SAVE : traiter l’apnée obstructive du sommeil ne réduit pas le risque cardiovasculaire

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

9 septembre 2016

Rome, Italie – Traiter l’apnée obstructive du sommeil (SAOS) par pression positive continue (PPC ou CPAP des anglo-saxons) est sans impact sur le risque cardiovasculaire chez des patients présentant une pathologie coronaire ou cérébrovasculaire et un SAOS. Les bénéfices sont à chercher du côté des critères secondaires et font état d’une amélioration des ronflements, de la fatigue diurne, de l’humeur et de la qualité de vie.

Les résultats ont été présentés par le Pr Doug McEvoy (Flinders University and Southern Adelaide Local Health Network, Australia), premier auteur lors du congrès de l’ European Society of Cardiology (ESC 2016) et publiés simultanément dans le NEJM [1] accompagnés d’un éditorial [2].

            

Pr Jean-Philippe Collet

            

Interrogé par Medscape édition française, le Pr Jean-Philippe Collet (Centre cardiologique, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris) a commenté : « l’étude SAVE m’a beaucoup intéressé car les spécialistes du sommeil nous disaient que ce n’était pas éthique de mener une étude randomisée chez des coronariens pour évaluer l’effet de la CPAP (PPC). Or, on voit que la plus grosse étude menée sur le sujet (SAVE), sponsorisée par les firmes qui vendent la CPAP, est négative. Cela montre bien qu’en médecine, on a des intuitions avec parfois des certitudes qui, au final, ne sont pas du tout validées par la science. Et l’étude SAVE le démontre de façon magistrale. D’ailleurs, l’assistance respiratoire a pris deux coups sur la tête, d’abord chez l’insuffisant cardiaque (avec l’étude SERVE-HF) et le coup de grâce aujourd’hui chez le coronarien (avec SAVE). La CPAP améliore la qualité de vie mais elle n’a pas d’impact sur la survie, ni sur les événements cardiaques ».

Tendance à une réduction des événements cérébrovasculaires

« L’apnée obstructive du sommeil affecte 40-60% des patients qui souffrent d’une pathologie CV. Le SAOS s’accompagne d’une élévation de la pression artérielle, d’une résistance à l’insuline, d’une dysfonction endothéliale et d’une mortalité et morbidité cardiovasculaire accrue, a expliqué le Pr Doug McEvoy (Flinders University and Southern Adelaide Local Health Network, Australia). Pour autant, les données issues d’essais contrôlés randomisés s’intéressant au bénéfice du traitement du SAOS sur le risque CV manquent ».

SAVE est une étude contrôlée, randomisée, ouverte, menée dans 89 centres situés dans 7 pays. Après une période de run-in d’une semaine pour s’assurer d’une observance minimale de 3h par nuit avec une PPC à dose subthérapeutique, 2717 patients âgés entre 45 et 75 ans à risque CV et souffrant de SAOS ont été assignés à recevoir soit une PPC et les soins habituels, soit les soins usuels seuls (ie traitement de la pathologie CV et conseils d’hygiène de vie et sur les habitudes de sommeil pour minimiser le SAOS).

 
Il est possible qu’une observance de 3,3 heures en moyenne de port du masque par nuit soit insuffisante pour montrer un hypothétique impact sur le risque CV-- Pr Doug McEvoy
 

Le SAOS modéré à sévère a été défini par un index de désaturation en oxygène de 12. Etaient exclus les patients souffrant d’une fatigue diurne sévère (Score d’Epworth >15), ou à risque d’accident en cas d’endormissement, ayant une hypoxie sévère ou une respiration de type Cheyne-Stokes.

Après un suivi médian de 3,7 années, aucune différence n’a été observée entre les deux groupes de patients sur le critère primaire composite (mortalité toute cause, infarctus ou AVC, hospitalisation pour insuffisance cardiaque, syndrome coronaire aigu ou AIT). Au final, 17,0% des patients du groupe PPC et 15,4% patients du groupe contrôle ont présenté un événement CV majeur. Et une tendance à une réduction des événements cérébrovasculaires – mais seulement dans le groupe des patients qui utilisaient la PPC plus de 4 heures par nuit a été observée. Et peut-être est-ce là une piste pour comprendre l’échec de la PPC, même si « la raison pour laquelle le traitement du SAOS n’améliore les risques CV n’est pas clair » affirme le Pr McEvoy.

 

Groupe PPC

(n = 1346)

Groupe soins usuels

(n = 1341)

Hazard ratio (IC95%)

Valeur du P

Critère primaire

229 (17,0)

207 (15,4)

1,10 (0,91 – 1, 32)

0,34

En effet, « il est possible qu’une observance de 3,3 heures en moyenne de port du masque par nuit soit insuffisante pour montrer un hypothétique impact sur le risque CV – même si cette durée était celle attendue, voire même un peu supérieure à celle prise en compte dans nos calculs » considère l’orateur.

 
Utilisée en début de nuit, elle pourrait être moins efficace que lorsqu’elle est utilisée plus tard dans la nuit, pendant la période de sommeil lent paradoxale -- Pr McEvoy
 

« Même si les résultats sont décevants, ils montrent néanmoins que le traitement du SAOS chez les patients avec une pathologie CV mérite d’être conduit parce qu’ils sont beaucoup moins fatigués, dépressifs et que leur qualité de vie et leur productivité sont améliorés ».

Bien sûr, la principale question que posent les Drs Babak Mokhlesi et Najib T Ayas dans leur éditorial est de savoir « si les résultats ont été négatifs parce que le SAOS n’a aucun effet secondaire significatif cardiovasculaire – et de fait, tout traitement quel qu’il soit sera inefficace pour réduire les événements cardiovasculaires – ou bien parce que le patient n’a pas utilisé son traitement pendant assez longtemps ».

Une autre possibilité est le timing de la PPC. « Utilisée en début de nuit, elle pourrait être moins efficace que lorsqu’elle est utilisée plus tard dans la nuit, pendant la période de sommeil lent paradoxale dite MOR (de mouvement oculaire rapide) » assure le Pr McEvoy. A moins que le SAOS ne soit un marqueur de risque CV plutôt qu’un facteur de risque, a aussi suggéré l’orateur.

 

L’étude a été financée par le National Health and Medical Research Council d’Australie et Philips Respironics. Le Pr McEvoy a rapport une aide matérielle d’Air Liquide. Les liens d’intérêt des auteurs sont à lire dans la publication.

 

REFERENCES :

  1. McEvoy RD, Antic NA, Heeley E et al. CPAP for prevention of cardiovascular events in obstructive sleep apnea. NEJM 2016 DOI: 10.1056/NEJMoa1606599

  2. Mokhlesi B, Ayas NT. Cardiovascular events in obstructive sleep apnea ­– Can CPAP therapy SAVE lives ? NEJM 2016 DOI: 10.1056/NEJMoa1609704

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