29 projets de loi
Sur ces 96 organisations, 63 sont des organismes de santé publique, 19 des sociétés médicales, 7 des fondations médicales, 5 des organisations gouvernementales. Le domaine d’intérêt de ces organisations n’est pas anodin puisque la liste contient deux organisations dans le diabète, l’American Diabetes Association et la Juvenile Diabetes Research Foundation, « ce qui a de quoi surprendre quand on sait les liens entre sodas et diabète » commentent de façon faussement ingénue les deux chercheurs. Intéressant de voir que figurent aussi l’Academy of Nutrition and Dietetics, l’American Academy of Pediatrics, et l’American Society of Cardiology, qui, faut-il le préciser, ont décliné le renouvellement de leur contrat pour 2016 (sentant peut-être le vent tourner après de précédentes révélations).
Plus inquiétant encore, entre 2011 et 2015, période où de nombreux états ont souhaité restreindre la consommation de soda, les auteurs ont identifié 29 projets de loi ou équivalents sur lesquels Coca Cola et Pepsi ont fait jouer leur influence. Comme de bien entendu, qu’il s’agisse de la taxe sur les sodas, la publicité, la restriction de la taille des boissons à NYC…toutes visaient à restreindre la consommation de boissons sucrées. Comme on pouvait s’y attendre, sur 28 des 29 propositions (locales, fédérales ou nationales), les positions des deux géants de l’agro n’allaient pas dans le sens de la santé publique. Pour s’opposer aux propositions de loi, les compagnies n’ont d’ailleurs pas lésiné sur les moyens : plus de 6 millions de dollars dépensés par année pour Coca-Cola, plus de 3 millions pour Pepsi et plus d’un million pour American Beverage Association qui défend les intérêts des fabricants de boissons.
Exemples d’organisations du domaine de la santé sponsorisées par Coca et Pepsi entre 2011 et 2015 American Cancer Society (ACS) |
Sponsoring : un outil marketing à part entière
« Il faut dire que la philanthropie d’entreprise (corporate philanthropy) est efficace » précisent les auteurs. Il existe des précédents. L’expérience des alcooliers et de l’industrie du tabac a suggéré que « ce sponsoring agissait comme un outil pour bâillonner les organisations susceptibles de prendre position en faveur de mesures de santé publique allant à l’encontre de ces firmes ». Et les auteurs de citer l’exemple de l’organisation Save the Children, qui a tout à coup cessé de promouvoir les taxes contre les sodas après avoir reçu 5 millions de dollars de la part de Coca-cola et PepsiCo en 2009 mais bien sûr en niant que cela ait eu le moindre impact. Que ces organisations s’en défendent ou pas, « le principe de réciprocité est bien là et est assez puissant pour entrainer une réponse positive à une requête qui, si l’on ne s’était pas senti redevable par rapport à un donateur, aurait très probablement conduit à une réponse négative ». Et les auteurs de citer le psychologue Robert Cialdini, spécialiste de la persuasion et du marketing, qui a parfaitement analysé le phénomène.
Mises en cause dans l’article de Daniel Aaron et Michael Siegel, certaines associations n’ont pas manqué de réagir. L’AHA, par le biais d’un communiqué, a indiqué que « le montant reçu figurant sur le site de Coca Cola ne représentait qu’une fraction des 1% de son budget annuel » et « qu’elle allait continuer à utiliser toutes les options possibles pour faire baisser la consommation de boissons sucrées » [4]. De son côté, la Juvenile Diabetes Research Foundation a tenu à clarifier les choses en indiquant « qu’elle soutient la recherche contre le diabète de type 1, une maladie auto-immune, qui n’est pas causée par l’alimentation ou le style de vie ». D’autres (citées plus haut) ont renoncé à être financées par l’industrie agro-alimentaire. L’attitude idéale, selon les chercheurs, qui préconisent de refuser toute aide en provenance de l’industrie des sodas, rappelant qu’ « accepter, c’est créer un lien d’intérêt susceptible de biaiser les comportements en faveur du donateur ».
Si l’article s’est intéressé à ce qui se passe aux Etats-Unis, rien ne permet d’affirmer que la France, ni l’Europe soit épargnées par de tels comportements. Pour preuve que le sujet est d’actualité, un débat pour/contre ur le thème :« Partnering with the food and beverage industry, too high a price to pay » se tenait hier au congrès mondial contre le cancer (31 oct - 3nov, Paris).
Déclaration d’intérêt des auteurs : aucun |
REFERENCES:
Aaron DG, Siegel MB. Sponsorship of National Health Organizations by Two Major Soda Companies. Am J Prev Med. 2016 Oct 3.
4. O’Connor A. Coca-Cola Funds Scientists Who Shift Blame for Obesity Away From Bad Diets. NYT, 08/10/15
Nestle M. Food Industry Funding of Nutrition Research- The Relevance of History for Current Debates. JAMA Intern Med. 2016, publié en ligne le 12 septembre 2016. doi:10.1001/jamainternmed.2016.5400.
AHA continues work to limit sugary drink consumption , October 10th, 2016
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Citer cet article: Stéphanie Lavaud. Comment Coca et Pepsi influencent la santé aux Etats-Unis - Medscape - 3 nov 2016.
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