Vitamine D pour tous ? Le débat continue chez les scientifiques

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

9 décembre 2016

CONTRE le « traitement » d’une « pseudo-maladie »

Dans le même article, le Dr Tim D Spector (Epidémiologie génétique, King’s College Londres) ne fait visiblement pas la même lecture des études scientifiques et se demande sur quelles preuves s’appuient les recommandations du Public Health England. Le chercheur anglais cite les conclusions d’une analyse récente [prenant en compte une centaine de revues systématiques et de méta-analyses] qui « a montré de façon hautement convaincante qu’un rôle clair et causal de la vitamine D ne pouvait être mis en évidence dans aucune des 137 pathologies » dans lesquelles on lui en avait prêté un [4]. « Il est largement admis que la supplémentation en vitamine D prévient les pathologies cardiovasculaires, mais la plupart des méta-analyses, et surtout les études de randomisation mendéliennes, n’ont montré aucun effet chez l’homme. Idem pour l’ostéoporose » ajoute-t-il. Et d’enfoncer le clou : « les recommandations en faveur d’une supplémentation assurent que les données sur la prévention de l’ostéoporose et des fractures sont solides. Mais, même si c’est regrettable, et en dépit des opinions tranchées de certains, ce n’est pas le cas », revue Cochrane à l’appui [5].

Côté sécurité, le Dr Spector est bien moins confiant que son collègue et s’inquiète d’un surdosage de la vitamine D dû à l’addition de différences sources : produits alimentaires enrichis, huile de foie de morue, lait fortifié et compléments à haute dose vendus sur le net. « Les patients avec une concentration élevée de vitamine D (100-180 nmol/L) commencent à devenir la routine en pratique clinique » affirme-t-il.

Pour le chercheur anglais, pas de doute : à l’exception des personnes avec une déficience réelle ou à haut risque, comme les personnes âgées infirme et les enfants à risque, « le reste de la population devrait éviter d’être « traitée» pour une « pseudo-maladie » et s’assurer plutôt d’un style de vie sain, avec du soleil et une alimentation variée.

Il ajoute, non sans humour, que la population « devrait faire confiance à des siècles d’évolution qui ont surement fait en sorte que la population nordiste puisse passer l’hiver sans prendre le risque de se casser en morceaux. »

Vit D pour les os…difficile de trouver des preuves

Le bilan dressé par le Dr Mark J Bolland et ses collègues dans un autre article n’est pas, lui non plus, en faveur d’une supplémentation en vitamine D, qu’il s’agisse de prévenir des pathologies osseuse ou non [1].

« Plus de 50 méta-analyses portant sur la supplémentation en vitamine D en lien avec la prévention des chutes ou des fractures ont été publiées : certaines rapportent de petits bénéfices, d’autres pas », parfois c’est même l’effet inverse qui est décrit avec un risque accru à des doses élevées et intermittentes de vitamine D.

Quand on l’associe au calcium, la vitamine D fait mieux et prévient les fractures non vertébrales et du col du fémur dans deux essais chez des femmes âgées, fragiles et institutionnalisées, mais pas dans sept études ayant inclus des personnes âgées vivant à leur domicile, relatent les auteurs néo-zélandais. « Quand on envisage de donner une association vitamine D + calcium, il faut mettre dans la balance les bénéfices de la prévention des fractures versus les fréquents effets indésirables de type gastro-intestinaux et les plus rares – mais plus sévères – conséquences cardiovasculaires et rénales » prévient le chercheur.

Pour ce qui relève du non-osseux – et le champ est large allant des maladies cardiovasculaires au diabète de type 1 et 2, en passant par certaines maladies auto-immunes et infectieuses ainsi que certains cancers –, les revues systématiques colligeant des essais contrôlés et randomisés ne montrent pas non plus de bénéfices fiables. Le niveau de preuves, quand il existe, est d’autant plus faible que les études n’ont souvent pas été conçues à ce dessein. « Nous pouvons être raisonnablement sûrs que pour les pathologies les plus fréquentes et les plus importantes, les résultats obtenus excluent un effet bénéfique de la supplémentation en vitamine D repérable par les études observationnelles » affirment le Dr Mark J Bolland et son équipe.

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....