Fièvre chez l’enfant, une maladie des parents thermophobiques
Comme l’explique le Dr François Angoulvant (Paris), « 30% des consultations aux urgences sont motivées par une fièvre soit 5 millions de passages en 2012. Ces enfants sont âgés en moyenne de 3 ans et nombre d’entre eux ont été amenés aux urgences par des parents peu ou mal informés qui ont peur de cette fièvre. Le terme de thermophobie, qui désigne cette peur des parents, a même été inventé en 1980 [1]. La fièvre est un grand paradoxe des urgences pédiatriques, à trop vouloir la traiter, certains agissent de façon nocive pour leur enfant.
Beaucoup de parents ont des idées fausses sur la fièvre : ils ne savent pas la définir avec précision, ils connaissent mal les limites d’une élévation de température, ils pensent que la fièvre est à l’origine de lésions cérébrales, de convulsions, de décès, de coma [3,4,5]…Les convulsions, qui sont mises au premier plan par les parents, surviennent chez des enfants dotés de prédispositions génétiques quel que soit le niveau de la fièvre et malgré un traitement antipyrétique.
La fièvre est un allié dans la lutte contre l’infection, elle retarde la croissance des bactéries et des virus, elle augmente la production de polynucléaires neutrophiles et de lymphocytes T [2]».
Eduquer les parents sur la fièvre et les traitements antipyrétiques
Pour le Dr Angoulvant, « depuis la généralisation de la vaccination contre le pneumocoque, la plupart des parents consultent aux urgences pour des pathologies virales bénignes. En 2000 en France, 52 % des parents avaient déjà amené leurs enfants aux urgences pour de la fièvre. La moitié d’entre eux avait bénéficié au moins une fois d’un bilan sanguin, 60 % avaient reçu un antibiotique oral, et 20 % un antibiotique intraveineux.
Les deux diagnostics les plus fréquents étaient l’otite moyenne aiguë 38% et une infection virale 18%. Et plus les parents étaient inquiets plus un traitement était délivré [6] ».
Alors que proposer ? Avant tout d’éduquer les parents sur la fièvre et les traitements antipyrétiques. « Le traitement médicamenteux de la fièvre diminue en moyenne de 4 h le processus de guérison de pathologies infectieuses par rapport au placebo ».
En 2012, en France, les parents utilisaient une monothérapie dans 30 % des cas, les autres parents avaient recours à des associations (paracétamol AINS ou paracétamol aspirine).
Les recommandations de l’Afssaps (ex-ANSM) [7] publiées en 2005 doivent être appliquées : elles définissent la fièvre comme une température centrale supérieure à 38 °C et propose un traitement symptomatique. L’apyrexie ne constitue pas un objectif en soi, mais si la fièvre s’accompagne d’un inconfort important, son soulagement est justifié.
L’efficacité des méthodes physique est modérée : proposer à boire souvent, ne pas trop couvrir l’enfant, aérer la pièce et ne pas trop la surchauffer (18 °C), les bains sont inutiles et les linges mouillés ne sont plus recommandés.
Les antipyrétiques qui agissent sur la thermorégulation centrale, sont au nombre de 4 : paracétamol, ibuprofène et kétoprofène, aspirine (voir modalités de prescription actualisées dans l'encadré ci-dessous).
Les parents doivent être informés des signes devant conduire à une consultation : troubles de la conscience, du comportement, mauvaise tolérance, éruption purpura, intolérance digestive ou persistance de la fièvre plus de 3 à 5 jours ».
Prise en charge de la fièvre chez l’enfant : messages-clés sur le choix et la prescription des antipyrétiques
La Haute Autorité de Santé (HAS) a émis en octobre 2016 des recommandations relatives à la prise en charge de la fièvre de l’enfant. Il est conseillé de :
• de prescrire en monothérapie pendant les 24 premières heures un antipyrétique : le paracétamol, ou en cas de contre-indication à ce dernier, un AINS : l’ibuprofène chez l’enfant de plus de 3 mois et le kétoprofène chez l’enfant de plus de 6 mois. Les AINS ne doivent pas être utilisés en cas de varicelle, et avec prudence en cas d’infection bactérienne. A ce propos, le potentiel rôle aggravant des AINS en cas d’infection vient d’être rappelé (en avril 2019) par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM).
Il est notamment rappelé les règles de prescription des antipyrétiques suivantes :
• choisir le médicament de première intention en fonction des contre-indications, mises en garde et précautions d’emploi ;
• utiliser une seule molécule en monothérapie pendant les 24 premières heures.
REFERENCES :
Schmitt BD. Fever phobia: misconceptions of parents about fevers.Am J Dis Child. 1980 Feb;134(2):176-81
Auvin S, Vallée L. [Febrile seizures: current understanding of pathophysiological mechanisms].Arch Pediatr. 2009 May;16(5):450-6. doi: 10.1016/j.arcped.2009.02.001. Epub 2009 Mar 21. Review. French
Roberts N. Impact of temperature elevation on immunologic defenses.Rev Infect Dis. 1991 May-Jun;13(3):462-72. Review
Pursell E, While A. Does the use of antipyretics in children who have acute infections prolong febrile illness? A systematic review and meta-analysis. J Pediatr. 2013 Sep;163(3):822-7.e1-2. doi: 10.1016/j.jpeds.2013.03.069. Epub 2013 May 8. Review
Crocetti M, Moghbeli N, Serwint J.Fever phobia revisited: have parental misconceptions about fever changed in 20 years?Pediatrics. 2001 Jun;107(6):1241-6
Stagnara J, Vermont J, Durr F et coll. [Parents' attitudes towards childhood fever. A cross-sectional survey in the Lyon metropolitan area (202 cases)]. Presse Med. 2005 Sep 24;34(16 Pt 1):1129-36. French
Sellier-Joliot C, Di Patrizio P, Minary L et coll. [AFSSAPS 2005 recommendations have not modified the way parents take care of children's fever]. Arch Pediatr. 2015 Apr;22(4):352-9. doi: 10.1016/j.arcped.2014.12.015. Epub 2015 Feb 26
Citer cet article: Dr Isabelle Catala. 5 situations en médecine d’urgence où le mieux est l’ennemi du bien - Medscape - 30 juin 2016.
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