Paris, France -- Le Dr Michel Nahon, est l’ancien acteur de la planification de la gestion de crise au SAMU de Paris et de l’enseignement de médecine de catastrophe. Interrogé par Medscape édition française, il détaille l’intérêt de la mise en place de fan-zones à l’occasion de l’Euro 2015 de football.
| Qu’est-ce qu’une fan-zone ? A l’occasion de l’Euro 2016, des lieux officiels de retransmission publique seront mis en place pour la première fois afin de retransmettre les 51 matchs de la compétition [1]. Cette zone s’adresse tout autant à des spectateurs munis de billets pour les matchs qu’à ceux qui en sont dépourvus ainsi qu’à la population locale et aux supporters étrangers. Son accès est gratuit. Pendant les 31 jours que dure le tournoi, les « fans zones » constituent donc une extension de l’événement. |
Medscape édition française : C’est la première fois que des fan-zones sont organisées à l’occasion d’un événement sportif en France. Les dispositifs de secours seront-ils adaptés à ce nouveau mode de rassemblement ?
Dr Michel Nahon : Dans le cadre des rassemblements de foule liés à l’Euro 2016, l’Etat sait se préparer à des évènements qui sont prévisibles et assez habituels. Mais en 2016, il s’y ajoute un risque terroriste relativement nouveau : une affluence particulière dans un lieu unique augmente le nombre potentiel de victimes en cas d’acte malveillant.
Depuis la loi de modernisation de la sécurité civile de 2004 (qui modernise le dispositif ORSEC ), l’Etat s’intéresse tout particulièrement à la mise en place des dispositifs prévisionnels de secours (DPS) : il s’agit d’une organisation d’Etat interservices qui réunit les acteurs impliqués dans la sécurité des évènements impliquant un grand nombre de personnes.
Les fan-zones représentent typiquement des manifestations nécessitant la mise en place de dispositif pressionnel de secours. Ces lieux dédiés ludiques et festifs ont pour but de réunir en extérieur un nombre particulièrement élevé de personnes (92 000 à Paris, 20 000 à Lyon). Puisqu’ils seront ouverts à tous, ils devront être sécurisés et disposer de moyens humains et matériels suffisants pour prendre en charge d’éventuelles victimes.
Medscape : Comment va-t-on assurer la sécurité sur ces lieux ?
Dr M. Nahon : Les services de police et gendarmerie, les services de renseignement travaillent déjà depuis plusieurs mois sur le sujet. Les forces de l’ordre vont mettre en place un périmètre de sécurité et des barrages afin d’assurer un filtrage des personnes qui souhaitent entrer sur le site. Plusieurs niveaux de filtrages sont prévus pour pouvoir détecter au mieux les personnes suspectes qui peuvent constituer une menace pour la sécurité. Le type de fouilles possibles (sacs, vêtement, fouille au corps) et de détection des substances explosives sera défini par le Préfet de Police.
Par ailleurs, on sait que lorsqu’un grand nombre de personnes se rassemble dans un lieu défini pendant un temps court, on doit s’attendre systématiquement à des incidents, des accidents, des malaises dont le nombre, l’importance et la gestion peuvent être anticipés de façon assez précise.
Pour prendre en charge ces urgences prévisibles, le dispositif de secours classique sera mis à contribution. Il fait appel à des secouristes, des infirmiers, et des médecins au sein de lieux dédiés répartis sur la zone et en coordination avec le SAMU, les pompiers et les forces de l’ordre. On sait par exemple qu’un rassemblement de foule de 100 000 personnes durant quelques heures génère en moyenne une centaine d’interventions de secouristes et une dizaine d’évacuations vers des hôpitaux.
Medscape : Le contexte particulier des attentats récents de Paris et Bruxelles doit-il faire craindre des actes malveillants pendant l’Euro 2016 ?
Dr M. Nahon : Le risque d’attentats terroriste reste très élevé pendant la coupe d’Europe de football. On sait en effet depuis 2015 que la France fait partie des pays qui sont particulièrement exposés aux nouveaux actes terroristes. Les rassemblements de foule sont des cibles toutes indiquées pour un « coup d’éclat médiatique ».
L’Etat se doit de s’y préparer avec une organisation des secours et des soins correctement dimensionnée si un événement terroriste se produisait. Les services de Police, de secours et de soins déployés sur les lieux doivent être organisés pour prendre en charge des victimes potentielles dans les meilleurs délais et pour cela ils doivent se doter de mesures et de moyens adaptés.
Citer cet article: Dr Isabelle Catala. Les fan-zones durant l’EURO 2016 : un risque très calculé - Medscape - 3 juin 2016.
Commenter