Lyon, France –Un rapport de l’Agence Internationale sur le Cancer (International Agency for Research on Cancer, IARC) est clair : le sur-diagnostic est indéniablement la cause de l’épidémie de cancers de la thyroïde dans les pays riches et représenterait 50 à 90% des cancers diagnostiqués [1]. L’article publié dans le New England Journal of Medicine s’appuie sur les registres de l’IARC dans 12 pays (Australie, Danemark, Angleterre, Finlande, France, Italie, Japon, Norvège, Corée du Sud, Ecosse, Suède et les Etats-Unis) entre 1987 et 2007.
90% de cas de sur-diagnostic en Corée du sud
Diverses études, dont l’une publiée il y a 3 ans dans le BMJ, le suggéraient déjà mais cette fois les chiffres sont là et ils sont frappants : plus de 470 000 femmes et 90 000 hommes ont été sur-diagnostiqués pour un cancer de la thyroïde – i.e. un cancer qui n’aurait engendré ni symptôme ni décès en l’absence d’intervention médicale – dans 12 pays à haut revenu. « La plupart de ces cancers sur-diagnostiqués ont conduit à des thyroïdectomies totales et autres traitements délétères (dissection ganglionnaire cervicale et radiothérapie), sans bénéfice prouvé en termes d’amélioration de la survie » constate le Dr Silvia Franceschi, un des auteurs de l’étude, dans un communiqué [2].
En cause pour expliquer ce surcroit de diagnostics inappropriés : une surveillance médicale accrue et l’introduction de nouvelles techniques diagnostiques, comme l’échographie cervicale (depuis les années 80), et plus récemment, le scanner et l’IRM, lesquels ont permis de détecter nombre de « tumeurs indolentes qui existent en abondance dans la glande thyroïde chez les personnes en bonne santé, quel que soit leur âge. La grande majorité est asymptomatique et non létale. »
« Des pays comme les Etats-Unis, l’Italie et la France ont été les plus sévèrement touchés par le sur-diagnostic du cancer de la thyroïde depuis les années 80, après l’arrivée de l’échographie, mais l’exemple le plus récent et le plus frappant est celui de la Corée du Sud, avec approximativement 90% des cas dus au sur-diagnostic », explique le Dr Salvatore Vaccarella, chercheur à l’IARC et premier auteur de l’étude [2]. Dans ce pays, depuis 1999, 13% des adultes ont participé volontairement à un dépistage du cancer de la thyroïde dans le cadre d’un dépistage organisé pour 5 types de cancers, et le plus haut taux de participation (26%) était chez les femmes de 50 à 59 ans. En quelques années, le cancer de la thyroïde est rapidement devenu le cancer le plus fréquemment diagnostiqué chez les femmes coréennes.
Les hommes aussi mais dans une moindre mesure
« En Australie, en Italie et aux Etats-Unis, où la fraction estimée de cas de surdiagnostic se situe entre 70 et 80%, l’incidence des cancers de la thyroïde a commencé à croître dans les années 80, soit au moment de l’arrivée des premiers échographes dans les hôpitaux gynécologiques et obstétriques, favorisant de fait les examens opportunistes chez les femmes en âge de procréer » écrivent les auteurs. Aux Etats-Unis, 228 000 cas de cancers dépistés entre 1988 et 2007 peuvent ainsi relever d’un sur-diagnostic. Sur la même période, ce nombre est de 65 000 en Italie, 46 000 en France et 36 000 au Japon. Par comparaison, on estime à 77 000 le nombre de sur-diagnostic sur la période de 1993 à 2007 uniquement. Le chiffre est moindre en Australie (10 000) bien que non négligeable, en Angleterre et en Ecosse (7000) et dans les pays nordiques (6 000) pour le Danemark, la Norvège et la Suède.
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Citer cet article: Stéphanie Lavaud. Cancer de la thyroïde : 500 000 patients sur-diagnostiqués… et traités - Medscape - 23 août 2016.
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