L’alcool, directement en cause dans 7 cancers

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

5 août 2016

Dunedin, Nouvelle-Zélande Médecin et épidémiologiste, le Pr Jennie Connor (département de médecine sociale et préventive, Université d’Otago, Nouvelle-Zélande) tape du poing sur la table et pousse, ce qui ressemble fort, à un coup de gueule – l’article est d’ailleurs publié dans la rubrique « A débattre » de la revue Addiction [1].

« Oui, affirme-t-elle, on a aujourd’hui assez de preuves pour dire que l’alcool est directement en cause dans la survenue de 7 cancers : oropharynx, larynx, œsophage, foie, côlon, rectum et le cancer du sein féminin ». Elle dénonce, par ailleurs, un défaut d’information à destination du grand public et évoque des messages tronqués et brouillés - notamment de la part des médias. Les articles, selon elle, minimisent cette relation de cause à effet en utilisant des formules qui prêtent à confusion, et sont même carrément trompeurs quand ils émanent des industriels de l’alcool.

Dès publication de l’analyse, deux associations de prévention des risques liés à l’alcool, l’une anglaise, l’autre française, ont réagi pour relayer et appuyer la prise de position du Pr Connor [2,3].

Cancer et alcool : une accumulation de preuves

Chaque jour, de nouvelles études viennent s’ajouter à d’autres plus anciennes, et aujourd’hui, les preuves épidémiologiques sont suffisantes pour affirmer, et le Pr Connor le fait haut et fort, que la consommation d’alcool est directement en cause dans sept localisations cancéreuses oropharynx, larynx, œsophage, foie, côlon, rectum et le cancer du sein féminin. Cette conclusion émerge de 10 années de recherche, et inclut les analyses et les méta-analyses les plus récentes. La relation alcool-cancer est dose-réponse, linéaire ou exponentielle, et observable même en cas de consommation légère à modérée. Plusieurs points viennent appuyer la démonstration de la chercheuse :

On a aujourd’hui assez de preuves pour dire que l’alcool est directement en cause dans la survenue de 7 cancers – Pr Jennie Connor

D’abord, la force de la relation de cause à effet dépend de la localisation : forte pour les voies digestives supérieures (risque relatif entre 4 et 7 pour > 50 g d’alcool par jour par comparaison aux non buveurs), moins importante pour côlon, rectum, foie et cancer du sein (risque relatif entre 1,5 pour > 50 g d’alcool par jour).

Ensuite, le risque associé à l’alcool est réversible à l’arrêt de la consommation. Des analyses poolées suggèrent ainsi que le risque de cancer de l’œsophage, de la tête et du cou augmente pendant quelques années, avant de décliner et de revenir au niveau de celui de non buveurs depuis 20 ans. Pour le foie, une méta-analyse montre la possibilité de réversibilité avec une diminution du risque de carcinome hépatocellulaire de 6-7% par an et une équivalence avec les non-buveurs au bout de 23 ans.

Enfin, une consommation légère à modérée d’alcool suffit à impacter le risque. Une étude anglaise basée sur la cohorte United Kingdom’s Million Women a montré, sur 7 années de suivi, que les femmes qui buvaient entre 70 et 140 g d’alcool par semaine (soit 7 à 14 consommations) avaient une augmentation de 5% du risque de cancer (comparé à celles qui buvaient moins de 20 g hebdomadaire) et de 13% pour le seul cancer du sein.

Pour couronner le tout, si sept cancers ne font pas de doute, des données s’accumulent pour appuyer la contribution causale de l’alcool dans d’autres localisations, et notamment le pancréas, la prostate et le mélanome.

Du flou médiatique à la désinformation orchestrée

Si le Pr Connor a tenu à prendre position sur le lien entre alcool et cancer – qui n’est pas une totale nouveauté – et à y consacrer une analyse, c’est, dit-elle en introduction, parce que « la relation entre alcool est cancer est souvent minimisée, présentée comme un « lien », les médias préférant évoquer un cancer « attribuable à l’alcool » ou parler des effets de l’alcool sur le risque de cancer, ce qui implique une relation causale mais peut être facilement interprêté comme quelque chose de plus labile. Parmi les professionnels de santé, les journalistes et le grand public, il y a deux aspects en particulier qui peuvent être source de confusion : ce qui signifie être « cause de », et la «qualité de la preuve », explique-t-elle.

« Par exemple, le fait que l’on ne connaisse pas les mécanismes biologiques exacts par lesquels l’alcool cause le cancer peut être vu comme une objection au fait que cela en soit réellement une. Le fait que ces cancers aient d’autres origines vient aussi concurrencer le rôle de l’alcool. De plus, l’analogie avec le rôle tabac dans le cancer du poumon n’est pas suffisamment proche. Le rôle causal de l’alcool est souvent vu comme plus complexe que celui du tabac, et la solution qui découlerait de l’analogie avec le tabac – à savoir réduire, voire arrêter de consommer de l’alcool – est largement considérée comme inacceptable ».

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