Agonistes du GLP-1: les grandes nouveautés du congrès européen sur le diabète

Pr Alfred Penfornis, Pr Ronan Roussel

Auteurs et déclarations

21 septembre 2016

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Enregistré le 15 septembre 2016, à la Munich, Allemagne

En direct du congrès de l’Association européenne pour l'étude du diabète (EASD) 2016, Ronan Roussel et Alfred Penfornis commentent les études qui testaient l’efficacité et la prévention cardiovasculaire des agonistes du récepteur du GLP-1.

TRANSCRIPTION

Ronan Roussel : Bonjour et bienvenue sur le plateau de Medscape à l’EASD 2016 à Munich. Avec Alfred Penfornis, professeur à Paris et diabétologue à Corbeille-Essonne, nous allons évoquer un des sujets sur lesquels il y avait beaucoup de nouveautés cette année, ce sont les agonistes du récepteur GLP-1 [glucagon-like peptide-1]. Freddy, peux-tu nous donner une idée des GLP-1 les plus anciens et sur lesquels on a des données?

Alfred Penfornis : On a maintenant un suivi de 7 ans dans une des études conduites avec l’exénatide (Bydureon, AstraZeneca) une fois par semaine. [1] Alors c’est une étude d’extension et on connaît les réserves de ce type d’études, avec des patients perdus de vue. Ceux qui continuent sont les meilleurs élèves. Ceux qui vont jusqu’à 7 ans représentent à peu près la moitié des patients de la cohorte initiale qui sont encore à l’objectif d’hémoglobine glyquée inférieure à 7. Puis on a d’autres études à un peu moins long terme, qui montrent ça aussi. Donc, on peut dire qu’avec ces molécules, quand ça marche et que le patient le tolère bien, ça peut vraiment marcher très longtemps.

Ronan Roussel : A-t-on une idée [de pourquoi] 50% n’étaient plus dans l’étude? Ces perdus de vue, était-ce des arrêts du traitement ou des échappements?

Alfred Penfornis : Alors il y a un peu des deux. C’est toujours difficile [à dire. Les auteurs] ont fait des comparaisons disant « voilà, ils sont à peu près semblables », mais on sait que dans ces études-là (avec les agonistes des récepteurs de GLP-1) il y a un certain nombre de patients qui arrêtent à cause des effets indésirables. Et il y a des patients perdus de vue sans qu’on ne sache exactement pourquoi. Mais la première leçon que j’ai retirée de cette session, c’est que ça peut durer longtemps.

Ronan Roussel : D’accord, ça peut durer longtemps. On sait qu’à l’American Diabetes Association (ADA) 2016, l’étude LEADER est sortie et montrait non seulement la sécurité cardiovasculaire du liraglutide (Victoza, Novo Nordisk), mais suggérait l’efficacité en terme de prévention des complications ischémiques -- pas l’insuffisance cardiaque mais les complications, AVC, infarctus du myocarde et une réduction également de la mortalité cardiovasculaire…

Alfred Penfornis : Et on se demandait si c’était un effet « classe ». Est-ce qu’on a un élément de réponse cette fois-ci?

Ronan Roussel : On a là les résultats avec le sémaglutide, qui est de la même compagnie [Novo Nordisk]. C’est un médicament qui n’est pas encore disponible dans le monde mais qui a un dossier déjà très bien fourni -- on peut le dire parce que beaucoup de données ont été présentées ici. Le sémaglutide, en comparaison par exemple à la glargine [2], a une efficacité très impressionnante, également, à l’exénatide longue « release », qui montre une supériorité sur le critère principal, sur le poids… .

Alfred Penfornis : Une supériorité sur le poids qui est très impressionnante.

Ronan Roussel : Comment était la tolérance dans cette étude?

Alfred Penfornis : Alors la tolérance est un peu le revers de la médaille. Elle est un peu moins bonne. Quand on a interrogé les orateurs sur comment ils expliquent que cette molécule soit si efficace, leur seule hypothèse était que c’est une question de dose. C’est probablement un agoniste du récepteur de GLP-1 plus dosé, donc il marche mieux. Voilà, c’est peut-être un peu trivial, mais du coup, il y a plus d’effets secondaires digestifs.

Ronan Roussel : Alors effectivement, c’est un agoniste du GLP-1 qui est injecté une fois par semaine. Est-ce que cela a un rapport avec cette efficacité impressionnante sur les facteurs de risque cardiovasculaires?

Alfred Penfornis : Je ne le sais pas, mais c’est vrai que du coup, il y a vraiment une imprégnation de l’organisme par cet agoniste sur une semaine. Et le fait qu’il soit puissant, est-ce que cela pourrait donner des meilleurs résultats sur les événements cardiovasculaires? C’est toi qui va nous le dire avec les résultats de SUSTAIN-6.[3,4]

Ronan Roussel : Alors, j’imagine qu’effectivement je fais durer le suspense. Il y a une efficacité qui est probablement dépendante du fait qu’il y a une exposition permanente. Si on injecte une fois par semaine, on monte très haut en concentration, de ce fait la tolérance digestive peut être aussi un peu altérée, et on reste imprégné effectivement très longtemps.

Alors à l’arrivée, effectivement, on a SUSTAIN-6, un essai cardiovasculaire demandé par la FDA et l’EMA. C’est une étude réalisée chez un peu plus de 3000 personnes, des patients à très haut risque cardiovasculaire, pendant 2 ans. Donc on a à nouveau une réduction du critère principal et critère composite AVC / infarctus du myocarde / mort cardiovasculaire de 26%, ce qui est considérable.

Alfred Penfornis : C’est à peu près le double de ce qu’on a vu dans LEADER et EMPAREG sur le critère principal.

Ronan Roussel : Il y avait aussi l’insuffisance cardiaque qui, là, n’est pas affectée. Un élément important est qu’il s’agit de réduction du risque relatif, donc il faut se méfier de faire des comparaisons d’amplitude de réduction de risque relatif, on est en train de mélanger les choses.

Alfred Penfornis : Tu as raison.

Ronan Roussel : Il faudra avoir une idée un peu plus précise sur les nombres de patients à traiter. Mais ce qui est aussi intéressant, c’est que la réduction du critère principal était tirée non pas par la mort cardiovasculaire, qui cette fois-ci n’était pas affectée (l’étude ne durait que deux ans, peut-être que c’est aussi une des limites), mais par le nombre d’AVC qui était réduit de près de 40%, ce qui est (là encore en réduction relative) très impressionnant. Qu’est ce qui peut expliquer ça? Parce que les infarctus du myocarde, en revanche, étaient [réduits de] 26%, mais en soi, tout seul, ce n’était pas significatif. Pourquoi, les AVC et les GLP-1?

Alfred Penfornis : Oui, je pense que tu vas répondre à la question. Tu vas parler de l’effet peut-être sur la tension artérielle, vu l’efficacité majeure. C’est vrai que dans LEADER il y avait une diminution des AVC, mais qui était non-significative. Dans EMPAREG, il y avait quand même une diminution de la tension artérielle mais qui n’est peut-être pas du même ordre, on avait même une petite augmentation, là aussi non-significative, des AVC. C’est donc vraiment quelque chose de très particulier, ce résultat.

Ronan Roussel : Est-ce que ça veut dire qu’on va aller vers une personnalisation? À ce patient [on donnera] plutôt l’empaglifozine, à celui-là plutôt le liraglutide, et puis à celui-là lorsqu’il sera disponible, le sémaglutide? Est-ce que c’est envisageable, ou est-ce que c’est plutôt la combinaison qui va l’emporter?

Alfred Penfornis : Oui, c’est une bonne question. Je pense qu’il va falloir que l’on digère tout ça. En tous cas, c’est sûr qu’on ne pourra pas associer le lira[glutide] et le sémaglutide. En revanche, on pourra peut-être associer -- si les bourses de nos pays nous le permettent -- sémaglutide et gliflozine (l’empaglifozine par exemple). C’est l’effet complémentaire. 

Ronan Roussel : Est-ce qu’il y a des données sur ce type de combinaisons?

Alfred Penfornis : Alors on va avoir des données. Il reste encore, à toute à la fin du congrès, une session qui va nous montrer ce que donne l’association d’un inhibiteur LGLT2 à un agoniste du GLP-1 de longue durée d’action. C’est le dapagliflozine et l’exénatide une fois par semaine [essai DURATION-8] [5,6].

Ronan Roussel : Donc, c’est une combinaison qui reste encore ouverte. On se rappelle en effet le mécanisme de l’inhibition du LGLT-2 : les effets métaboliques passent peut-être par une activation de la sécrétion de glucagon, qui peut être atténuée par le GLP-1. Donc est-ce qu’on ne se tire pas une balle dans le pied? Est-ce qu’on aura les bénéfices de tout? Est-ce qu’on n’aura plus rien à l’arrivée? Ce sont des questions qui restent ouvertes et qui devront vraiment être testées dans les essais randomisés.

Un dernier mot sur ce sémaglutide, dont on a dit que c’était un GLP-1 récepteur agoniste très puissant, injecté une fois par semaine. Il se trouve que des données ont été présentées sur une forme orale de ce médicament. Il s’agit d’une protéine, donc on pourrait se dire que ça ne va peut-être pas très bien passer, la biodisponibilité sera peut-être faible. En fait, elle a été associée à une petite molécule qui s’appelle SNAC qui permet d’atténuer l’acidité localement après absorption orale. Donc cela se dégrade moins. Le pH est légèrement plus basique localement dans l’estomac. Cet effet tampon ne dure pas longtemps évidemment, mais il permet d’augmenter le passage transmembranaire de cette protéine qui est pourtant assez grosse. On a une biodisponibilité qui n’est pas si mauvaise que cela. Donc, en gros, là où on injecte 1 mg par semaine sous la peau, il faut donner un comprimé par jour de 10, 20, 30 ou 40 mg pour avoir un effet, mais qui est aussi efficace que ce qu’on a décrit comme impressionnant sous la peau. Peux-tu dire un mot des premiers résultats?

Alfred Penfornis : À la dose de 40 mg, j’ai cru comprendre qu’il y avait des effets secondaires un peu importants et qu’ils allaient peut-être réduire ensuite la dose.

Ronan Roussel : On en est effectivement au choix de la dose. Un GLP oral, c’est ça l’avenir?

Alfred Penfornis : Bien, un GLP-1 oral, une fois par semaine… mais ne pourrait-on pas imaginer, par exemple, d’avoir un implant comme dans la contraception? Est-ce que ce ne serait pas une bonne idée?

Ronan Roussel : Alors des données ont été présentées avec l’implant développé par Servier cette fois-ci, qui contient de l’exénatide, qui est une mini-pompe osmotique de 4 cm x 4 mm de diamètre, qui reste sous la peau 6 mois. Je crois que des dispositifs qui peuvent rester un an vont être développés et commercialisés -- c’est déjà commercialisé aux États-Unis avec un effet qui est bon.

Alfred Penfornis : Oui, on a une baisse de l’hémoglobine glyquée de 1.6, je crois de mémoire, alors je ne me souviens plus exactement de l’hémoglobine glyquée de base, mais enfin comparable aux autres analogues agonistes du récepteur du GLP-1. Il y a un effet sur le poids qui est loin d’être négligeable également dans l’étude que nous a montrée [Julio] Rosenstock[7] : les patients perdaient 4 kilos et on voyait que le poids continuait de diminuer, on n’était pas encore en perte de stabilité, donc ça l’air très bien, très efficace. La tolérance était comparable à celle des autres. Donc là, on n’a plus à y penser pendant 6 mois, voire un an.

Ronan Roussel : Oui, donc une observance bien meilleure, effectivement. Parce que tous ces produits merveilleux, si on ne les injecte pas, ils ne marchent pas. Là, on règle peut-être le problème.

Alfred Penfornis : C’est facile à insérer?

Ronan Roussel : C’est un dispositif qui est décrit comme très simple. Je pense qu’il faudra le tester et le proposer aux patients. Les investigateurs en tout cas étaient enthousiastes sur ce point-là.

Donc beaucoup de nouveautés sur le GLP-1, en particulier les résultats des études LEADER et maintenant SUSTAIN-6, qui sont extrêmement enthousiasmants et vont certainement faire qu’on va y penser encore plus souvent qu’on ne le faisait auparavant, en tout cas chez les patients à très haut risque cardiovasculaire, puisqu’à ce niveau-là, les preuves sont maintenant tout à fait solides. Merci.

 

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