Vitamine D pour tous ? Le débat continue chez les scientifiques

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

9 décembre 2016

Pragmatisme

Peut-on s’attendre à y voir plus clair à l’avenir ?

Les auteurs ne sont pas très optimistes, notamment parce que « les populations inclus dans les essais en cours ont des taux de base de 25-hydrovitamine D de l’ordre de 25 à 50 nmol/L. Or s’il doit y avoir un effet bénéfique, cela ne pourra être tangible que chez des populations carencées, c’est-à-dire avec des valeurs inférieures à 25 nmol/L ». En revanche, « les essais en cours menés avec des doses élevées quotidiennes ou intermittente vont pouvoir renseigner sur le risque accru de chutes et de fractures ».

Conclusion « pragmatique » des auteurs néo-zélandais : à l’exception de populations à haut risque de déficit, chez lesquelles de faibles doses de vitamine D (400-800 IU/jour) peuvent être nécessaires, la nécessité de se supplémenter en vitamine D pour prévenir une pathologie ne repose sur aucune preuve à l’heure actuelle.

La question du dosage de la Vitamine D en France

En France, rien de nouveau sous le soleil, côté vitamine D depuis le " Rapport d’évaluation sur l’utilité clinique du dosage de la vitamine D " publié par la Haute Autorité de Santé (HAS). En 2013, tout en défendant de définir les indications de la supplémentation en vitamine D, la HAS concluait déjà que « doser la vitamine D ne présente aucune utilité démontrée dans un grand nombre de situations cliniques ».

Elle précisait même que « l'analyse de la littérature et la position des experts d'un groupe de travail ne permettent pas de déterminer une utilité clinique du dosage de vitamine D » dans les situations suivantes : mortalité, chute, performance fonctionnelle, cancer colorectal, cancer du sein, cancer de la prostate, hypertension artérielle, maladies cardiovasculaires, allergie, maladies auto-immunes, diabète de type II, maladie rénale chronique, grossesse, maladies infectieuses, performances cognitives, profil lipidique, mucoviscidose.

Concernant les personnes à risque de fracture, la HAS relevait une étude suggérant un intérêt du dosage de la vitamine D chez les personnes âgées, mais encore trop peu étayée pour que la HAS puisse recommander le dosage systématique dans cette situation. Un constat très proche, si l’on remplace « dosage » par « supplémentation », des conclusions du Dr Tim D Spector et de l’équipe du Dr Mark J Bolland.

Mais la France a aussi ses adeptes de la vitamine D. Début 2014, la communauté médicale concernée par les dosages de vitamine D en France avait signé de manière collégiale un éditorial dans la presse médicale pour faire mention de ses réserves sur les conclusions de la HAS, les jugeant « trop restrictives » [6].

Favorable à la recommandation du Groupe de Recherche et d’Information sur les Ostéoporoses (GRIO) de supplémenter en vitamine D (800 à 1200 UI/j), sans dosage préalable, toutes les personnes susceptibles d’être carencées, le rhumatologue Patrice Fardellone (Service de Rhumatologie, CHU Amiens) avait aussi vivement réagi dans nos colonnes, jugeant le rapport de la HAS « erroné » et ses conclusions « fausses ».

Ce qui n’a pas empêché l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (Uncam) de décider ne plus rembourser le dosage de la vitamine D que dans de très rares indications : suspicion de rachitisme, suivi ambulatoire de l’adulte transplanté rénal, avant et après une chirurgie de l’obésité, et personnes âgées sujettes aux chutes répétées.

« Ce déremboursement est une véritable catastrophe qui renvoie nos patients à l’âge de pierre de la biologie osseuse » s’emportaient alors le Dr Justine Bacchetta (néphrologue-pédiatre, Hospices civils de Lyon) et le Pr Jean-Claude Souberbielle (pharmacien-biologiste, hôpital Necker, Paris) dans une tribune du Monde intitulée paradoxalement « Vitamine D : un peu de modération s’impose » [6].

 

REFERENCES:

1. Bolland MJ, Avenell A, Grey A. Should adults take vitamin D supplements to prevent disease? BMJ 2016;355:i6201

doi: 10.1136/bmj.i6201

2. Spector TD, Levy L. Should healthy people take a vitamin D supplement in winter months? BMJ 2016;355:i6183

doi: 10.1136/bmj.i6183

3. Public Health England. PHE publishes new advice on vitamin D, 21 juillet 2016.

4. Theodoratou E, Tzoulaki I, Zgaga L et al. Vitamin D and multiple health outcomes: umbrella review of systematic reviews and meta-analyses of observational studies and randomised trials. BMJ 2014 ; 348 doi: http://dx.doi.org/10.1136/bmj.g2035

5. Avenell A, Mak JC, O’Connell D et. Vitamin D and vitamin D analogues for preventing fractures in post-menopausal women and older men. Cochrane Database Syst Rev 2014; 4: CD000227.

6. Vitamine D : un peu de modération s’impose, Le Monde 04/03/2014.

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