Austin, Texas (E-U) – Depuis quelques années, les recherches se multiplient pour démontrer que la réalité virtuelle (ou virtual reality, VR), rendue possible par des jeux de simulation et le développement de casque (type Oculus Rift), pourrait diminuer la sensation douloureuse.
Après un certain nombre d’expériences réalisées avec succès mais sur de petits nombre de patients souffrant de douleurs aiguës (notamment de brûlures), de douleurs fantômes, de phobies, de stress post-traumatique et d’anxiété [1], les chercheurs s’attachent désormais à démontrer son utilité dans les douleurs chroniques. Une étude présentée au 35ème congrès annuel de l’American Pain Society (APS) a testé un programme de réalité virtuelle chez une trentaine de patients douloureux chroniques et montré un soulagement (allant jusqu’à une disparition totale de la douleur pendant le jeu) chez un certain nombre d’entre eux avec, plus étonnant, un effet rémanent jusqu’à 48 heures ! [2] De plus amples recherches sont nécessaires mais l’option VR a de l’avenir.
La réalité virtuelle peut se définir comme « l’ensemble des techniques et systèmes informatiques qui procurent à l’homme le sentiment de pénétrer dans des univers synthétiques créant artificellement une expérience sensorielle ». Pour les moins familiers avec cette notion, on peut expliquer que les utilisateurs dotés d’un équipement perfectionné incluant casque, écouteurs, manette ou joystick, sont propulsés dans un environnement virtuel. L’immersion est renforcée par des systèmes de suivi et d’analyse des mouvements, notamment de la tête et des stimuli multimodaux (visuels, auditifs, tactiles et olfactifs). Résultat : l’expérience de VR est très distincte – car beaucoup plus intense – de celle du visionnage d’un film ou du jeu sur console. |
Jouer pour ne pas souffrir
La recherche de moyens antalgiques reste un sujet d’actualité – aux Etats-Unis peut-être encore plus, où la consommation de médicaments à base d’opioïdes atteint des sommets et est à l’origine de nombreux décès. D’où l’idée d’explorer de nouvelles pistes, non médicamenteuses. Du fait de son excellent pouvoir de distraction, les recherches sur la technologie 3D immersive se multiplient depuis une dizaine d’années. Et au-delà de son côté ludique, la VR est aujourd’hui étudiée pour son potentiel rôle thérapeutique.
Les nouveaux travaux de Ted Jones, chercheur au Behavioral Medicine Institute at Pain Consultants of East Tennessee, de Knoxville en témoignent. Lui et son équipe ont travaillé avec DeepStreamVR, les créateurs du programme de VR Cool ! (voir encadré) pour tester son efficacité sur les patients souffrant de douleurs chroniques.
Ils ont mené deux études, la première impliquait 30 patients avec une variété de douleurs chroniques (d’origine non cancéreuse) recevant un seul traitement, par session de 5 minutes. Les participants avaient 50 ans en moyenne et comprenaient 10 hommes et 20 femmes.
Dans cette étude, 9 patients ont rapporté un soulagement de la douleur de 100% tandis que 3 d’entre eux ont dit n’en ressentir aucun. Par ailleurs, les scores de la douleur ont décru de 33% en moyenne entre l’avant et l’après session (p<0,001) et de 60% entre l’avant session et le pendant (p<0,001).
Des programmes de réalité virtuelle dans le domaine de la santé
L’entreprise américaine DeepStream VR, créée par Ari Hollander et Howard Rose, s’est spécialisée depuis une vingtaine d’années dans la mise au point de programmes de réalité virtuelle pour le marché de la santé. Leurs applications visent la prise en charge de victimes de brûlures, de blessures, et d’autres soins potentiellement douloureux et nécessitant une hospitalisation. A leur actif, deux programmes de VR, SnowWorld et Cool ! Alors que « SnowWorld » est dédié aux douleurs aiguës, Cool !, qui utilise Oculus Rift DK2 et fait évoluer le patient dans une atmosphère froide, a été spécialement mis au point pour soulager les douleurs chroniques.

L'univers du programme Cool !
Ce dernier logiciel utilise quelques astuces comme l’utilisation de tunnels et de passages pour mieux impliquer l’observateur dans l'univers virtuel et capter son attention. Les programmateurs de DeepStream VR ont même poussé le luxe jusqu’à placer des capteurs sensoriels (rythme cardiaque, conductivité cutanée) sur le patients. Et ce, afin de moduler l’expérience de VR en fonction des informations reçues pour en maximiser les effets, à savoir le soulagement requis.
Citer cet article: Stéphanie Lavaud. Prescrire des jeux en 3D contre la douleur chronique - Medscape - 22 juin 2016.
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