5 situations en médecine d’urgence où le mieux est l’ennemi du bien

Dr Isabelle Catala

Auteurs et déclarations

30 juin 2016

Dans cet article

Paris, France — A l’occasion du congrès Urgences 2016, les urgentistes de s’interroger sur leurs pratiques et sur l’adéquation de celles-ci avec les recommandations. Bref : en médecine d’urgence, le mieux est-il l’ennemi du bien ? Vouloir trop bien faire peut-il être dangereux ?

Pour illustrer cette thématique, 5 sujets ont été retenus : le seuil transfusionnel, le contrôle de la pression artérielle pour les AVC, l’anticoagulation préventive, le contrôle de la glycémie et le traitement de la fièvre de l’enfant.

Transfuser un patient et non des chiffres et, si possible, pas aux urgences

« En matière de transfusion aux urgences, deux stratégies s’opposent : une tendance restrictive fondée sur l’analyse de la tolérance clinique de l’anémie (recherche de signes d’insuffisance coronaire, d’insuffisance cardiaque, hypotension ou dyspnée) et une option plus libérale avec un choix laissé à l’urgentiste. Il faut bien reconnaître que nous disposons désormais de preuves de la supériorité de la première option sur la seconde en terme de mortalité à long terme [1] [2]», analyse le Dr Aurélie Avondo (Dijon, France).

Pour décider ou non de transfusion aux urgences, l’analyse clinique doit aussi prendre en compte l’origine du saignement, sa cinétique, les comorbidités sous-jacentes, les risques individuels (de transfusion mais aussi d’abstention).

En France, la Haute Autorité de Santé (HAS) a publié en 2002 des recommandations : transfusion systématique si l’hémoglobine est inférieur à 7 g/L ou à 8 g/L en cas d’insuffisance coronarienne ou de cardiopathie chronique. Mais ces recommandations ne précisent pas quel est le degré d’urgence à transfuser : dès le couloir des urgences ou dès que les bonnes conditions d’administration sont possibles ?

A trop vouloir bien faire en transfusant avec excès les patients aux urgences, on leur fait courir un risque de complications aiguës sans aucune preuve d’un gain de morbimortalité à long terme -- Dr Aurélie Avondo

Pour le Dr Avondo, « transfuser n’est pas un geste simple aux urgences, le patient ne peut pas toujours être surveillé comme il le faudrait, le personnel infirmier et médical ne peut souvent pas lui consacrer le temps nécessaire, et le geste est quasiment toujours relaissé sans véritable recherche étiologique ».

« A l’admission à l’hôpital, les seuils doivent être adaptés en prenant en compte l’état clinique, car il n’y a pas d’urgence à mettre en place un geste lourd de transfusion sauf en cas de risque cardio-vasculaire (seuil 8g/L), chez les patients traumatisés et en cas d’hémorragie digestives (seuil strict à 7g/L) [3]. Enfin, chez les plus de 80 ans, les transfusions doivent être réalisées lentement pendant les 15 premières minutes en utilisant un seul culot globulaire à la fois et sans prescription systématique de diurétiques », conclut le Dr Avondo. « A trop vouloir bien faire en transfusant avec excès les patients aux urgences, on leur fait courir un risque de complications aiguës sans aucune preuve d’un gain de morbimortalité à long terme ».

REFERENCES :

  1. Hebert P, Wells G, Blaichman M et coll. A multicenter, randomized, controlled clinical trial of transfusion requirements in critical care. Transfusion Requirements in Critical Care Investigators, Canadian Critical Care Trials Group. N Engl J Med. 1999 Feb 11;340(6):409-17

  2. Carson J, Terrin M, Noveck et col. Liberal or restrictive transfusion in high-risk patients after hip surgery. N Engl J Med. 2011 Dec 29;365(26):2453-62. doi: 10.1056/NEJMoa1012452. Epub 2011 Dec 14

  3. Villanueva C, Colomo A, Bosch A et coll. Transfusion strategies for acute upper gastrointestinal bleeding. N Engl J Med. 2013 Jan 3;368(1):11-21. doi: 10.1056/NEJMoa1211801

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