Enregistré le 28 août 2016, à Rome, Italie
En direct du congrès de European Society of Cardiology 2016 , le Pr Marc Humbert résume les points à retenir sur le diagnostic et le traitement de l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique.
TRANSCRIPTION
Bonjour, je suis le Professeur Marc Humbert de l’Université Paris-Sud, du Centre National de Référence de l’Hypertension Pulmonaire Sévère. Je vais vous parler aujourd’hui du diagnostic et du traitement de l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique.
Définition
Lorsqu’on parle d’hypertension pulmonaire, on parle d’une définition d’abord hémodynamique, c’est-à-dire qu’il faut un cathétérisme cardiaque droit pour montrer que la pression artérielle pulmonaire moyenne est élevée à plus de 25 mm Hg. Ensuite, on parle d’hypertension pulmonaire pré- et post-capillaire selon que la pression artérielle pulmonaire d’occlusion est inférieure ou supérieure à 15 mm Hg.

Classification
En pratique, on a une classification de l’hypertension pulmonaire qui nous permet de classer dans différents sous-groupes, des groupes de patients qui ont la même physiopathologie, les mêmes mécanismes de la maladie et la même prise en charge. Aujourd’hui, ce qui nous intéresse c’est le groupe 4, celui de l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique. Il y a quelques diagnostics différentiels : des tumeurs, des vaisseaux pulmonaires, des causes parasitaires d’occlusion des artères pulmonaires, des artérites… mais globalement ce qui nous importe avant tout dans ce groupe 4, c’est la maladie thromboembolique chronique car elle permet une prise en charge diagnostique et thérapeutique particulière. Et c’est une des rares formes d’hypertension pulmonaire qui est curable.

Diagnostic
Quand on parle de diagnostic de l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique, on parle déjà de patients qui peuvent avoir eu une histoire d’embolie pulmonaire. Mais il faut savoir que dans 30 à 40% des cas, il n’y a pas d’histoire de maladie thromboembolique. Donc le fait d’avoir un antécédent d’embolie pulmonaire ne suffit pas à évoquer l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique. À l’inverse, quand on a fait une embolie pulmonaire et qu’on est suivi, il n’y a pas de place pour un dépistage systématique de routine de l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique. C’est uniquement en cas de persistance d’un essoufflement, de malaise, etc., qu’on va y penser. Et l’algorithme diagnostique, donc l’algorithme qui permettra le diagnostic formel de l’hypertension pulmonaire, commence par un examen essentiel qui est la scintigraphie pulmonaire de ventilation et perfusion. En cas de défaut de perfusion avec ventilation normale, on doit évoquer ce diagnostic, et on doit adresser le patient dans un centre de référence de l’hypertension pulmonaire où se trouve une équipe multidisciplinaire avec un service de chirurgie thoracique spécialisé.
Quand on aura fait la première épreuve, qui est la scintigraphie pulmonaire de ventilation et perfusion qui évoquera le diagnostic de maladie thromboembolique chronique dans un contexte d’hypertension pulmonaire, on devra ensuite faire deux examens essentiels :
Le premier est le cathétérisme cardiaque droit, qui permet de définir avec certitude l’hypertension pulmonaire, PAP moyenne > 25 mm Hg, PAPO (pression artérielle pulmonaire d’occlusion) < 15 mm Hg.
Le deuxième est une imagerie de l’artère pulmonaire afin de voir si le patient présente une occlusion des artères pulmonaires qui est accessible à la chirurgie ou pas. Et donc là il y a deux grands examens qui sont effectués : l’angioscanner thoracique et l’angiographie pulmonaire.
Il faut donc bien se rappeler que le dépistage se fait par scintigraphie. Ensuite le diagnostic de certitude de l’hypertension pulmonaire par cathétérisme cardiaque droit, et ensuite la définition anatomique de la maladie par une imagerie angioscanner et/ou angiographie pulmonaire.
L’algorithme diagnostique commence en général par un patient qui présente des signes évocateurs d’hypertension pulmonaire. Les symptômes sont en général un essoufflement à l’effort, inexpliqué - pas de maladie cardiaque, pas de maladie pulmonaire, pas de maladie hématologique, pas d’anémie, etc. En fait, le premier examen a effectué lorsqu’on évoque une hypertension pulmonaire est l’échocardiographie, qui donnera une probabilité forte ou intermédiaire d’hypertension pulmonaire. À ce stade, on va faire la scintigraphie pulmonaire de ventilation/perfusion qui donnera la suspicion clinique s’il y a des défauts de perfusion. Ensuite, il y a l’orientation vers un centre de référence qui va faire le cathétérisme, l’angiographie et le scanner thoracique.
Traitement
Une fois qu’on a défini l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique par une démarche diagnostique assez simple, il y a la phase thérapeutique. Celle-ci commence avec des médicaments standard comme les anticoagulants, qui sont indiqués à vie chez ces patients. Vient ensuite l’élément le plus important, le plus délicat, qui justifie de faire cette démarche dans un centre de référence où il y a des médecins, des chirurgiens et des radiologues rompus à cette approche diagnostique et thérapeutique : on évalue l’opérabilité, et ce chez tous les patients, qu’ils soient jeunes ou âgés, même très âgés. Cette opérabilité se fait par une équipe multidisciplinaire d’experts.
La première chose que l’on doit toujours avoir en tête quand on voit un patient souffrant d’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique c’est : est-il ou non un candidat à la chirurgie par thromboendarterectomie? C’est vraiment le traitement de choix chez les malades opérables et il faut vraiment savoir que l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique est une maladie curable par la chirurgie.
Si le malade n’est pas opérable, ou s’il y a une contrindication à la chirurgie alors que c’est accessible, il y a d’autres options possibles : le traitement médical, par des comprimés, approuvé pour cette maladie, mais à condition que les malades soient techniquement inopérables ou alors présentant un risque chirurgical inacceptable ou alors avec une hypertension pulmonaire persistante ou récidivante après un endarterectomie pulmonaire. Le médicament approuvé à l’échelle européenne est le riociguat, un stimulateur de la guanylate cyclase. Il y a d’autres médicaments qui peuvent être donnés hors indication classique, se sont les médicaments habituels de l’hypertension artérielle pulmonaire, mais prescrits dans ce cas-là en dehors des indications habituelles.
Une autre alternative au traitement médical chez certains patients est l’angioplastie pulmonaire par ballon. C’est une nouvelle modalité thérapeutique qui est pratiquée dans des centres hautement spécialisés.
Conclusion
Rappel des éléments principaux de prise en charge de ces patients :
Premièrement, anticoagulation à vie par des anti-vitamine K, avec un INR entre 2 et 3 (pas de nouveaux anticoagulants, car ils ne sont pas encore vraiment définis comme efficaces dans cette maladie)
Deuxièmement, évaluation de l’opérabilité dans un centre de référence. Si le malade est opérable avec un risque acceptable, il doit être opéré et c’est une chirurgie curable. S’il n’est pas opérable ou si le risque est inacceptable ou si l’hypertension pulmonaire persiste après une chirurgie, on pourra envisager un traitement médical par des comprimés. Chez certains malades qui ont des lésions endovasculaires accessibles, on considérera aussi l’angioplastie pulmonaire par ballon dans des centres hautement spécialisés.
Enfin, il ne faut pas oublier que chez certains patients qui restent résistants à toutes ces approches thérapeutiques, la transplantation pulmonaire chez les malades éligibles est tout à fait possible.
Le diagnostic et le traitement de cette forme d’hypertension pulmonaire sont essentiels à connaitre et on peut maintenant, grâce aux centres de compétence et de référence, apporter des solutions thérapeutiques à ces malades qui n’avaient avant aucune option satisfaisante. Je vous remercie.
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Citer cet article: Hypertension pulmonaire thromboembolique chronique : diagnostic et traitement - Medscape - 13 sept 2016.
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