Saint Denis la Plaine, France —Alors que les premiers paquets de cigarettes neutres arrivent chez buralistes aujourd’hui, la Haute Autorité de Santé (HAS) a rendu, hier, ses conclusions sur l’intérêt du dépistage du cancer du poumon par scanner chez les fumeurs. Selon la HAS « en l’état des connaissances scientifiques actuelles, un programme de dépistage du cancer broncho-pulmonaire par tomodensitométrie à faible dose chez des personnes fortement exposées au tabac doit être déconseillé dans le contexte français » [1]. Pourtant il y a 5 ans, les résultats de la National Lung Screening Trial (NLST) qui montraient que le dépistage par scanner hélicoïdal à faible dose du cancer du poumon chez les fumeurs réduisait la mortalité de 20% par rapport à la radiographie avait été considérés comme porteurs d’espoir par le Dr Bernard Milleron (voir notre article).
Pour lutter contre ce cancer qui est lié dans 90 % des cas au tabagisme, l’institution recommande plutôt de centrer les efforts sur la recherche et de poursuivre la lutte contre la consommation du tabac [2]. Tout va donc pour le mieux puisqu’à l’occasion de l’annonce de l’arrivée des premiers paquets neutres chez les buralistes ce vendredi, la ministre de la santé, Marisol Touraine, a déclaré que la France était désormais « pionnière en Europe dans la lutte contre le tabac »… Passons…
Quelques chiffres Un adulte sur trois déclarait fumer quotidiennement en 2014 |
Une analyse critique des essais randomisés en défaveur du dépistage
A la demande de professionnels de santé et dans le cadre du 3ème Plan cancer 2014-2019, la HAS a évalué la possibilité et l'intérêt de dépister le cancer du poumonpar scanner thoracique à rayons x à faible dose chez les fumeurs, dans le but de détecter et de traiter la maladie à un stade précoce.
Pour cela, elle a réalisé une analyse critique de la littérature.
En tout, 10 essais randomisés sur l’impact du dépistage du cancer broncho-pulmonaire par tomodensitométrie à faible dose chez les grands fumeurs ont été sélectionnés : Dépiscan, Lung Screening Study (LSS) , National Lung Screening Trial(NLST), Nelson, Danish Lung Cancer Screening Trial (DLCST), Italian Lung cancer Computed Tomography screening trial (Italung), Dante, Multi-centric Italian Lung Detection Trial (Mild), German Lung Cancer Screening Intervention Study (Lusi) et le United Kingdom Lung Cancer Screening trial (UKLS).
Toutefois, la HAS note qu’aucune de ces études ne fournit tous les éléments nécessaires pour documenter le rapport bénéfice-risque d’un programme de dépistage du cancer broncho-pulmonaire par tomodensitométrie à faible dose comparé à l’absence de dépistage.
Seule l’étude américaine NLST suggère qu’un dépistage par tomodensitométrie pourrait réduire la mortalité spécifique ; néanmoins, « les conditions de réalisation de cette étude et la comparaison menée ne sont pas représentatives du contexte français ».
La HAS relève également que « les éléments en défaveur du dépistage (fréquence élevée des faux positifs, risque accru de complications) et la durée de suivi n’excluent pas que le rapport avantages/inconvénients puisse être en défaveur du dépistage ».
Elle souligne enfin qu’aucun des essais européens en cours ne pourra répondre à la question de l’efficacité sur la mortalité avec une puissance statistique suffisante.
Citer cet article: Aude Lecrubier. Le dépistage du cancer du poumon chez les fumeurs n’est ni possible, ni utile, selon la HAS - Medscape - 20 mai 2016.
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