Calgary, Canada – Comment alerter sur l’épidémie galopante de diabète au Canada ? Pour frapper les esprits et impacter les populations et les décideurs politiques, des chercheurs ont établi des estimations vie entière du risque de diabète dans la province de l’Alberta en distinguant le peuple autochtone canadien (aussi appelé Premières nations) du reste de la population. Et les chiffres sont terribles : le risque de développer un diabète au cours de sa vie est de 87,3% chez les femmes amérindiennes contre 46,5% chez les femmes du reste de la population. Ces résultats viennent d’être publiés dans le Canadian Medical Association Journal [1].
Le peuple Premières nations Après l’Ontario et la Colombie britannique, l’Alberta héberge la troisième plus grande population autochtone non Inuit non Métis (dite Premières Nations) du Canada, dont la moitié vit dans des réserves. La moyenne d’âge est très jeune, 23 ans, avec seulement 5% de plus de 65 ans, et plus de la moitié de moins de 25 ans. Il existe une grande diversité culturelle parmi les communautés Premières Nations de l’Alberta, et un large éventail de langages parlés parmi lesquels le Blackfoot, le Cree, le Chipewyan, le Dene, le Sarcee et le Stoney. D’après un recensement de 2011, environ 52% de la population aborigène de l’Alberta est enregistré en tant que Premières Nations dans le cadre de l’Indian Act, une loi qui définit leurs droits. |
La ruralité augmente le risque
Les chercheurs ont inclus 2 897 324 personnes résidant dans la province canadienne de l’Alberta âgés de plus de 18 ans (1 436 324 hommes et 1 460 975 femmes), à l’exception de celles présentant un diabète. Les individus ont ensuite été suivis pendant 8,71 années pour l’apparition d’un diabète.
Sur un suivi total de 23 362 108,3 personnes/année chez les plus de 20 ans, 160 549 nouveaux diabètes ont été comptabilisés. L’analyse statistique a permis d’établir, que pour une femme de 20 ans, le risque de devenir diabétique au cours de sa vie était de 87,3% chez les Premières Nations et de 46,5% pour les autres femmes. Chez les hommes amérindiens, ce risque est moindre (75,6%) contre 55,6% chez ceux qui n’appartiennent pas au groupe Premières nations. Une disparité qui s’expliquerait en partie, selon les chercheurs, par le fait que les amérindiennes sont plus susceptibles d’être en surpoids ou obèses, et à un âge plus précoce, que leurs équivalents masculins. Ils font aussi remarquer les taux élevés de diabète gestationnel chez les femmes aborigènes qui développent un diabète de type 2 ultérieurement.
Autre résultat : au sein des populations amérindiennes, le risque était toujours beaucoup plus élevé chez les personnes vivant en milieu rural par rapport à celles vivant en milieu urbain, avec un écart particulièrement marqué, là encore, chez les femmes (94,2% versus 80,4% respectivement). Pour les chercheurs, l’accès aux soins et des facteurs géographiques, sont des déterminants importants de la santé des populations indigènes susceptibles de contribuer à cette différence en termes de risque de diabète.
Enfin, l’analyse fait apparaitre que le groupe Premières Nations est à risque élevé de diabète à un âge bien plus précoce que la population non-amérindienne : chez les hommes, le pic de risque intervient 20 ans plus tôt chez les Premières Nations, et pour les femmes 30 ans avant !
Les populations indigènes payent un lourd tribu au diabète
Comme on peut l’imaginer, des études du même type ont été menées dans les populations aborigènes d’australiens et indiennes aux Etats-Unis, dont le peuple Pima, connu pour un triste record, celui d’être une des communautés comportant le plus grand pourcentage d’obèses et de diabétiques au monde
« Néanmoins des différences méthodologiques ne permettent pas de faire des comparaisons directes », précisent les chercheurs qui ne semblent pas surpris par les résultats de leur étude « cohérents avec d’autres qui rapportent une incidence et une prévalence du diabète 4 fois plus élevée parmi les femmes des Premières nations que dans le reste de la population, et plus de 2,5 fois plus importante chez les hommes amérindiens. »
Parmi les raisons évoquées pouvant expliquer ces différences : la susceptibilité génétique, l’acculturation alimentaire, l’adoption d’un mode de vie sédentaire et la prévalence en augmentation de l’obésité et du syndrome métabolique. « Mais, par-dessus tout, les peuples des Premières Nations au Canada, comme les autres populations indigènes dans le monde, ont une vulnérabilité par rapport au diabète » rappellent les auteurs « en raison d’inégalités dans les champs sociaux, culturels, historiques, économique et politiques des déterminants de la santé, de manque d’accès à une alimentation saine et des barrières à l’accès aux soins ».
Tout en reconnaissant un certain nombre de limites dues à la méthode statistique en elle-même, au fait que tous les amérindiens ne sont pas enregistrés comme tels, ou que l’étude n’a pas discriminé entre diabète gestationnel, de type 1 ou 2, les auteurs considèrent que des estimations vie entière offrent une vision compréhensible et utile du risque dans une population et espèrent qu’elles permettront aux chercheurs et aux décideurs politiques d’apprécier le poids du diabète dans la population.
« Ces résultats couplés avec le fait que le risque de diabète est plus grand chez les populations jeunes montrent l’importance d’une mobilisation précoce en faveur de mesures de prévention contre le développement du diabète dans la population amérindienne » soulignent-ils. Mais pas seulement. Car si les chiffres sont dramatiques pour la population amérindienne, ils n’en sont pas moins inquiétants dans le reste de la population, avec un jeune de 20 ans sur 2 à risque de développer un diabète en Alberta.
REFERENCE :
Tanvir Chowdhury Turin T, Saad N, Jun M, et coll. Lifetime risk of diabetes among First Nations and non–First Nations people. C MAJ, 2016. DOI:10.1503 /cmaj.150787
Diabète 1 et 2 chez les jeunes américains : en hausse de 21% et 30% en 8 ans
Les enfants/adolescents qui deviennent ou restent obèses multiplient par 3 à 5 leur risque
Estimation du surpoids du jeune enfant : les parents américains ont déplacé le curseur
Un adolescent américain sur cinq présente une glycémie anormale
Jeunes enfants : les Américains ne voient plus qu’ils sont trop gros !
Actualités Medscape © 2016 WebMD, LLC
Citer cet article: Stéphanie Lavaud. En Alberta, 90 % des jeunes amérindiennes deviendront diabétiques ! - Medscape - 14 oct 2016.
Commenter