Lobby du sucre aux US : comment la faute est retombée sur les graisses

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

15 septembre 2016

San Francisco, Etats-Unis – Dans un article du JAMA Internal Medicine, trois chercheurs révèlent comment, dans les années 1950/60, l’industrie sucrière américaine, au travers de la Sugar Research Foundation, a exercé des pressions et soudoyé des chercheurs dans le but de minimiser les effets délétères du sucre sur les maladies cardiovasculaires, tout en faisant porter le chapeau aux graisses [1]. Les méthodes ont-elles changé depuis, le sucre est-il aujourd’hui considéré comme néfaste pour le cœur, la recherche scientifique est-elle désormais exempte de toute influence ? Pas si sûr, témoigne une nutritionniste new-yorkaise dans un éditorial accompagnant l’article [2].

Sucre versus graisses

Dans les années 1950, alors que l’Amérique connait un taux de mortalité par maladies cardiovasculaires (CV) inégalé chez les hommes, les chercheurs commencent à s’intéresser aux facteurs de risque pouvant expliquer un tel taux. Dans la décennie qui suit, deux candidats émergent : les sucres ajoutés d’une part, les graisses d'autre part. Néanmoins, dans les années 1980, les premières recommandations sur l’alimentation des Américains ne misent que sur la réduction des graisses totales, des graisses saturées et du cholestérol alimentaire pour prévenir le risque CV. Le rôle délétère du sucre a disparu, et reste aujourd’hui encore minimisé.

Que s’est-il donc passé entre 1950 et 1980 ?

Ce sont les trois auteurs de l’article du JAMA, Cristin Kearns, Laura Schmidt, et Stanton Glantz qui en s’appuyant sur des documents internes, apportent la réponse. En épluchant la correspondance qu’a entretenue la direction de la Sugar Research Foundation (SRF) avec des experts et des chercheurs en nutrition, ils ont mis en évidence une stratégie marketing redoutable avec un but bien identifié : « accroître les parts de marché du sucre en incitant les Américains à consommer moins de gras ». L’idée est simple : permettre à l’industrie du sucre de « capturer » le manque à gagner en calories résultant d’un régime pauvre en graisse, en toute mauvaise foi puisque ce shift est censé entrainer « une amélioration considérable de l’état de santé général ».

 
Accroître les parts de marché du sucre en incitant les Américains à consommer moins de gras.
 

Pour y arriver, cette industrie prévoit donc de dépenser 600 000 $US (l’équivalent de 5,3 millions de dollars aujourd’hui). L’objectif est d’apprendre « à la population qui n’a jamais suivi un cours de biochimie…que le sucre est ce qui permet à chaque être humain de rester en vie, et avoir l’énergie nécessaire pour faire face aux problèmes quotidiens » comme l’indique, non sans un certain cynisme, un document datant de 1954, cités par les chercheurs.

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