont, aux Etats-Unis, l’industrie agro-alimentaire en général et sucrière en particulier, aurait réussi, dans les années 1950-60, à faire passer le cholestérol pour l’ennemi public numéro 1, suscitant des investissements massifs de la cardiologie et de l’industrie pharmaceutique, dont sortiront notamment les statines. Ce film était suivi d’un débat entre les Drs Michel de Lorgeril (CNRS Grenoble) et Ulrich Laufs (cardiologue, Université de médecine de la Sarre), qui n’apporta pas grand-chose, sinon qu’il donna à voir une opposition frontale entre des interlocuteurs qui ne s’entendent simplement pas.
Dans le sillage de JUPITER
Rendons à l’opposition ce qui lui revient. Intouchable il y a 30 ans, la médecine ne l’est clairement plus. On sait aujourd’hui que les études financées par l’industrie ont plus de chances d’avoir des résultats positifs que celles qui ne le sont pas*. Et que dire des études désormais fortement remises en cause, comme JUPITER .
Des résultats difficilement interprétables Prévue pour durer 4 ans, JUPITER a été interrompu prématurément au bout de deux ans car le groupe traité par statine avait en moyenne une diminution de 44 % des événements cardiovasculaires par rapport au groupe recevant le placebo. L’essai obtenait une réduction de 20 % de la mortalité cardiovasculaire sous 20 mg/j de rosuvastatine en prévention primaire chez des patients avec un cholestérol normal mais une CRP élevée. L’interprétation des résultats avait massivement souligné le bénéfice clinique de cette statine. Problèmes : depuis 2008, date de cette étude, des travaux ont montré que la CRP n’était pas un facteur de risque cardiovasculaire indépendant. Comment, dans ces conditions, interpréter les résultats de JUPITER dont le recrutement ciblait des sujets « en bonne santé mais à risque cardiovasculaire » en se basant sur la valeur de la CRP ? De plus, le principal investigateur de JUPITER, Paul Ridker était détenteur du brevet sur le dosage de la CRP haute sensibilité utilisée dans l’étude… Point positif, c’est cette énorme étude portant sur près de 18 000 personnes qui a révélé le léger sur-risque de diabète sous statine. |
Citer cet article: Statines et cholestérol : bienvenue dans la «post-vérité» ? - Medscape - 24 janv 2017.
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