POINT DE VUE

AHA 2016 : les 6 grandes études à retenir

Pr Gabriel Steg, Pr Gilles Rioufol

Auteurs et déclarations

17 novembre 2016

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Enregistré le 15 novembre 2016, à La Nouvelle Orléans, LO, É.-U.

Gabriel Steg (Hôpital Bichat, Paris) et Gilles Rioufol (Hôpital Louis Pradel, Bron) résument et commentent six grandes études présentées au congrès de l’American Heart Association 2016: FUTURE, PIONEER, EUCLID, ART, HOPE-3 et PRECISION.

TRANCRIPTION

Gabriel Steg : Bonjour et bienvenue à la Nouvelle Orléans, à l’AHA 2016, où j’ai le plaisir de recevoir aujourd’hui Gilles Rioufol pour faire une revue des principaux événements du congrès auxquels nous avons déjà assisté.

L’AHA 2016 est un assez bon cru. Il y a beaucoup d’études, pas seulement des études négatives, et pas mal de débats. Je dirais que c’est une édition plus gaie que les précédentes, moins tristes, moins mornes, un congrès moins « désert ». Ce n’est pas l’ESC, mais c’est quand même une édition qui visiblement a plus de succès.

L’étude FUTURE

Gabriel Steg : Une des nouvelles études de ce congrès présentée en late-breaking clinical trial session, c’est FUTURE [1].

Gilles Rioufol : FUTURE est une étude française et ce sont tous ou la majorité des centres français qui font de la FFR qui ont pu y participer. J’ai eu la chance de pouvoir présenter ces résultats. FUTURE [posait les questions suivantes]: que faire au moment de la coronarographie chez un patient pluritronculaire en terme de stratégie de traitement? Est-ce qu’on va dilater? Est-ce qu’on va ponter? Ou un traitement médical est-il la meilleure solution? C’est une information qu’on n’a pas avec la FFR. La FFR, c’est bien calibrer depuis FAME. Si on est dans une option d’angioplastie, la FFR, c’est excellent. Autrement, on ne sait pas. Donc c’était un peu l’objectif de cette étude.

C’était une étude assez ambitieuse puisque c’est un PHRC, avec 1700 patients à inclure. On a tous été surpris que le DSMB [Data and Safety Monitoring Board] observe un signal de surmortalité au milieu du recrutement, ce qui nous a fait logiquement arrêter l’étude. Ce sont ces résultats qui ont été présentés, et qui sont compliqués à analyser. Comme toujours en médecine, tout n’est jamais linéaire, puisque pour la mortalité observée par DSMB au bout d’un an de suivi (pour les patients qui ont atteint l’année de suivi), il restait un signal, mais le « p » n’était plus significatif.

Gabriel Steg : Autrement dit, ce qui a motivé la décision du DSMB au moment de l’arrêt n’est plus tout à fait significatif au moment où on a le suivi complet pour cette cohorte – en tout cas pas complet, mais au bout d’un an de suivi pour cette cohorte-là – et on n’a pas d’excès de mortalité significatif.

Gilles Rioufol : Exactement.

Gabriel Steg : Et sur le critère primaire de jugement, qu’est-ce qu’on observe?

Gilles Rioufol : Le critère primaire est un critère combiné où il y avait le décès, infarctus, revascularisation, et AVC. C’est là aussi une surprise. On était sur une étude de supériorité de la FFR, et en fait, on a un suivi et des courbes qui sont totalement superposées.

Gabriel Steg : Autrement dit, une stratégie de vascularisation guidée par la coronarographie, comme d’habitude, ou une stratégie guidée par la FFR, donne un résultat clinique sensiblement similaire à un an, avec néanmoins un intervalle de confiance qui est quand même assez large et qui n’exclut ni un bénéfice, ni un effet délétère.

Gilles Rioufol : Oui, mais un hasard ratio à 1,09. Donc, d’accord, on n’a probablement que la moitié de la puissance puisqu’on n’a que la moitié des patients inclus, mais si on fait des projections statistiques, la probabilité que l’hypothèse de supériorité ait pu arriver est extrêmement faible. Cela pondère tous les messages précédents.

Gabriel Steg : Une des questions qui a été posées, que j’ai trouvée très intéressante, était : le fait que les résultats soient similaires était peut-être lié au fait qu’il y avait relativement peu de changement de stratégie macroscopique entre le choix d’un traitement médical seul ou d’un traitement médical plus dilatation, ou plus pontage. Mais tu as fait observer que c’est vrai quand on résonne par patient, mais que ce n’est pas du tout vrai quand on résonne par lésion. Quand on résonne par lésion, il y a beaucoup de changements.

Gilles Rioufol : Exact. On [l’a vu dans le] registre français R3F où on réfléchissait au niveau de la lésion, et dans 40% des cas, cela modifiait la stratégie. Là on est à l’étage du patient. Un patient qui aurait pu être dilaté sur les données angiographiques a pu finalement être proposé au pontage. Le patient d’après, c’est l’inverse, donc il y a un mixte dans les deux sens et nous avons simplement le résultat total à la fin, qui est quand même intéressant puisqu’on est capable de doubler le nombre de patients qui, finalement, alors qu’ils sont bi- ou tri-tronculaires, seront traités médicalement. Ce sont les patients qui vont bien, ce n’est pas chez ces patients-là qu’on a un signal négatif.

Gabriel Steg : Oui, puisqu’il faut se rappeler que le traitement médical chez les patients stables, ça marche très bien.

Gilles Rioufol : Plutôt très bien.

Gabriel Steg : Ce sera intéressant de voir les résultats de l’étude ISCHEMIA à venir, qui compare la revascularisation et le traitement médical seul, chez les patients coronariens stables dans ce contexte-là. En tout cas, félicitations pour une très belle étude et un PHRC français dans les late-breakers.

Gilles Rioufol : Il y a juste un dernier signal quand même à dire sur cette surmortalité observée : on ne sait finalement pas ce qui se passe. Ce n’est pas liée à la FFR et au geste lui-même, c’est vraiment une question importante. La FFR ne provoque pas de iatrogénèse significative puisque le signal de mortalité arrive au bout d’un mois ou deux mois après. C’est important pour rassurer sur le fait que…

Gabriel Steg : … la procédure elle-même est sûre. Absolument.

Gilles Rioufol : Et je continue d’utiliser la FFR tous les jours.

Gabriel Steg : Sans risque.

Gilles Rioufol : Exactement.

L’étude PIONEER-AF-PCI

Gabriel Steg : Une autre étude qui était intéressante et très attendue, c’était PIONEER[2]. Elle pose la question de la stratégie optimale de traitement anticoagulant chez les patients qui doivent avoir un anticoagulant pour la fibrillation auriculaire (FA) et un traitement antiplaquettaire pour les stents. Alors c’est une étude dont le design est compliqué, qui a trois bras :

  • le bras contrôle est un bras anti-vitamine-K + bithérapie antiplaquettaire standard

Et puis il y a deux bras expérimentaux qui sont tous les deux des bras avec le rivaroxaban comme anticoagulant :

  • soit un bras avec 15 mg de rivaroxaban, c’est-à-dire un petit peu moins que la dose habituelle de rivaroxaban dans la prophylaxie de la FA, mais avec une monothérapie antiplaquettaire par un inhibiteur P2Y12 sans aspirine.

  • soit un bras, qui est alors là franchement très expérimental avec 2,5 mg 2 x par jour de rivaroxaban, ce qu’ils appellent une dose bébé de rivaroxaban, et la bithérapie antiplaquettaire.

Le traitement antiplaquettaire était le même dans les trois bras puisqu’il était décidé à l’avance avant la randomisation par l’opérateur, en tout cas en terme de durée.

C’est la première étude randomisée avec les nouveaux anticoagulants dans ce contexte très particulier et c’est donc un progrès important. Les investigateurs observent clairement une réduction des hémorragies, quelle que soit la définition et quel que soit le type de patient, dans les bras qui reçoivent du rivaroxaban; soit la bithérapie rivaroxaban/ clopidogrel, soit la trithérapie toute petite dose de rivaroxaban/ aspirine/ clopidogrel, par rapport aux anti-vitamine-K + une bithérapie. Et c’est très robuste. Évidemment, la question qu’on se pose est : maintient-on alors l’efficacité sur la prévention des accidents vasculaires cérébraux des anti-vitamine-K?  Et la réponse est « probablement ». Le hazard ratio est proche de 1, mais il y a très peu d’événements, et l’intervalle de confiance est très large, donc on ne peut pas être absolument sûr de ça. Ce n’était pas une étude de non-infériorité, c’est vraiment une étude exploratoire. Il n’y avait pas du tout la puissance pour la non-infériorité et les patients sont à faible risque thromboembolique – ils ont un score CHA2DS2-VASc aux alentours de 1,6.  Donc c’est quand même un point qui est important à retenir, avec cette dose réduite de rivaroxaban, on n’a pas la garantie absolue qu’on a gardé toute l’efficacité anti-AVC des anticoagulants, et je crois que c’est un point de discussion important quand on met en comparaison une étude comme WOEST d’un côté, et les résultats de PIONEER. Cela dit, c’est la première étude avec les nouveaux anticoagulants. On n’avait aucune preuve solide jusqu’ici. Maintenant, on a au moins des données et je pense que pour les praticiens cela va être extrêmement utile parce qu’il faut bien reconnaitre que les nouveaux anticoagulants sont très employés dans la FA et donc il y a beaucoup de patients qui sont dans cette situation. Avoir des données objectives, c’est mieux que simplement un consensus d’experts.

Gilles Rioufol: C’est vrai qu’on est rassurés, mais je reste un petit peu sur ma faim.

Gabriel Steg : Absolument, absolument.

Gilles Rioufol : Parce que le groupe qui nous intéresse dans WOEST, n’a pas été testé et c’est pourtant ce que nous faisons tous dans nos cath labs. Donc on a forcément un comparateur qui flatte les résultats et c’est un dommage.

Gabriel Steg : Oui. J’ai posé la question aux investigateurs après, on est entrés plus en détail dans les résultats. Il faut observer que dans le bras contrôle AVK + bithérapie antiplaquettaire, la bithérapie a en fait été arrêtée très souvent tôt chez près de 60% des patients. Ce qui fait qu’en termes de durée d’exposition, pendant plus des deux tiers de l’année de suivi, ils étaient dans une stratégie à la WOEST, avec clopidogrel + AVK seul.  Mais, bon, ce n’est pas exactement la stratégie WOEST, et je pense que c’est une vraie question maintenant de faire la comparaison de cette nouvelle stratégie avec la stratégie WOEST, avec les anti-vitamine-K, pour voir vraiment quel est le gagnant. Je ne sais pas si cette étude aura lieu un jour parce qu’il faudrait qu’elle soit très grosse, et ce sont des études très difficiles à faire.

L’étude EUCLID

Gabriel Steg : Une troisième grande étude qui a été présentée et qui était très attendue c’était EUCLID[3]. La comparaison du clopidogrel et du ticagrelor chez les patients artéritiques.

Gilles Rioufol : Oui, on attendait cela depuis l’étude CAPRIE. Cela fait 20 ans qu’on n’a pas de données vraiment claires ou actualisées chez l’artériopathe. On sait que ce sont des patients qui ont un profil de risque plus important, une diffusion de l’artérosclérose importante. Mais depuis CAPRIE et le dogme clopidogrel en cas d’artériopathie des membres inférieurs, et bien on n’avait pas grand-chose. Donc c’était une étude importante, une grosse étude − plusieurs milliers de patients − avec un suivi intéressant. On a des informations déjà au premier degré en tant que clinicien sur l’histoire naturelle de ces patients-là. Ce sont des patients qui sont à risque : sur leur suivi, 12% de mortalité, c’est beaucoup. Après le ticagrelor… décevant.

Gabriel Steg : Finalement, les résultats sont identiques entre le groupe ticagrelor et le groupe clopidogrel, tant en terme d’efficacité qu’en terme de sécurité. Donc le ticagrelor ne fait pas mieux que le clopidogrel. Il ne fait pas pire, mais il ne fait pas mieux. C’est un médicament plus coûteux, qui a des effets secondaires supplémentaires par rapport au clopidogrel, notamment la dyspnée, et c’est donc quand même une déception puisqu’on s’attendait, dans un groupe qui est notoirement connu comme un groupe à haut risque, à avoir un effet supérieur.

On s’interroge beaucoup pour savoir pourquoi est-ce que ces résultats sont négatifs, car c’est finalement assez inattendu. Est-ce que le fait d’avoir exclu les mauvais répondeurs génétiques au clopidogrel, comme l’avait demandé la FDA dans l’essai, a pu favoriser le bras clopidogrel, puisqu’on a filtré, ce qu’on ne fait pas dans la pratique clinique? On a génotypé tous les patients et exclu tous ceux qui étaient mauvais répondeurs homozygotes. Mais ce n’est que 2-4% des patients. Donc il est peu probable qu’on se rende compte de l’absence de l’effet du ticagrelor.

L’autre hypothèse est qu’une grande partie des patients du bras artérite des membres inférieurs ont été recrutés avant tout sur des critères d’indice de pression systolique et que ce n’est peut-être pas tout à fait la même maladie d’être un grand poly-artériel qui a eu une claudication intermittente avec probablement des lésions coronaires ou de n’avoir qu’un indice de pression systolique anormal et un peu de claudication. Et d’ailleurs, le sous-groupe qui ralentissait dans le stent, a un effet bénéfique statistiquement significatif. Donc ceux qui avaient une maladie coronaire avérée et qui avaient été stentés, eux ont le bénéfice du ticagrelor. Je pense que les données vont être encore analysées de fond en comble et on aura sûrement d’autres informations. Mais cela fait réfléchir. On doit se rappeler que l’aspirine elle-même, quand elle a été testée dans l’artérite des membres inférieurs dans trois essais randomisés consécutifs, n’a pas montré de bénéfices, alors que chez le coronarien l’aspirine a toujours marché. Dans l’artérite des membres inférieurs, il y a plusieurs essais négatifs avec aspirine comparée au placebo. Donc c’est sûrement une maladie plus différente de la maladie coronaire qu’on ne le pensait.

Gilles Rioufol : On re-détricote un peu CHARISMA, où tous les sous-groupes avaient été étudiés et repris sur le programme du ticagrelor, et on n’a pas l’information qu’on espérait depuis quelques années. Cela nous oblige à revenir à nos livres d’étude et reprendre l’histoire naturelle de cette athérothrombose globale qui n’est peut-être pas aussi simple que prévu.

Il y a juste un dernier point qui m’a intéressé, c’est le génotypage. Les homozygotes ont été retirés, mais chez les hétérozygotes, il n’y a pas de différence non plus par rapport aux patients « bon-répondeurs ». On aurait pu imaginer que les courbes divergent à ce niveau-là. Donc là encore, ce qui nous semblait logique en terme de phénotypage / génotypage, n’est probablement pas si simple.

Gabriel Steg : Il faut se souvenir que beaucoup d’études de pharmacocinétique sur les mauvais répondeurs du clopidogrel sont des études aiguës. Les quelques données qui regardent à long terme trouvent des différences moindres de ce qui est observé en aigu, parce qu’il y a probablement des activations des voies métaboliques. Il y a un certain rattrapage à l’efficacité ou la variabilité du clopidogrel au long cours. Je pense que c’est aussi un élément qui va être réexaminé à la lumière des résultats d’EUCLID.

L’étude ART

Gabriel Steg : Il y avait encore beaucoup d’autres choses, dont une étude chirurgicale intéressante de David Taggart [4] et du groupe d’Oxford (des anglais, bien que David Taggart soit écossais), une étude menée par les chirurgiens anglais sur la comparaison randomisée prospective entre une seule mammaire interne ou deux pontages mammaires internes, dont la chirurgie de pontage aorto-coronaire. Ils avaient déjà présenté les résultats à 1 un. Ils ont publié les résultats à 5 ans.

Gilles Rioufol : Ils vont aller jusqu’à 10 ans.

Gabriel Steg : Ils vont aller jusqu’à 10 ans, et à 5 ans il n’y a aucune différence, en tout cas sur les critères d’efficacité, décès et infarctus du myocarde. La seule différence est un petit peu plus de complications sternales, 2% contre en gros 1% dans le groupe mammaire interne bilatérale par rapport à mammaire interne gauche isolée.

Gilles Rioufol : On n’est quand même pas très étonnés.

Gabriel Steg : On n’est pas très étonné parce que 5 ans c’est encore trop tôt pour voir l’attrition des pontages saphènes du groupe monopontage mammaire, et donc peut-être que c’est à 10 ans que la différence va émerger. On se souvient que dans l’essai STICH sur le pontage des patients avec dysfonction auriculaire gauche, il n’y avait pas de différence à 5 ans, et à 10 ans il y avait une différence de mortalité énorme.

Gilles Rioufol : Exactement.

Gabriel Steg : Il est peut-être encore trop tôt pour conclure, mais en tout cas, c’est une belle étude. On dit toujours que les chirurgiens ne font pas de bonnes recherches, voilà un exemple d’une très belle recherche et un très bel essai chirurgical.

Gilles Rioufol : Ce qui m’a surpris, c’est qu’en France, les deux mammaires sont presque le standard dans beaucoup de centres, alors que dans le monde c’est 5%. C’était assez incroyable. Nos chirurgiens sont probablement très bons d’emblée.

Gabriel Steg : Oui, c’est vrai. C’est très variable pays par pays, mais en Europe, et en particulier en France, je crois qu’il y a une utilisation plus large des deux mammaires internes.

L’étude HOPE 3

Gabriel Steg : Il y a également eu la présentation des résultats de HOPE-3[5] sur la cognition. C’est un essai de prévention primaire mené par le groupe de Salim Yusuf, qui s’intéressait à la question de la polypill en disant : « est-ce qu’on ne pourrait pas être très efficace en prévention primaire en donnant un médicament qui comprend un peu de rosuvastatine et un peu d’antihypertenseur − une association candésartan/hydrochlorothiazide − et puis on n’a pas besoin de suivre les patients parce que ce sont des petites doses, elles sont bien tolérées. On donne cela à grande échelle et cela va avoir des effets préventifs bénéfiques sur le risque cardiovasculaire. »

Vous vous souvenez que dans HOPE, le traitement d’hypertenseur tout venant, n’était pas très bénéfique sauf chez les gens qui partaient d’une pression artérielle de plus de 140 mm Hg, autrement dit ceux qui étaient vraiment hypertendus. Par contre, les statines avaient un bénéfice assez net, quelle que soit la population de départ, et ils se posaient la question justifiée de dire : mais est-ce que cela n’a pas des bénéfiques ou des effets délétères sur la cognition? On sait que dans les démences vasculaires, depuis longtemps, on dit qu’instaurer un traitement hypertenseur très intensif pourrait être protecteur. On dit aussi que les statines pourraient avoir des effets délétères sur la cognition. C’est un des arguments des adversaires des statines qui disent qu’abaisser le cholestérol n’est pas bon pour la mémoire, pour le cerveau, etc., qu’on a besoin de cholestérol pour la mémoire. Donc est-ce que cela n’altère pas la cognition?

Finalement, l’étude est totalement neutre, à la fois les antihypertenseurs et les statines n’ont pas d’effet sur la cognition, ni bénéfiques, ni délétères. Alors ce n’est pas une très bonne nouvelle pour les patients de ne pas avoir d’effet bénéfique. On aurait espéré qu’un traitement puisse être bénéfique et qu’on ait quelque chose qui puisse aider les patients, parce que c’est un vrai problème de santé publique. Mais on est rassuré en même temps qu’il n’y ait pas non plus d’effet délétère, en particulier des statines, et je crois que c’est à nouveau une nouvelle réfutation des théories fumeuses sur les effets secondaires supposés des statines. En tout cas sur la cognition, il n’y a pas d’effet secondaire notoire des médicaments hypolipidémiants en général et des statines en particulier.

Gilles Rioufol : Est-ce qu’avec un suivi plus long, le bénéfice en termes de cognition arrivera?

Gabriel Steg : Absolument. C’est une excellente remarque, il y a quand même deux réserves à faire sur cette étude. La première est que la population n’est pas très âgée, et évidemment on s’attendrait à voir des effets surtout chez des gens âgés. Deuxièmement, il n’y a pour l’instant que 5 ans de suivi, et évidemment c’est encore beaucoup trop court pour conclure de façon définitive. Mais en tout cas, on peut dire qu’on ne détecte rien, ni dans un sens ni dans l’autre après 5 ans, aucune tendance, aucun signal...

L’étude PRECISION

Gabriel Steg : Une dernière étude que j’aurais voulu mentionner : PRECISION. C’est une étude qui s’est intéressée à la sécurité cardiovasculaire d’un coxib − le dernier qui reste − le célécoxib, comparé à deux standards qui sont l’ibuprofène et le naproxène. Les résultats, pour faire court, disent qu’il y a une bien meilleure tolérance digestive du célécoxib, ce qui est normal, mais il y aussi une meilleure sécurité cardiovasculaire.

L’étude a été présentée avec 10 ans de suivi, 24 000 patients, elle est publiée dans le New England Journal of Medicine [6], elle a fait beaucoup de bruit. Mais elle a été immédiatement assassinée par un éditorial vengeur dans Circulation[7] de Garret FitzGerald, qui est un grand spécialiste de l’agrégation plaquettaire. Il dit que l’étude a de très sévères limites méthodologiques parce que c’est une étude de non-infériorité où beaucoup de patients ont changé de bras ou ont été perdus de vue; parce que la dose de célécoxib qui a été employée a été beaucoup plus faible que les doses relatives d’ibuprofène et de naproxène qui ont été employées dans les bras contrôle; parce que c’est une population à faible risque cardiovasculaire et tous ceux qui étaient à haut risque cardiovasculaire recevaient de l’aspirine, et qu’il y a une interaction négative pharmacocinétique parfaitement documentée entre l’aspirine et l’ibuprofène, alors qu’il n’y en a pas avec le célécoxib. Autrement dit, on a fait un biais systématique en défaveur du groupe contrôle ibuprofène dans l’étude. Et après avoir lu l’éditorial, je dois dire que j’étais assez perplexe en me disant : comment le New England a pu accepter cette étude? Parce que c’est vrai, quand on lit en détail ces réserves méthodologiques, elles sont majeures, et d’ailleurs Garret FitzGerald fait observer que l’effet relatif est en défaveur du célécoxib avec un risque relatif cardiovasculaire qui est aux alentours de 1,3, qui n’atteint pas la barrière de non-infériorité, donc ils peuvent déclarer la non-infériorité mais qui ne va pas du tout dans le bon sens. Finalement, on ne sait plus trop quoi penser des résultats de cette étude qui à mon sens ne peut pas être considérée comme rassurante sur la sécurité cardiovasculaire des coxib. Il y a eu un vif débat à l’AHA autour de ces résultats et je crois que le débat va continuer, mais c’est important parce que ce sont des médicaments très largement prescrits au long cours chez les gens âgés qui sont coronariens, qui sont à haut risque cardiovasculaire, et évidemment, c’est une vraie question de santé publique.

Voilà, j’espère que ce résumé, bref et nécessairement incomplet, de l’AHA vous a intéressé. Vous aurez plus d’information sur Medscape et je vous dis à bientôt.

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