Données rassurantes sur le dabigatran dans la FA avec valvulopathie

Vincent Bargoin

Auteurs et déclarations

17 août 2016

Philadelphie, Etats-Unis – Donnée plutôt rassurante en provenance de l’étude RE-LY : le dabigatran (Pradaxa®, Boehringer Ingelheim) aurait la même efficacité chez les sujets en FA porteurs de certaines valvulopathies que chez les sujets non porteurs de valvulopathie.

Selon les auteurs du papier publié dans Circulation, « les cliniciens peuvent utiliser les doses approuvées de dabigatran en confiance chez les patients porteurs d’une valvulopathie, en excluant toutefois les patients porteurs d’une prothèse valvulaire et les patients porteurs d’une sténose mitrale hémodynamiquement significative ». [1]

Valvulopathies dans la zone grise

Vis-à-vis des anticoagulants oraux directs (AOD), les patients porteurs d’une valvulopathie se situent encore dans une sorte de zone grise. D’abord, les essais pivots des AOD ont en principe été menés chez des sujets atteints de FA non valvulaire. Ensuite, parce que l’indication elle-même est restreinte à ces patients. Enfin, parce que les résultats de l’étude RE-ALIGN , qui évaluait le dabigatran vs. AVK chez des sujets porteurs d’une valve mécanique, et qui avait été interrompue prématurément en 2012 du fait d’une augmentation des évènements thromboemboliques et hémorragiques, restent dans les esprits.

L’ANSM contre-indique les AOD en prévention des complications thrombo-emboliques des prothèses valvulaires cardiaques nécessitant un traitement anticoagulant (AVK).
Selon ce qu’indique le Pr Thierry Le Tourneau (Institut du Thorax, Inserm UMR1087, CHU, Nantes) dans une monographie consacrée au « Traitement anticoagulant des porteurs de prothèse valvulaire (et autres valvulopathies) » ce qui n’est pas interdit étant autorisé, les AOD peuvent être utilisés dans les cas suivants :

- Bioprothèse quelle que soit sa position > 3 mois postopératoire ;

- Plastie mitrale ou Plastie aortique > 3 mois ;

- Mitraclip® ou TAVI > 3 mois ;

- Insuffisance mitrale ou aortique native quel que soit leur degré de sévérité ;

- Sténose aortique native quelle que soit sa sévérité ;

- Valvulopathies droites natives.

« La condition la plus thrombogène devra bien entendu être prise en compte pour décider ou non de l’utilisation des AOD », ajoute le Pr Le Tourneau.

Les résultats publiés dans Circulation sont issus d’une analyse post-hoc de RE-LY. Même si l’étude était en principe restreinte à la FA non valvulaire, 22% des patients présentaient une valvulopathie. Les critères d’exclusion portaient en effet sur les patients porteurs d’une prothèse valvulaire ou d’une valvulopathie hémodynamiquement significative, atteints d’une endocardite infectieuse, ou présentant une indication d’anticoagulation autre que la FA.

Parmi les sujets inclus dans RE-LY et porteurs d’une valvulopathie, on compte 17% de régurgitations mitrales, 6,5% de régurgitations tricuspides, 4,5% de régurgitations aortiques, 3% de sténoses aortiques (3%), et 1% de sténoses mitrales modérées, supposées d’origine rhumatismale.

Par rapport aux quelques 18000 patients de RE-LY, les sujets porteurs d’une valvulopathie étaient plus âgés (74 vs. 72 ans) et plus fréquemment de sexe féminin (41% vs. 35%). Ils étaient par ailleurs plus fréquemment atteints d’insuffisance cardiaque, de maladie coronaire, d’insuffisance rénale, et de FA persistante.

Le bénéfice du dabigatran est retrouvé

En données ajustées, les taux d’AVC et d’évènements emboliques systémiques sont globalement équivalents en présence ou en l’absence de valvulopathie (1,61%/an vs. 1,41%/an ; p=0,43), de même que les taux d’hémorragies intracrâniennes (0,51%/an vs. 0,41%/an ; p=0,32) et de décès toutes causes (4,45%/an vs. 3,67%/an ; p=0,18).

On note cependant des saignements majeurs plus fréquents en cas de valvulopathie (4,36%/an vs. 2,84%/an ; p<0,001).

En ce qui concerne le bénéfice du dabigatran dans la FA, les résultats obtenus dans RE-LY sont retrouvés dans le groupe des patients porteurs d’une valvulopathie.

Ainsi, la réduction des AVC et embolisme systémique, sans augmentation des saignements, constatée chez les patients sous 2x150 mg/j de dabigatran, apparait indépendante de l’existence d’une valvulopathie. De même que, chez les patients traités par 2x110 mg/j, l’équivalence des évènements thromboemboliques et la réduction des saignements.

Les saignements intracrâniens et la mortalité, réduits sous dabigatran, restent également plus faibles en cas de valvulopathie.

Analyse post-hoc

Conclusion des auteurs : « la présence d’une valvulopathie n’influence pas la comparaison du dabigatran avec la warfarine ».

Les derniers résultats publiés sur le dabigatran sont issus d’une analyse post-hoc, qui en limite naturellement la portée. Mais il faut noter que des constats analogues avaient déjà été faits dans ROCKET-AF avec le rivaroxaban, et dans ARISTOTLE avec l’apixaban.

Hors le port d’une prothèse valvulaire mécanique, et le rétrécissement mitral, qui demeurent des indications d’une anticoagulation par AVK, il se confirme donc que les AOD ne sont pas contre-indiqués chez les patients en FA et présentant, par exemple, une régurgitation valvulaire.

 

L’étude RE-LY a été financée par Boehringer Ingelheim.
La dernière analyse post-hoc a bénéficié d’une bourse de Boehringer Ingelheim.
Parmi les auteurs, on compte trois employés de Boehringer Ingelheim.
Les liens d’intérêt des auteurs sont indiqués dans la publication.

 

REFERENCE:

  1. Ezekowitz MD, Nagarakanti R, Noack H, et al. Comparison of dabigatran versus warfarin in patients with atrial fibrillation and valvular heart disease: The RE-LY trial. Circulation 2016; DOI:10.1161/CIRCULATIONAHA.115.020950. Abstract.

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