La santé est dans le pré et l’écopsychologie a de l’avenir

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

3 octobre 2016

Bénéfices du shinrin-yoku ou « bain de forêt »

Si les espaces verts sont bénéfiques pour la santé, en forêt, les bienfaits de la marche sont plus puissants encore. Les Japonais l’ont bien compris et s'adonnent d’ailleurs très régulièrement au shinrin-yoku, littéralement « bain de forêt » auquel ils prêtent un effet déstressant. Pour vérifier si une marche en forêt peut véritablement influer les médiateurs du stress, des chercheurs chinois ont envoyé 20 étudiants en promenade, la moitié d’entre eux a parcouru un secteur forestier particulièrement verdoyant (le séjour comprenait 2 nuits), tandis que l’autre se déplaçait en milieu urbain, pendant la même durée [2]. Via des dosages sanguins avant/après, les chercheurs ont mis en évidence une différence significative du stress oxydatif – via des taux abaissés de MDA (malondialdéhyde), d’interleukine 6 et du TNF alpha, de même que de cortisol sérique, mais aussi et surtout d’endothéline 1 dans le groupe « forêt ». Dans le même temps, l’humeur était améliorée.

Si la nature est bénéfique, à partir de quelle « dose » peut-on espérer voir un bénéfice sur la santé ? Cinq minutes suffisent pour voir des effets positifs sur l’estime, à en croire une étude anglaise portant sur 1 252 personnes, citée par le Pr LaPuma [3]. A raison de 30 minutes, les effets positifs augmentent et s’étendent à la réduction du risque de maladies cardiovasculaires, de stress, d’anxiété et de dépression, selon une étude récente menée à Brisbane [4]. « Si chacun d’entre nous allait se promener dans un parc 30 minutes chaque semaine, on pourrait s’attendre à une diminution de 7% de la prévalence des cas de dépression et à une baisse de 9% des cas de pression artérielle élevée » affirment les auteurs australiens.

Si chacun d’entre nous allait se promener dans un parc 30 minutes chaque semaine, on pourrait s’attendre à une diminution de 7% de la prévalence des cas de dépression et à une baisse de 9% des cas de pression artérielle élevée – les auteurs

Repenser la ville

Bonne nouvelle : tous les environnements naturels semblent bénéfiques à partir du moment où on y trouve un minimum de verdure, y compris les parcs dans les villes, cependant la présence de l’élément aqueux est un plus [3]. Certaines études ont, quant à elles, montré que le niveau de bien-être et l’effet « réparateur » de la nature allait de pair avec le degré de biodiversité (richesse en plantes, papillon et oiseaux) présent dans le milieu naturel [5,6]. Pour tous les chercheurs à l’origine de ces publications, les conclusions sont les mêmes : ces résultats devraient inciter à repenser les politiques de la ville, en faisant en sorte que la reconnexion avec la nature y occupe une place de choix.

Introduire des espaces verts n’est pas seulement un défi environnemental mais aussi sanitaire, puisque participant à une meilleure santé mentale et physique. Dans l’article publié sur Medscape.com, le Dr LaPuma voit, lui, la nature comme la botte secrète du médecin, un « plus » quand il s’agit d’inciter son patient à adopter une pratique de loisir, une activité physique ou un sport. « Il ne coûte rien, affirme-t-il, de se doter d’un conseil minimal comme « Etes-vous sorti aujourd’hui ?” et de « prescrire » (voir encadré), un exercice précis tel que « marcher dans le parc le plus proche pendant 20 minutes avec le téléphone coupé, en notant – pression artérielle, rythme cardiaque, humeur, niveau de stress – avant et après ». Au vu des bénéfices démultipliés de tout effort physique dans la nature, « ce que le médecin recommande pourrait se limiter à ça » conclut-il.

Sport sur ordonnance et, si possible, en plein air
A Biarritz, ville-pilote du programme sport santé, les médecins peuvent désormais « prescrire » de la marche aquatique, du surf ou du stand-up paddle à leurs patients au même titre que la gymnastique, le vélo, ou la randonnée. Cette initiative fait suite à une expérimentation réussie de la ville de Strasbourg, qui en 2012, a décidé de prendre en charge, pour une durée maximale de trois ans, les patients pour lesquels le médecin traitant avait prescrit une activité sportive adaptée. Cette démarche s’inscrit dans une évolution en faveur des solutions non médicamenteuses déjà recommandées par la Haute Autorité de Santé en 2011 et désormais inscrite dans la loi puisque l'Assemblée nationale a voté un amendement – entériné à l’automne dernier – permettant aux médecins de prescrire des activités physiques à leurs patients en affection longue durée (maladies cardio-vasculaires, diabète, obésité…).

REFERENCES :

  1. Bratman GN, Hamilton JP, Hahn KS et al. Nature experience reduce rumination and subgenual prefrontal cortex activation. PNAS 2015, Vol 112, 28, 8567-72.

  2. Mao GX; Lan XG; Cao YB et al. Effects of short-term forest bathing on human health in a broad-leaved evergreen forest in Zhejiang Province, China. Biomed Environ Sci. 2012; 25(3):317-24 (ISSN: 0895-3988)

  3. Jo Barton, Jules Pretty. What is the Best Dose of Nature and Green Exercise for Improving Mental Health? A Multi-Study Analysis . Environmental Science & Technology, 2010: 100325142930094

  4. Shanahan DF, Bush R, Gaston KJ et al. Health Benefits from Nature Experiences Depend on Dose. Nature 2016. Scientific Reports 6, Article number: 28551. doi:10.1038/srep28551

  5. Dallimer, M. et al. Biodiversity and the feel-good factor: understanding associations between self-reported human well-being and species richness. BioScience 62, 47–55 (2012).

  6. Fuller, R. A., Irvine, K. N., Devine-Wright, P., Warren, P. H. & Gaston, K. J. Psychological benefits of greenspace increase with biodiversity. Biology Letters 3, 390–394 (2007).

  7. Michel Maxime Egger décrypte l'écopsychologie , La tribune de Genève, 16/09/2016.

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