« En 2009, le Mediator était retiré du marché après 33 ans de commercialisation pour des indications aussi floues que fluctuantes, "adjuvant du diabète", "hypertriglycéridémies", chez des personnes toutes en surpoids, véritable point commun entre ces patients.
La dénomination commune internationale du Mediator, benfluorex, livrait une première clé de cette molécule grâce à son suffixe -orex qui désigne un anorexigène, un coupe-faim.
Quelques éléments de plus étaient nécessaires pour décortiquer le principe d'action de cette molécule, en particulier la connaissance de sa transformation dans l'organisme en un métabolite, actif pour maigrir autant que toxique pour le coeur, la norfenfluramine, devenue tristement célèbre à partir de 1997, date du retrait du marché mondial de toutes les fenfluramines commercialisées (Pondéral et Isoméride pour la France). Toutes ? Toutes sauf une, le benfluorex, prodrogue "médiateur" de la production de la mortelle norfenfluramine. Disposer de cette information, occultée par le laboratoire pharmaceutique pendant toute la période de commercialisation du Mediator, permettait de relire et analyser d'un autre oeil de nombreux tableaux de valvulopathies cardiaques, pas ou mal expliquées, "rhumatismales" dans un pays où le rhumatisme articulaire aigu (RAA) avait disparu dès l'après-guerre, "dégénératives" dans une population simplement vieillissante...
L'alerte, déjà donnée en 1999 de Marseille par un cardiologue perspicace, le docteur Georges Chiche, réitérée en 2006 par un pharmacologue éminent, le professeur Montastruc, a été relancée à partir de 2007, avec vigueur, étude épidémiologique à la clé, par une équipe brestoise associant cardiologues, épidémiologistes et moi-même, pneumologue spécialiste de l'hypertension artérielle pulmonaire, autre complication redoutable des fenfluramines.
C'est l'histoire de cette alerte, bien trop tardivement prise en compte, que raconte le film "La fille de Brest" ainsi que l'émotion puis le scandale suscités par la confirmation d'un bilan humain accablant, des centaines de morts.
Peut-être est-ce là l'occasion de rappeler avec force, à l'ère où l'innovation thérapeutique semble parfois occuper tout le champ des préoccupations médicales, un principe premier des traitements et du soin : primum non nocere. »
« La fille de Brest » est un film d’Emmanuelle Bercot d’après le livre du Dr Frachon « Mediator 150 mg » (Ed. Dialogues). Avec Sidse Babett Knudsen dans le rôle du Dr Frachon et Benoit Magimel dans le rôle du Pr Le Antoine Bihan (chercheur au CHU de Brest, « exilé » depuis l’affaire du Mediator au Canada). Le film relate le long combat du Dr Frachon contre le laboratoire Servier et les autorités de santé pour aboutir au retrait du benfluorex du marché. Sortie en salle le 23 novembre.
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Crédit photo : Irène Frachon par Vincent Gouriou (Wikipedia) |
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Citer cet article: Dr Irène Frachon. Primum non nocere - Medscape - 23 nov 2016.
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