Persistance de l’effet analgésique
La deuxième étude, qui a regardé l’effet d’un ensemble de sessions, est en cours, mais le Dr Jones a dès à présent révélé les données chez 7 patients présentant des douleurs chroniques neuropathiques ayant bénéficié de 3 sessions de 20 minutes.
Dans cette étude, les scores d’évaluation de la douleur ont diminué de 57% entre l’avant et l’après session et de 75% entre l’avant et le pendant (p<0,001 dans les 2 cas).
Aucun des patients n’a rapporté de vertiges, de maux de tête et de nausées. La précision a de l’importance car cette « thérapeutique » n’est pas sans effets secondaires. Désignés sous le terme de « cyber–sickness », ces symptômes désagréables peuvent concerner près de la moitié des patients à degrés divers, allant même parfois jusqu’à l’arrêt de l’étude pour un patient donné ou à l’obligation de rester allonger pendant un certain temps pour « récupérer ».
L’autre point intéressant tient au fait que la plupart des patients ont rapporté une persistance de l’effet analgésique de l’expérience de réalité virtuelle après la fin de session, avec des effets variant de 2 à 48 heures. « C’est un des résultats les plus excitants que nous ayons obtenu » a déclaré le Dr Jones à nos confrères de Medscape.com. Mais aussi celui qui laisse les chercheurs travaillant dans ce domaine, les plus dubitatifs. Ainsi Bernie Garrett, professeur associé (University of British Columbia School of Nursing, Vancouver), s’étonne : « bien que nous ayons vu un impact de la réalité virtuelle sur la douleur chronique, nous n’avons en revanche pas montré la persistance de l’effet ». « Comme il s’agit encore d’études-pilotes, que la recherche très précoce et leur nombre réduit, il est trop tôt pour affirmer quoi que ce soit » a-t-il ajouté auprès de Medscape.com. Dans une revue de 17 études, impliquant 337 patients sur des expériences de VR dans la douleur chronique, B. Garrett et al ont d’ailleurs montré « des preuves solides d’un effet analgésique immédiat et à court terme, Et peu de preuves sur des effets à long terme » [3].
Comme pour les thérapeutiques médicamenteuses, tous les patients ne réagissent de la même façon à la VR. « Environ 10% des sujets n’ont rapporté aucune aide de la VR, alors que 30% ont déclaré avoir ressenti un soulagement total de leur douleur pendant l’expérience de réalité virtuelle » a déclaré Ted Jones. C’est pourquoi des études sont en cours pour déterminer qui sont les bons répondeurs, quels sont les signes prédictifs d’une meilleure implication. « Mon impression initiale est que l’effet analgésique est plus prononcé chez les patients qui entrent le plus dans le jeu. Au-delà du sexe, de l’âge, de la dépression, c’est la capacité à se laisser happer par le jeu qui détermine le degré d’analgésie » constate le chercheur.
Prescrire de la réalité virtuelle
Si en raison des coûts de la technologie de VR, son utilisation a jusqu’à présent été restreinte à l’hôpital, l’arrivée de produits technologiques plus abordables ouvre la porte à un usage plus large et la technique devrait peu à peu se démocratiser : « bientôt, les programmes de réalité virtuelle seront accessibles depuis un smartphone, sur les consoles de jeux et sur le Net » a pronostiqué Howard Rose lors d’une présentation TEDMED [4]. Le cofondateur de DeepStream VR va même plus loin : « plutôt que prescrire de opioïdes pour masquer la douleur, pourquoi les médecins n’en viendraient pas à prescrire de la réalité virtuelle pour augmenter la résilience, apporter du soulagement et changer les habitudes en termes de santé ». Ce ne serait pas la première fois que le jeu devient innovation santé, on se souvient ainsi de ce jeu vidéo qui a demandé une AMM dans le trouble de déficit de l'attention avec hyperactivité (TDAH) . D’autres expérimentations de ce type sont en cours aux Etats-Unis, au Canada et en Belgique.
Ted Jones, ses co-auteurs et le Dr Garrett ont rapporté n’avoir aucun lien d’intérêt. |
REFERENCES :
Li A, Montaño Z,Chen VJ, Gold JI. Virtual reality and pain management: current trends and future directions. Pain Manag 2011 Mar;1(2):147-157.
American Pain Society (APS) 35th Annual Scientific Meeting. Abstract #512. Présenté le 13 mai 2016.
Garrett, B, Taverner T; Masinde W et al. A Rapid Evidence Assessment of Immersive Virtual Reality as an Adjunct Therapy in Acute Pain Management in Clinical Practice. Clinical Journal of Pain 2014, Vol 30,12, p1089–98 doi: 10.1097/AJP.0000000000000064
TEDMED talk by Howard Rose from DeepStream VR from September 2014.
Citer cet article: Stéphanie Lavaud. Prescrire des jeux en 3D contre la douleur chronique - Medscape - 22 juin 2016.
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