
Dr Jacques Lucas
Paris, France — À Overbruck, en Alsace, un cabinet de télémédecine générale vient d’ouvrir début septembre, pour faire face à une pénurie de médecins qui dure depuis trois ans. Est-ce le début d’une médecine générale avec zéro examen clinique ? Medscape édition française a interrogé le Dr Jacques Lucas, vice-président du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), chargé des systèmes d’information en santé.
Medscape : Est-ce une première, un cabinet de médecine générale entièrement en télémédecine ?
Dr Jacques Lucas : Dire qu'il s'agit d'un cabinet, c’est aller un peu vite. C’est un endroit où il pourrait y avoir des téléconsultations dans des conditions qui sont donc assez bien déterminées. Ce sont des téléconsultations conformes à la réglementation et l’Agence régionale de santé (ARS) a dû signer le processus contractuel qui en définit le fonctionnement.
Medscape : En s’appuyant sur l’article 36 de la LFSS 2014 qui autorise les expérimentations en télémédecine?
Dr J. Lucas : Cet article concerne la prise en charge financière des téléconsultations par l’assurance maladie. Mais rappelons tout de même que ce dispositif est transitoire : il sera fermé dès lors qu’un médecin s’installera dans la commune. À ma connaissance le Conseil départemental de l’Ordre du Haut Reims n’a pas reçu de contrat pour les médecins salariés qui exercent dans cette téléconsultation. Il est aussi important de vérifier que la protection des données personnelles, c'est-à-dire le secret médical, est respecté. Entre le patient, qui est accompagné d’une infirmière et le médecin qui se trouve à distance, il faut que la circulation des données soit totalement sécurisée sur le plan informatique. Par ailleurs, il faut que le patient soit bien présent, ce qui semble évident. Il faut aussi s’assurer de l’usage de dispositifs médicaux connectés, comme un stéthoscope par exemple. Nous sommes dans un cadre légal de la médecine.
Medscape : Mais le fait que le médecin ne pratique aucun examen clinique n’est-il pas dérangeant ?
Dr J. Lucas : C’est prévu dans le cadre de la pratique de la télémédecine puisque, par définition, le médecin n’est pas sur place. On va lui transmettre des données avec des dispositifs connectés, stéthoscope, otoscope, etc. et le médecin peut bien évidemment demander à ce que le patient soit examiné, si la téléconsultation ne permet pas d’établir un diagnostic. Dans le même ordre d’idées, on a aussi créé des cabines de téléconsultation, on ne peut pas parler de cabinet de médecine générale, puisque ce ne sont pas tous les actes qui y seront prescrits, notamment l’examen clinique. Ce genre de cabine existe déjà : quand des marins sont embarqués sur des navires en mer et que se pose un problème particulier, des téléconsultations peuvent être organisées. Le service de santé des armées utilise également la télémédecine.
Nous sommes là dans des conditions de mise en œuvre répondant à une problématique particulière qui pourrait s’étendre : c’est faute de médecins que l’on expérimente des téléconsultations de médecine générale. Or, nous ne voyons pas les choses sous le même angle : la télémédecine et les téléconsultations doivent être intégrés dans un parcours de soins, mais n’ont pas pour objectif de remplacer un médecin. D’ailleurs, en l’occurrence, il y a bien, dans le cas présent, un médecin, à distance. On peut considérer qu’il s’agit là d’une régulation de type centre 15 plus élaborée : c’est uniquement un interrogatoire à partir duquel on déclenche une intervention. C’est au médecin de déterminer où va aller son diagnostic, et la conduite à tenir.
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Citer cet article: Jean-Bernard Gervais. Téléconsultation dans les déserts médicaux : la fin de l’examen clinique ? - Medscape - 20 sept 2016.
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