Chicago, Etats-Unis -- Plusieurs résultats sur l’efficacité, la sécurité et la qualité de vie associées à une thérapie par anti-aromatase (AA) à long terme chez les femmes ménopausées en rémission d’un cancer du sein HR+ ont été présentés en session plénière lors du congrès annuel de l’ASCO 2016 [1,2].
Les données, toutes issues de l’essai randomisé MA.17 R, doivent, cependant être interprétées avec précaution, selon le Dr Anne Lesur (Médecin Coordonnateur du PARCOURS SEIN, Institut de cancérologie de Lorraine Alexis Vautrin, Nancy).
Un peu moins de rechutes mais pas de différence en survie globale
L’essai randomisé de phase IIII, MA.17R, financé notamment par les laboratoires Novartis et Janssen, a été présenté en séance plénière à l’ASCO 2016 et publié dans le New England Journal of Medicine [1,2]. Il a enrôlé 1918 femmes ménopausées atteintes de cancer du sein HR+ en rémission. Les participantes ont reçu 5 ans de thérapie par l’anti-aromatase létrozole (Femara®) alors qu’elles avaient déjà reçu 5 ans de traitement par une anti-aromatase (précédés ou non d’une thérapie par tamoxifène).
Premier constat : ces 5 ans de létrozole supplémentaires n’ont pas été associés à une amélioration de la survie globale : 93 % dans le groupe placebo vs 94% dans le groupe létrozole (NS).
Une donnée non surprenante a expliqué l’auteur principal de l’étude, le Pr Paul Goss (Massachusetts General Hospital, Harvard Medical School, Boston, Etats-Unis) lors de la conférence de presse de présentation des résultats [1]. Le caractère très lent des récidives dans les cancers du sein HR+ ne permettrait pas d’observer de différence significative à ce jour.
Toutefois, il ressort de l’essai que 5 ans de létrozole en plus sont associés de façon significative à une diminution du risque de récidive de 34 % par rapport aux femmes ayant reçu un placebo (p=0,01).
Ce résultat peut cependant être relativisé au vu de la différence en valeur absolue. Après 5 ans de suivi, 95% des femmes recevant du létrozole et 91 % de celles recevant un placebo n’avaient pas de cancer du sein, soit une différence de 4%.
Outre, la réduction de récidive du cancer primitif, les chercheurs ont également montré que l’incidence annuelle des cancers du sein controlatéraux était diminuée de 58 % : 0,21 % dans le groupe létrozole vs 0,49% dans le groupe placebo.
Pas de nouvelles toxicités mais un impact osseux non négligeable
Lors de sa présentation le Pr Goss, a indiqué qu’aucun nouveau type de toxicité n’avait été mis à jour. Il a cependant rappelé que « la santé osseuse reste une préoccupation importante qui pèse sur le rapport bénéfice/risque ».
Santé osseuse |
Létrozole |
Placebo |
Fractures |
133 |
88 |
ostéoporose |
109 |
54 |
En résumé, le Pr Goss indique que « cette étude donne une orientation à de nombreux patients et à leurs médecins en confirmant que prolonger la thérapie par anti-aromatase permet de réduire le risque de récidive de cancer du sein d’une part et en montrant un effet préventif substantiel sur l’autre sein, d’autre part. »
Il a par ailleurs indiqué qu’aujourd’hui, aucune anti-aromatase ne se démarquait par rapport à une autre.
Interrogée par Medscape édition française, le Dr Anne Lesur porte un regard critique sur les résultats de l’étude : « Il est possible qu’il y ait des effets secondaires à long terme et on sait ce que donnent des suppressions ovariennes précoces, et ce n'est en rien encourageant. Si la thérapie prolongée par anti-aromatase évite de mourir, je dis oui. Sinon, c’est trop cher payé. Le quotidien avec mes patientes ne me pousse en rien à prescrire 10 ans d’anti-aromatases », a commenté l’oncologue.
Citer cet article: Aude Lecrubier. Cancer du sein : moins de récidives après 10 ans d’anti-aromatases, selon l’essai MA.17R - Medscape - 6 juin 2016.
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