Tabac au cinéma : pour le glamour ou le marketing ?

Vincent Bargoin

Auteurs et déclarations

7 novembre 2016

Paris, France – On vous interdit la publicité sur la cigarette à l’écran sous forme de publicité : investissez carrément (dans) le film lui-même. Telle serait la recette apparemment gagnante de l’industrie du tabac.

Lors du Congrès Mondial du Cancer , une discussion a été consacrée à la mise en scène du tabagisme au cinéma [1]. Yana Dimitrova (Ligue contre le Cancer) qui animait la discussion, a expliqué comment la Ligue contre le Cancer s’y prend pour évaluer le cinéma français dans ce domaine.

Depuis 10 ans, chaque année, les 30 films français les plus populaires (selon les chiffres d’entrées du Centre National de la Cinématographie) sont visionnés : les cigarettes fumées y sont comptabilisées, mais aussi les images suggestives (typiquement le briquet à côté du cendrier, le tout bien en évidence à l’image).

Des images de tabagisme dans près de 90% des films français

Les résultats obtenus pour la période 2005-2010 ont été publiés ; les résultats obtenus depuis 2011, pas encore.

 
90% des films, c’est beaucoup plus que la proportion de fumeurs en France, qui est de l’ordre de 30%.
 

En substance, des images de tabagisme apparaissent dans près de 90% des films français – contre environ 50% des films américains, précise Yana Dimitrova

90% des films, c’est beaucoup – beaucoup plus que la proportion de fumeurs en France, qui est de l’ordre de 30%. On voit que le ratio n’est pas en faveur d’une diffusion passive de la proportion de fumeurs de la vie réelle à l’écran. On objectera naturellement qu’à partir de 4 personnages dans un film, il est statistiquement probable qu’il se trouvera un fumeur. Certes. Mais même un gros fumeur ne fume pas 24h/24, Et par ailleurs, un film représente au maximum 2 h de la vie d’un personnage. Or, dans cette étroite fenêtre temporelle, pour que 90% des films captent un instant-cigarette, on peut dire qu’ils visent bien.

En fait, le cinéma est pour la publicité un support de rêve. En France, 92% des 15-17 ans déclarent être allés au cinéma au moins une fois dans l’année. En comptant une durée de mise en scène du tabagisme de 2,6 minutes en moyenne, la Ligue arrive à la conclusion que chaque français voit en moyenne une trentaine de pubs pour le tabac chaque année. La loi Evin, interdisant la publicité sur le tabac, remonte à 1991. L’industrie du tabac semble avoir trouvé dans les films eux-mêmes un très bon produit de substitution.

Stalone et son contrat à 500 000 dollars

Dans les années 90, se sont tenus aux Etats-Unique quelques procès retentissants, condamnant les liens entre l’industrie du tabac et celle du cinéma.

« Comme convenu, je garantis que j'utiliserai les produits du tabac de Brown et Williamson dans au moins 5 de mes films. J'ai bien compris que Brown et Williamson me versera un droit de 500 000 dollars. ». Cette phrase, signée par Sylvester Stallone en 1983, avait suscité un peu d’émotion. N’est pas Humphrey Bogart (décédé d’un cancer de l’œsophage) qui veut.

Depuis, la cigarette a un peu déserté les films américains, mais pour des questions d’image précisément, et non pour des motifs légaux.

Dans ses rapports de 2012 et de 2014 , le US General Surgeon indiquait que les preuves étaient maintenant suffisantes pour conclure à l’existence d’un lien causal entre mise en scène du tabagisme dans les films et initiation des jeunes au tabac, et estimait que la labellisation « R » (interdit aux moins de 17 ans non accompagnés) des films mettant en scène le tabagisme conduirait à prévenir 18% de fumeurs parmi les adolescents d’aujourd’hui.

De son côté, le CDC a inclus en 2012 le tabagisme au cinéma dans sa liste des indicateurs de santé publique.

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