Les dangers d’un contrôle trop strict de la glycémie
Pour le Dr Frédéric Lapostolle (Bobigny), « les hypoglycémies sont le prix à payer du strict contrôle du diabète insulino-requérant : on estime que l’incidence des hypoglycémies mineures est majorée de 44 % en cas de contrôle strict et celle des hypoglycémies majeures de 2 %. Or,l’hypoglycémie est associée à une majoration de la mortalité liée aux complications macro et microvasculaires, de la mortalité par maladie cardiovasculaire et de la mortalité toutes causes confondues [2].
En 2016, deux attitudes médicales s’opposent : celle qui incite au strict contrôle et celle qui est plus tolérante sur les chiffres de glycémie ».
Diabète chronique
Chez les patients qui sont traités au long cours pour un diabète par de l’insuline, les objectifs trop stricts de glycémie ont des conséquences en termes médico-économique. Ainsi, aux Etats Unis le coût d’une hypoglycémie est évalué à 472 USD avec un coût social surajouté de 15 à 95 USD (soit une demi-journée de travail). Ces chiffres varient de 200 à 700 USD par type de diabète selon les pays [1].
En outre, les patients affirment que l’hypoglycémie abaisse la qualité de vie en introduisant une notion de peur de l’événement grave.
Aujourd’hui, on connaît mieux les facteurs prédictifs significatifs du risque d’hypoglycémie : antécédent d’hypoglycémie sévère, traumatisme lié à une hypoglycémie, convulsions, durée du traitement par insuline…
Dans ces conditions, faut-il toujours prôner le contrôle strict? Non car on sait aussi qu’il n’a pas été prouvé que cette stratégie peut réduire les complications rénales, ophtalmologiques ou nerveuses. [2]
Diabète aigu
Pour le Dr Lapostolle, « la découverte d’un diabète au service d’urgence à l’occasion d’un passage pour une pathologie autre est une situation fréquente. Quelle attitude proposer dans ce contexte ? L’hyperglycémie agit à court terme sur la fonction plaquettaire et le débit coronaire et à long terme sur les nerfs, les reins, le foie, les cellules immunitaires et le système nerveux central. Elle est donc particulièrement crainte. Mais le stress hypoglycémique pourrait aussi avoir un bénéfice physiologique [3]. Les études NICE SUGAR [4] ont montré qu’en soins intensifs, le contrôle intensif fait un peu mieux que le contrôle conventionnel en terme de probabilité de survie, mais depuis 2016, certains soulèvent l’idée que dans ces études, les patients étaient nourris et que l’insuline pouvait n’être utile qu’à faire entrer le glucose dans les cellules [5]. Alors quelle attitude choisir ? C’est un choix de clinicien ».
REFERENCES :
Hammer M, Lammert M, Meijas S et coll.Costs of managing severe hypoglycaemia in three European countries.J Med Econ. 2009;12(4):281-90. doi: 10.3111/13696990903336597
Zougas S, Petel A, Chalmers J et coll. Severe hypoglycemia and risks of vascular events and death. N Engl J Med. 2010 Oct 7;363(15):1410-8. doi: 10.1056/NEJMoa1003795
Fatemi O, Yuriditsky E, Tsicufis C et coll. Impact of intensive glycemic control on the incidence of atrial fibrillation and associated cardiovascular outcomes in patients with type 2 diabetes mellitus (from the Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes Study). Am J Cardiol. 2014 Oct 15;114(8):1217-22. doi: 10.1016/j.amjcard.2014.07.045. Epub 2014 Jul 30
Gunst J, Van den Berghe G. Blood glucose control in the ICU: don't throw out the baby with the bathwater! Intensive Care Med. 2016 May 9. ger T, Cushman W, Goff D, Soliman EZ, Thomas A, Papademetriou V.
NICE-SUGAR Study Investigators, Finfer S, Chittok D et coll. Intensive versus conventional glucose control in critically ill patients.N Engl J Med. 2009 Mar 26;360(13):1283-97. doi: 10.1056/NEJMoa0810625. Epub 2009 Mar 24
Marik P. Tight glycemic control in acutely ill patients: low evidence of benefit, high evidence of harm! Intensive Care Med. 2016 May 9
Citer cet article: Dr Isabelle Catala. 5 situations en médecine d’urgence où le mieux est l’ennemi du bien - Medscape - 30 juin 2016.
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