Le blog du Pr Gilles Pialoux – Infectiologue

L’épidémie de bilharziose urinaire survenue durant l’été 2013 en Corse, dans la rivière Cavu, fait l’objet, dans le Lancet Infectious Diseases d’une analyse publiée par des équipes du CNRS de Perpignan et de l’Inra de Corte, ainsi que des chercheurs belges, britanniques et espagnols [1].
Le Pr Pialoux rappelle que la bilhaziose touche aujourd’hui quelques 110 millions de personnes principalement en Afrique sub-saharienne, et constitue la seconde parasitose au monde, derrière le paludisme.
L’épidémie observée en Corse n’en reste pas moins « assez surprenante ». Elle a touché plus de 120 personnes, y inclus un certain nombre de touristes italiens et allemands qui ont été diagnostiqués de retour dans leurs pays.
Le papier du Lancet Infect. Dis clarifie trois aspects de cette épidémie.
Premièrement, les chercheurs montrent que l’hôte intermédiaire du schistosome, le bullin, un petit coquillage de rivière, s’il est bien présent en Corse, n’est pas infecté naturellement – pas plus que les ovins et les bovins, d’ailleurs, qui sont aussi des hôtes intermédiaires possibles des différents schistosomes.
« C’est une confirmation qu’il n’y a pas de foyer épidémique et qu’il s’agit d’une pathologie d’importation », souligne le Pr Pialoux.
Deuxièmement, les chercheurs montrent que le parasite mis en cause dans l’épidémie Corse, un hybride de Schistosoma haematobium et de Schistosoma bovis, peut, artificiellement, infecter les bullins des rivières corses.
« L’hôte intermédiaire est bien présent. Il n’est pas naturellement infecté mais peut l’être », résume le Pr Pialoux.
Enfin troisième résultat, « peut-être le plus spectaculaire », il a été possible de reconstruire l’arbre phylogénétique du schistosome hybride retrouvé en Corse, et de la faire remonter avec une probabilité dépassant 99% à une origine sénégalaise.
« Le schéma le plus probable est celui de personnes infectées au Sénégal, qui se sont baignées dans la rivière Cavu, ont excrétés des œufs, lesquels ont infectés les bullins, permettant le développement de larves qui ont à leur tour infecté, par voie transcutanée, les touristes se baignant ».
Une polémique a opposé des équipes françaises et italiennes lorsque ces dernières ont rapporté des cas supposés postérieurs à 2013, explique le Pr Pialoux.
En fait, les italiens ont appuyé leurs diagnostics sur des tests Elisa et Western blot, mais n’ont pas établi la présence d’œufs du parasite, ce qui est en principe un critère nécessaire.
La polémique a surtout montré « les difficultés diagnostiques et l’absence de consensus », remarque le Pr Pialoux.
Les données publiées dernièrement plaident toutefois non en faveur d’une épidémie, mais en faveur d’une contamination ponctuelle, faisant apparaitre ces infections comme « un épiphénomène de l’été 2013 ».
« La baignade dans la rivière a d’ailleurs été ré-ouverte, avec toutefois une surveillance très étroite des cas éventuels ».
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Citer cet article: Bilharziose : l’enquête corse - Medscape - 27 sept 2016.
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