Foot féminin : spécificités de la traumatologie

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

9 juin 2016

Rennes, France -- Dans la pratique du football, la traumatologie des joueuses n’est pas la même que celle de leur homologues masculins. Qu’est ce qui la caractérise? Les footballeuses bénéficient-elles de mesures de prévention spécifiques? Eclairage avec le Dr Jacqueline Jan (service de médecine du sport, Clinique de la sagesse, CHU de Rennes), médecin en charge du Pôle Espoirs féminin des régions Bretagne, Pays-de-la-Loire et Normandie, dont deux joueuses ont intégré l'équipe de France de football.

Medscape édition française : Quelles sont les différences entre la traumatologie du football féminin de celle du football masculin?

Dr Jacqueline Jan : Sur le terrain, les joueuses de football sont globalement moins confrontées aux traumatismes que les hommes. Pour 1 000 heures de jeu, on recense en moyenne 1,9 traumatisme chez les femmes, contre 6,2 traumatismes chez les hommes. Dans la moitié des cas, ils surviennent lors d'un tacle.

Les contusions apparaissent moins nombreuses. Tout comme certaines lésions musculaires, notamment celles touchant les quadriceps. En revanche, les footballeuses souffrent plus souvent d'entorses. Et, par rapport aux hommes, elles ont un risque de rupture du ligament croisé nettement plus élevé. Pour 1 000 heures de match, on compte en moyenne 0,34 rupture du ligament croisé chez les joueuses de football, contre 0,16 rupture chez leurs homologues masculins.

Les commotions cérébrales sont également plus fréquentes chez les femmes et certainement sous-évaluées. Ce constat est d'ailleurs valable pour tous les sports. Selon la Fédération internationale de football (FIFA), les commotions cérébrales représentent 17% des traumatismes chez les joueuses de football.

Parmi les zones du corps les plus touchées, figurent également les genoux et les chevilles, avec respectivement 12% et 21% des cas de traumatismes.

La pratique du football féminin en hausse

Le football rencontre un succès grandissant auprès des femmes. En 2016, sur un total de 2,1 millions de joueurs de football licenciés recensés par la Fédération française de football (FFF), on compte 100 000 footballeuses. Soit près de 15 000 en plus par rapport à l'année précédente.

On reste bien loin du million de footballeuses recensées en Allemagne, mais la tendance est réelle. Et, elle est mondiale. Selon la FIFA, le taux de pratique féminine du football a augmenté, en dix ans, de 210% aux Etats-Unis, de 250% en Suisse et de 160% en Allemagne.

On recense, au niveau mondial, 29 millions de footballeuses. Soit 22% de l'ensemble des joueurs de football.

Comment explique-t-on ces différences? Les facteurs de risque ont-ils été clairement identifiés?

Dr J. Jan : Les femmes ont un bassin plus large, ce qui favorise les déformations du genou de type valgum (déviation des genoux vers l'intérieur) ou recurvatum (déviation vers l'arrière). Elles ont également des muscles fessiers et ischio-jambiers plus faibles. Combinés, ces facteurs fragilisent le genou et le rendent plus sensible au risque de rupture des ligaments croisés.

Elles ont également davantage de masse grasse, comparativement aux hommes. Or, un taux de masse grasse supérieur à 25% constitue un facteur de risque de blessure chez les footballeuses. En équipe de France, les joueuses présentent, en moyenne, 20,5% de masse grasse. Il est difficile de faire mieux. Les hommes évoluant à ce niveau dans ce sport sont, quant à eux, à 11,3% de masse grasse.

A l’inverse, à moins de 20% de masse grasse, apparaissent les troubles du cycle menstruel. Des taux de 16% peuvent être observés chez les sportives de haut niveau pratiquant le marathon ou la gymnastique, mais elles sont alors, bien souvent, en aménorrhée. On ne peut pas beaucoup agir sur ce facteur. Il y aura toujours une différence importante entre hommes et femmes.

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