Politiques de santé publique et industrie de l’agro-alimentaire
La critique des seuils recommandés au motif qu’ils seraient « trop bas » peut sembler un peu théorique, puisque les études qui visaient à réduire durablement la consommation de sel par des mesures diététiques, ont échoué – THOP 2 le confirme.
Selon la méta-analyse de 2014, le plafond à ne pas dépasser (5g de sodium/j) correspond en effet à 12,7 g de sel /j. Pour fixer les idées, l’étude INCA2 évaluait la consommation journalière de sel en France en 2006-2007 à 7,7 g/j chez les adultes (8,7 g/j chez les hommes, et 6,4 g/j chez les femmes), et à 5,4 g/j chez les enfants et adolescents (5,8 g/j chez les garçons, et 5 g/j chez les filles).
Ces chiffres ne tiennent pas compte du sel ajouté à table, très difficile à évaluer. La consommation française de sel semble toutefois rester assez loin des 12,7 g/j. Donc si la méta-analyse a raison, on pourrait sans crainte augmenter la consommation en sel …
Ce qui est fondamentalement en cause, dans la controverse entre tenants de la courbe en J et tenants d’une relation linéaire, ce sont simplement les politiques de santé publique, de part et d’autre de l’Atlantique et à peu près partout dans le monde.
Rappelons qu’en France, le Programme National Nutrition Santé 2011-2015 fixe, parmi ses objectifs généraux « la diminution de la consommation moyenne de sel dans la population pour atteindre, en 5 ans : 8 g/jour chez les hommes adultes et 6,5 g/jour chez les femmes adultes et les enfants ». De son côté, l’Anses, dans une synthèse de 2012, souligne que « cet objectif constitue une étape intermédiaire de l'atteinte de l'objectif fixé par l'Organisation mondiale de la santé qui recommande une consommation maximale de sel de 5 g/j ».
Les essais THOP 1 et THOP 2 dans le détail
Le papier publié dans le JACC porte sur les études THOP 1 et THOP 2. THOP 1 a été menée de 1987 à 1990 chez plus de 2000 adultes de 30 à 54 ans, préhypertendus, randomisés entre un groupe contrôle et un conseil diététique sur la réduction du sel et des graisses saturées, et l’augmentation des fruits et légumes durant 18 mois. THOP 2 a été menée de 1990 à 1995 dans une population équivalente, et a aussi été randomisée entre un groupe intervention et un groupe contrôle.
Dans ces deux études, la consommation de sel a été mesurée par dosage du sodium excrété dans des prélèvements urinaires sur 24 h, répétés entre 3 et 7 fois selon l’étude et le groupe considéré.
Le suivi médian a été de 24 ans, durant lesquels 251 décès ont été répertoriés chez les 744 participants de THOP 1 et les 1191 patients de THOP 2 randomisés dans les groupes intervention.
Par rapport aux sujets inclus dans les groupes contrôles, la réduction de mortalité liée à l’intervention est de 15%. Elle est non significative (RR=0,85 ; IC95% [0,66-1,09] ; p=0,19).
Parmi les 2974 participants des groupes contrôles, on compte 272 décès. Quatre classes ont été définies en fonction des valeurs moyennes de sodium excrétés lors des dosages urinaires : < 2,3 g/j (n=131) ; de 2,3 à < 3,6 g/j (n=679) ; de 3,6 à < 4,8 g/j (n=771) ; > 4,8 g/j (n=478).
Après ajustements multiples, « une association linéaire directe est constatée entre l’apport moyen de sodium et la mortalité », soulignent les auteurs. Les risques relatifs constatés dans les quatre classes d’apport en sodium sont de 0,75, 0,95, 1 (référence), et 1,07. Ici encore, la tendance n’est pas significative (p tendance =0,3).
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Citer cet article: Apports de sodium et mortalité : résultats après 25 ans de suivi - Medscape - 14 oct 2016.
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