POINT DE VUE

Pourquoi dépister le syndrome d’apnée du sommeil chez le diabétique de type 1

Dr Laurent Meyer

Auteurs et déclarations

20 juillet 2016

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Le Dr Laurent Meyer détaille les résultats d’une étude strasbourgeoise qui confirme la surreprésentation du syndrome d’apnée obstructif du sommeil chez les patients avec un diabète de type 1 et l’importance du dépistage dans cette population.

Enregistré le 13 juin 2016, à la Nouvelle-Orléans, LA, É.-U.

TRANSCRIPTION

Bonjour, je suis le docteur Laurent Meyer, endocrinologue/diabétologue à Strasbourg. Je suis en direct du 76e congrès de l' American Diabetes Association , à la Nouvelle-Orléans. Je vous présente les résultats d’une étude réalisée à Strasbourg concernant le syndrome d’apnée obstructif du sommeil (SAOS) chez les patients diabétiques de type 1. [1]

Comme vous le savez, le SAOS est une pathologie fréquente au cours du diabète de type 2, avec une prévalence qui varie, selon les séries et la population étudiée, entre 40 et 70%. Ce qui est moins connu, c’est la surreprésentation de ce SAOS au cours du diabète de type 1. Actuellement, peu d’équipes, en général des équipes européennes, ont étudié la présence de ce SAOS au cours du diabète de type 1. Mais les différents travaux réalisés jusqu'à présent ont toujours retrouvé une surreprésentation de ce SAOS avec une prévalence aux alentours de 40%. Cette prévalence variait également en fonction de la population étudiée, et notamment de l’indice de masse corporelle de ces patients diabétiques de type 1, mais aussi de la méthode de screening selon l’utilisation d’une polygraphie ventilatoire ou une polysomnographie.    

Jusqu'à présent, cette surreprésentation du SAOS n’était guère expliquée d’un point de vue physiopathologique. Notre travail à Strasbourg a consisté à réaliser un dépistage du SAOS chez 140 patients diabétiques de type 1. Il s’agissait de patients traités de façon quotidienne par multi-injection ou pompe, dont l’équilibre glycémique était relativement correct; des patients non-sélectionnés, qui ont été inclus sur une période de deux années. Le dépistage de ce SAOS a pu être réalisé d’abord grâce à un questionnaire d’Epworth, mais également grâce à l’utilisation d’une polygraphie ventilatoire pour à peu près la moitié de la population étudiée, et d’une polysomnographie pour l’autre moitié.

Dans notre population, nous avons pu mettre en évidence la présence d’un SAOS chez environ 35% des sujets, ce qui est bien sûr considérable comparativement à la population générale où l’on trouve une prévalence du SAOS qui va de 5 à 10% selon la méthode de screening utilisée. Parmi ces 35% de sujets présentant un SAOS, environ 11% présentaient une forme sévère avec un index d’apnée-hypopnée supérieur à 30/heure. Il faut noter que dans notre population, le score de questionnaire d’Epworth n’était pas différent entre les patients diabétiques de type 1 avec SAOS et ceux sans SAOS.  

Lorsque nous nous sommes attachés à voir les conséquences de ce SAOS, nous avons pu constater que la présence de ce syndrome n’entraînait pas de différence dans la variabilité glycémique de ces patients, comme nous avons pu l’objectiver avec différents indexes de variabilité glycémique utilisés grâce à la mesure en continu du glucose. Ces patients qui présentaient un SAOS n’étaient pas non plus différents en termes d’hémoglobine A1c. Cependant, ceux qui avaient un SAOS avaient également un âge un peu plus avancé, une durée du diabète un peu plus longue et surtout avaient des complications dégénératives de façon beaucoup plus marquée.  

D’un point de vue physiopathologique, pour essayer d’expliquer l’origine de ce SAOS, nous avons étudié la présence éventuelle d’une neuropathie autonome périphérique en utilisant un examen SUDOSCAN qui permet d’évaluer la conductance au niveau de la paume des mains et de la plante des pieds des sujets. On teste ainsi la réactivité des glandes sudoripares à un faible courant électrique, ce qui permet de déterminer la présence ou non d’une dysfonction de ces glandes sudoripares, ce qui est un reflet assez fidèle de la présence d’une neuropathie autonome périphérique. Cette dernière, couplée à l’âge du patient et à son indice de masse corporelle, permet de façon indirecte d’évaluer le risque de neuropathie autonome centrale ou de neuropathie autonome cardiaque. Nous avons donc testé l’hypothèse que chez les patients diabétiques de type 1 avec SAOS, il existait peut-être des anomalies du système nerveux central autonome ou du système autonome périphérique. Les résultats que nous avons pu obtenir ont permis de montrer une corrélation assez importante entre le score de neuropathie autonome centrale - le score de neuropathie autonome cardiaque - et l’index d’apnée-hypopnée, qui est le reflet de la présence d’un SAOS. Cette association entre neuropathie autonome cardiaque et SAOS était retrouvée après ajustement sur tous les autres facteurs pouvant avoir un rôle sur la présence de ce syndrome.

Donc, en conclusion, notre étude semble donc confirmer/montrer:

  • qu’il existe une surreprésentation du SAOS dans la population de patients diabétiques de type 1,

  • que cette surreprésentation ne s’explique pas forcément par des critères simples -- le score d’Epworth (le questionnaire d’endormissement) n’étant pas discriminant dans cette population,

  • qu’il est important de screener, de dépister ce SAOS, par exemple par une polygraphie ventilatoire; c’est probablement l’examen le plus adapté dans cette situation chez les sujets qui présentent une durée de l’évolution de la maladie longue et qui ont des complications dégénératives micro-ou macrovasculaires.

La question de savoir s’il y a un intérêt clinique à traiter ce SAOS chez les patients diabétiques de type 1 est donc posée; nos résultats ouvrent une brèche. Ils est important de poursuivre ce travail et qu’il soit étendu à d’autres équipes de manière à pouvoir un jour considérer le dépistage du SAOS comme devant faire partie du bilan des complications dégénératives d’un patient diabétique de type 1 lorsqu’il existe une durée d’évolution du diabète longue (au-delà de 20 ans, par exemple) et surtout s’il existe d’autres complications dégénératives.

Complicationsmacro-  et microvasculaires chez les diabétiques de type 1 avec ou sans SOAS [2]

 

Total
n=90

Avec SAOS+
n=39 (43%)

Sans SAOS
n=51 (57%)

p

Syndrome coronaire aigu

17 (19%)

13 (33%)

4 (7,8%)

0,02

Hypertension

57 (63%)

33 (84,6%)

24 (47%)

<0,05

Rétinopathie

55 (61,1%)

37 (94,8%)

18 (35,2%)

<0,05

Neuropathie périphérique

34 (37,7%)

21 (53,8%)

13 (25,4%)

<0,05

 

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